Ce que révèle la levée de fonds de Morpho sur la DeFi

Alexandre Stachtchenko & Stanislas Barthélémi, Blockchain Partner by KPMG

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Chronique blockchain. L’opération illustre la poursuite de l’innovation et la différence de perception de la DeFi par les investisseurs américains par rapport aux fonds européens.

Morpho Labs a levé 18 millions de dollars pour son protocole de finance décentralisée d’optimisation sur le prêt et l’emprunt. L’annonce est à souligner à bien des égards. L’équipe est très jeune et émane de l’excellente association Kryptosphère, qui essaime dans de nombreuses écoles, une véritable chance pour la France. La levée est réalisée avec a16z en lead sur le tour et de nombreux fonds et business angels.

A16z démontre une nouvelle fois son appétit pour le secteur avec les différents véhicules, et le CEO de la société a souligné la facilité des discussions avec ces acteurs. Toutefois, mentionnons la présence de fonds européens et notamment des français d’XAnge.

Cette émergence de fonds web3 capable de déployer du capital sur de l’equity et/ou des jetons est à saluer. Au cours des dernières semaines, Cathay et Ledger ont lancé un véhicule avec 100 millions d’euros. XAnge a en parallèle annoncé son fonds web3 avec 80 millions d’euros en recrutant un partenaire venant de l’écosystème crypto en la personne de Luc Jodet. Ce mouvement s’accompagne des investissements dans les différentes structures de Bpifrance, l’acteur institutionnel qui a par la voix de Benjamin Paternotte affirmé la stratégie de soutenir l’écosystème, et encore en plus en marché baissier ou les valorisations sont supposément intéressantes. Nous constatons enfin l'émergence de financeurs qui contrebalancent la voracité des acteurs étrangers.

La complexification des produits DeFi et la création de couches permettront d’avoir une large palette de choix avec ces actifs.

Le sujet de Morpho est d’optimiser les taux d’intérêts dans les services DeFi dits de prêt et d’emprunt, comme avec AAVE et Compound. Morpho applique donc le principe de composabilité et construit une couche d'agrégation au-dessus de ces protocoles DeFi.

La narrative est simple pour les investisseurs: la finance décentralisée offre une nouvelle infrastructure permettant de construire des produits financiers en limitant les tiers centralisateurs, avec simplicité d’exécution, sans risque de contrepartie. A ce jour la finance décentralisée fonctionne en vase clos avec des stablecoins et autres cryptoactifs autour de quelques actions de type: échange, emprunt, assurance, mise en jeu de liquidité, etc., et avec des jetons de gouvernance qui n’ont pas de mécanisme de création de valeur à cause du risque de requalification en ‘security’ par la SEC, l’AMF américaine. Néanmoins, on peut utiliser un protocole sans forcément toucher au jeton de celui-ci. Outre le stablecoin qui est un RWA, (actif du monde réel, Real World Asset), il existe encore peu d’usages liés à des actifs financiers traditionnels que ce soit des titres de capital, de dettes, des dérivés etc…

La complexification des produits DeFi et la création de couches permettront d’avoir une large palette de choix avec ces actifs.

Ainsi, AAVE en partenariat avec Centrifuge permet de déposer des jetons en collatéral, représentant de la liquidité prêtée à des sociétés ou fonds, pour emprunter de l’USDC. MakerDAO et Forge (du groupe Société Générale) avait refinancé une obligation immobilière par ce biais.
Mentionnons par ailleurs d’autres acteurs qui construisent cette finance décentralisée avec: Atlendis, Angle, Mangrove, Paladin ou Swaap entre autres sur des verticales différentes.

L’hybridation entre DeFi et la finance traditionnelle démarre avec quelques prototypes naissants posant de nombreuses questions sur l’adéquation avec ce nouveau support technologique et des régulations datant de plusieurs décennies.

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