Conjoncture: dopage fiscal aux Etats-Unis et inquiétude italienne

Ralf Wiedenmann et Reto Cueni, Vontobel AM

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Même moins drastique qu’annoncée, la réforme fiscale américaine devrait donner une impulsion à l’économie. En Europe, l’Italie pourrait troubler le calme post-Macron.

Le président américain Donald Trump a décroché une première grande victoire. Juste avant Noël, il a concrétisé la plus vaste réforme fiscale adoptée aux Etats-Unis depuis des décennies. L’abaissement des impôts des ménages et des entreprises devrait doper la conjoncture tout en pesant sur le budget public. En Europe, les acteurs du marché anticipent avec une nervosité croissante les élections parlementaires prochaines en Italie. Les craintes d’une montée en force des partis «eurosceptiques» pourraient troubler la tranquillité en Europe, même avant le passage aux urnes.

«La réforme de l’impôt sur le revenu
s'avère bien plus maigre que ne l’avait promis Trump
pendant sa campagne électorale.»

La réforme de l’impôt sur le revenu s'avère bien plus maigre que ne l’avait promis Trump pendant sa campagne électorale: les tranches d’imposition n’ont pas été réduites de sept à quatre. En outre, l’allègement fiscal pour une famille de classe moyenne ne se monte qu’à 16% au lieu de 35%, et les personnes dans la catégorie de revenu la plus basse continuent de payer un impôt de 10% au lieu de zéro. Qui plus est, ces réductions fiscales prendront fin en 2026 et diverses déductions ont été supprimées. Malgré cela, toutes les catégories de revenu en profitent, ce qui devrait avoir un effet favorable sur la consommation.

La réduction du taux d’imposition des entreprises de 35 à 21% est elle aussi moins importante qu’espéré (un taux de 15% avait été annoncé), mais elle est tout au moins permanente. Par ailleurs, les entreprises peuvent, pendant les huit prochaines années, rapatrier à un taux réduit exclusif les bénéfices gardés à l’étranger et amortir les investissements effectués (jusqu’en 2023) intégralement pendant l’année d’acquisition. Globalement, la réforme devrait donner une impulsion à l’économie.

«L’Italie devrait donc se trouver confrontée
une nouvelle fois à une période turbulente,
ce qui pourrait devenir un problème pour toute l’Europe.»

Cependant, en l’absence d’un miracle économique, l’allègement fiscal se traduira par une diminution des recettes publiques, et donc aussi des investissements de l’État. Selon les calculs du Congrès américain, le budget s’en trouvera chargé à hauteur de 0,7%, ce qui correspond assez précisément à aux estimations de l’année dernière. Aucune raison donc d’adapter nos prévisions de croissance de l’économie américaine (2,5% en 2018).

L’Italie devrait troubler la quiétude politique en Europe

Le 4 mars, l’Italie tiendra des élections parlementaires et formera un nouveau gouvernement. Le scrutin pourrait perturber considérablement le calme qui règne dans la politique européenne depuis la victoire électorale enregistrée l’année dernière par Emmanuel Macron. Le parti de protestataires «Movimento 5 Stelle» (M5S) devrait obtenir le plus grand nombre de suffrages, mais se trouver dans l’incapacité de former un gouvernement du fait de l’absence d’alliés. Une coalition de M5S avec le camp centre-droite, également eurosceptique, rallié autour de l’octogénaire Silvio Berlusconi s’avérerait négative du point de vue européen. En revanche, en cas d’entente de M5S avec le camp de centre-gauche de Matteo Renzi, l’agitation dans la zone euro devrait rester limitée et se calmer rapidement.

La variante qui semble actuellement la plus probable est l’obtention d’une majorité des voix, et donc l’octroi par le président Sergio Mattarella du mandat de formation d’un gouvernement, par la coalition de centre-droite de Silvio Berlusconi (Forza Italie) et de Matteo Salvini (Lega). Si l’on en croit les dernières enquêtes, cette alliance de centre-droite pourrait, ensemble avec l’alliance de centre-gauche de Renzi, décrocher une petite majorité au Parlement (grande coalition du centre)1.  On peut toutefois douter qu’une telle coalition parvienne à se maintenir longtemps au pouvoir. Ainsi, des tentatives ultérieures de formation d’un gouvernement plus stable, voire de nouvelles élections, ne sauraient ainsi être exclues d’ici la fin de l’année. L’Italie devrait donc se trouver confrontée une nouvelle fois à une période turbulente, ce qui pourrait devenir un problème pour toute l’Europe.

 

1. La coalition de centre-droite inclut Forza Italia (FI), la Lega (L) et Fratelli d’Italia (FdI); la coalition de centre-gauche englobe le Partito Democratico (PD), Area Populare (AP) et Liberi e Uguali (LeU); la grande coalition du centre inclut l’alliance centre-gauche et FI; la grande coalition d’eurosceptiques englobe l’alliance centre-droite et M5S; la coalition de populistes de centre-gauche inclut le camp de centre-gauche et M5S.

 

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