Ce n’est pas le marché repo de 2007

Cyril Gomez

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BlueBay AM: Il n’y a pas, comme lors de la Grande Crise Financière, de perte fondamentale de confiance dans la solvabilité des banques.

Les récentes tensions sur le marché américain du repo ne manquent pas de raviver le souvenir de la crise financière globale déclenchée par une crise bancaire aux États-Unis il y a un peu plus de dix ans. Un repo consiste en une vente de titres (mise en pension) de haute qualité par le demandeur de liquidité à son fournisseur (preneur de la pension), accompagné de l’engagement simultané de les racheter à très court terme, soit le lendemain (opération au jour le jour ou overnight repo) soit à terme.

En septembre, le taux repo au jour le jour avait atteint le pic de 10%, alors qu’il se situe généralement autour de 2%. Pour remédier à la raréfaction des liquidités sur le marché interbancaire, la Fed a été amenée à y injecter plus de 320 milliards de dollars depuis l’automne. Si ce taux s’est depuis stabilisé à environ 1,6% actuellement, le taux repo à terme fixé pour les opérations devant être réalisées fin décembre n’en a pas moins continué d’augmenter. Pour se situer à un peu plus de 4,15% contre 3% il y a encore un mois seulement.

James Bianco, fondateur et président du cabinet de conseil Bianco Research, à Chicago, estime que «pour l’heure, ce n’est pas un problème», dès lors que la Fed administre ce marché. «Mais plus longtemps la Fed intervient, plus grandes sont les chances que cela devienne un problème potentiel», prévient le conseiller via son post publié sur LinkedIn. «Après trois mois d’injections, la Fed devrait être en train de discuter des moyens permettant au marché repo de revenir à la normale», poursuit l’expert. «Au lieu de cela, elle en est encore à examiner le problème, ce qui suggère qu’elle ne comprend pas où est le problème.»

«En ce moment, cela fonctionne assez bien et nous espérons
qu’il en soit ainsi en fin d’année et au moins jusqu’à mi-janvier.»

Mercredi, lors de la réunion de la Fed, celle-ci a indiqué dans sa note de mise en œuvre de la politique monétaire qu’elle continuerait à soutenir le marché. «Le Comité instruit également son Open-Market Desk à poursuivre ses opérations prise en pension à terme et au jour le jour au moins jusque dans le courant du mois de janvier 2020, afin de garantir que l’offre des réserves demeure ample même durant les périodes de forte augmentation des engagements hors-réserves et d’atténuer le risque de pressions sur le marché monétaire qui pourraient affecter la mise en œuvre de la politique monétaire1

Jeudi, John Williams, président de la Fed de New York, la branche de la banque centrale américaine en charge des opérations sur l’open-market, a expliqué à la presse que la Fed poursuivait ses opérations repo et d’achats de T-Bills, afin de fournir des réserves aux banques. «En ce moment, cela fonctionne assez bien et nous espérons qu’il en soit ainsi en fin d’année et au moins jusqu’à mi-janvier», a assuré John Williams.

Compte tenu de la relative résilience de l’économie américaine, et de la consommation en particulier, est-il permis d’interpréter le revirement soudain de la politique monétaire de la Fed, après avoir augmenté les taux directeurs à huit reprises depuis 2017, comme le reflet des tensions sur le marché repo? «Je ne pense pas que le marché du repo soit la cause principale de la baisse des taux d’intérêt aux États-Unis», estime David Riley, Chief Investment Strategist chez BlueBay Asset Management (BlueBay), lors d’un entretien avec Allnews.

Les tensions du marché du repo sont le résultat de la réduction du bilan de la Fed
et de la hausse des emprunts à court terme du Gouvernement américain.

«En revanche, l’arrêt net de la réduction de la taille du bilan de la Fed et son regonflement, initié cet été, reflètent, eux, les problèmes de liquidité bancaire auquel le marché américain du repo fait face», précise David Riley, qui était récemment de passage à Zurich. «Selon moi, la baisse des taux directeurs est une réponse directe à la persistance d’une faible inflation et aux incertitudes liées à la croissance américaine et globale, cette dernière étant le reflet des incertitudes liées aux tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine.»

Le stratégiste de BlueBay ajoute que si les tensions sur le marché du repo ont de quoi inquiéter la Fed et les investisseurs, la situation est très différente de celle qui prévalait lors de la crise financière de 2008. «Il est clair que toute tension sur ce marché affecte la capacité de la Fed à contrôler les taux d’intérêt à court terme. Mais, en 2007-2008, ces tensions reflétaient une perte de confiance fondamentale dans la solvabilité des banques et des négociants principaux du marché monétaire, les primary dealers.»

«Aujourd’hui, les tensions sur le marché du repo sont plutôt le résultat plus ou moins direct de deux facteurs. À savoir la réduction du bilan de la Fed jusqu’à la première moitié de l’année et la hausse des emprunts à court terme du Gouvernement américain, via les émissions de Bons du Trésor à court terme, qui ont tous deux eu pour effet de raréfier la liquidité», commente David Riley. «Un assèchement auquel la Fed a répondu en ré-augmentant la taille de son bilan et en injectant des liquidités sur le marché monétaire à travers des achats d’actifs à court terme auprès des banques actives sur le marché du repo.»

Le spécialiste de BlueBay ajoute qu’il sera intéressant de voir ce qu’il se passera dans les derniers jours du mois de décembre, dès lors que «cette période se caractérise par une certaine réticence des banques à se passer de liquidités et à octroyer des prêts sur le marché du repo, après que les contraintes réglementaires et l’évolution des marchés ont fini par augmenter la valeur des liquidités dans le bilan des banques», conclut David Riley.

 

1 Implementation Note issued December 11, 2019