Cette semaine sur les marchés – Prendre du recul

Nathalie Benatia, BNP Paribas Asset Management

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La remontée de l’inflation sous-jacente dans les économies développées ne correspond pas à une nouvelle tendance et devrait être corrigée dans les prochains mois. Des baisses de taux directeurs restent donc d’actualité.

Les actions sont parvenues à regagner du terrain la semaine passée grâce aux bons résultats des grandes sociétés technologiques américaines. La relative stabilisation des rendements obligataires, et même une légère détente de la partie courte des courbes, a pu contribuer à cette remontée. Le moment de la première baisse des taux de la Réserve fédérale américaine a été repoussée depuis la publication le 10 avril d’une inflation plus forte que prévu mais l’hypothèse d’un assouplissement qui débuterait malgré tout en 2024 n’a pas été écartée.

Le point sur l’inflation américaine

Compte tenu des inquiétudes qu’avait suscitées le déflateur de la consommation au premier trimestre, l’inflation sous-jacente de mars publiée vendredi 26 avril a finalement rassuré. A l’occasion de la publication des comptes nationaux américains la veille, l’évolution du déflateur des dépenses privées hors alimentaire et énergie (core PCE) avait retenu l’attention. La progression trimestrielle annualisée est en effet ressortie à 3,7% contre des attentes à 3,4%, laissant envisager un net rebond de l’inflation en mars.

Les données mensuelles sur les revenus et les dépenses des ménages en mars publiées le lendemain ont révélé que ces chiffres d’inflation avaient été revus à la hausse en janvier (à +0,5%) et en février (à +0,27%), si bien que la variation en mars a été de ‘seulement’ +0,32%.

En glissement annuel, cette mesure privilégiée par la Fed de l’inflation a légèrement fléchi (de 2,84% à 2,82%). Toutefois, pour que la prévision faite par le FOMC d’une inflation sous-jacente s’établissant à 2,6% au dernier trimestre 2024 se réalise, il faudrait des progressions mensuelles inférieures à 0,2% jusqu’à la fin de l’année. Par ailleurs, le supercore PCE (inflation sous-jacente hors coût du logement) est passé de 3,43% en février à 3,5% en mars.


 

 


Faut-il s’inquiéter?

Les progrès en matière de ralentissement de l’inflation ont indubitablement déçu depuis le début de l’année mais la tendance au ralentissement de la hausse des prix ne semble toutefois pas devoir être remise en cause.

Jerome Powell a néanmoins reconnu qu’il faudra «probablement plus de temps aux membres du FOMC (Federal open market committee) pour être suffisamment confiants du retour de l’inflation vers 2%», entretenant ainsi les doutes sur la volonté de la Fed d’agir au cours de l’été et conduisant au reflux des anticipations de baisse des taux directeurs avec des conséquences sur les marchés de taux et les actifs risqués.

Au cours de la dernière semaine d’avril (du 22 au 26), et alors que le FOMC doit annoncer ses décisions de politique monétaire le 1er mai, les actions sont parvenues à regagner du terrain grâce aux bons résultats des grandes sociétés technologiques américaines et les rendements obligataires se sont stabilisés (après avoir connu une nette tension depuis le 10 avril), enregistrant même une légère détente sur la partie courte de la courbe.


 

 


Le scénario idéal de ralentissement en douceur et d’assouplissement régulier des politiques monétaires reflété au premier trimestre par le comportement des actifs risqués a pris du plomb dans l’aile. Selon nous, la remontée de l’inflation sous-jacente dans les économies développées ne correspond toutefois pas à une nouvelle tendance et devrait être corrigée dans les prochains mois. Des baisses de taux directeurs restent donc d’actualité (le mouvement a d’ailleurs commencé en mars en Suisse et la BCE affirme vouloir agir en juin) même si le calendrier de la Fed en la matière va se télescoper avec le calendrier électoral.

La croissance américaine reste robuste mais …

La première estimation de la croissance du PIB au 1er trimestre (+1,6% en rythme annualisé) a légèrement déçu : le consensus prévoyait 2,5% et l’estimation en temps réel calculée par la Fed d’Atlanta (GDPNow) ressortait à 2,7%. Toutefois, les détails de cette croissance sont favorables : la consommation privée a progressé de 2,5%, l’investissement productif de 2,9% et la contribution des stocks et du net export ont été négatives (-0,35pp et -0,86pp respectivement). Le dynamisme des importations explique ce dernier résultat, ce qui prouve que la demande intérieure est restée très solide au 1er trimestre. L’amélioration constatée ces derniers mois de l’activité du secteur immobilier est reflétée dans les comptes nationaux par une progression de 13,9% de l’investissement résidentiel (après deux années de contraction). La demande intérieure finale a progressé de 3,1% (après 3,3% au 4e trimestre). Les dépenses privées de consommation en termes réels ont augmenté de 0,5% en mars après 0,5% en février et -0,3% en janvier, illustrant une dynamique solide en fin de trimestre que reflétaient déjà les ventes au détail publiées plus tôt dans le mois.

Toutefois, les résultats préliminaires des enquêtes auprès des directeurs des achats (PMI – Purchasing manager index) ont traduit un certain essoufflement de l’activité en avril aux Etats-Unis avec, notamment, un vif repli de l’indice reflétant l’évolution de l’emploi dans les services, passé de 51,1 à 47,3, au plus bas depuis la pandémie. La confiance des ménages a, elle aussi, reculé en avril.

Dans ce contexte, même si les anticipations de la première baisse des taux directeurs de la Fed ont été repoussées (sur les marchés comme par les prévisionnistes), l’hypothèse d’une ou deux baisses en 2024 est toujours présente.

Le yen comme victime collatérale

Le marché des changes a été affecté par les ajustements d’anticipation de la politique monétaire de la Fed et de la Banque du Japon. L’appréciation du dollar provoquée par la disparition des anticipations d’une baisse des taux de la Fed en juin a envoyé la parité USD/JPY (151,35 fin mars) rapidement au-dessus de 155, au plus haut depuis juin 1990. Cette dépréciation du yen a amené la Secrétaire au Trésor américain, le ministre des Finances japonais (et le ministre des Finances coréen) à publier une déclaration conjointe exprimant leur inquiétude sur la faiblesse du yen et du won et signalant leur engagement à «se consulter étroitement à propos des développements sur le marché des changes».

 

En fin de mois, malgré des conclusions plutôt hawkish de la part de la Banque du Japon à l’issue de sa réunion de politique monétaire du 26 avril, l’absence d’une indication claire sur une prochaine hausse du taux directeur a pesé sur le yen. La parité USD/JPY est passée au-dessus de 158, soit un yen au plus bas face au dollar depuis avril 1990. Un tel niveau renforce la probabilité d’une intervention sur le marché des changes. Lundi 29 au matin, la parité a très ponctuellement franchi 160 avant de retomber brutalement à 155. A suivre…

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