Cap sur le futur

Salima Barragan

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«Les services et la consommation sont le futur des marchés émergents», selon Odile Lange-Broussy, chez Lombard Odier IM.

Révolu est le temps où les marchés émergents, entièrement endettés en dollar américain, étaient des investissements aventureux. Structurées et transformées, leurs économies sont sur le point de combler un retard vieux de 300 ans. «Les marchés émergents sont tirés par leur mutation en économies de service», estime Odile Lange-Broussy, gérante d’un fonds de conviction sur des actions asiatiques chez Lombard Odier IM. Comment tirer parti de cette métamorphose tout en contribuant à diminuer les inégalités auprès de leurs populations? La gérante basée à Singapour livre quelques idées d’investissement.

LE GRAND RéAJUSTEMENT

Pointées du doigt lors des précédentes crises, les économies émergentes se portent structurellement mieux qu’il y a vingt ans: le réajustement salvateur a porté ses fruits. «Une multitude de devises étaient fixées au dollar américain, leurs dettes étaient également libellées en dollar», explique Odile Lange-Broussy. Depuis, les marchés de la dette en monnaie locale se sont développés, diminuant les excès de volatilité. La gérante estime que la perception du risque des devises asiatiques est surestimée car elles se sont montrées moins vulnérables que les européennes face aux sauts d’humeur des marchés. Quant à l’inflation, véritable talon d’Achille des économies émergentes par le passé, elle est restée bien contenue grâce aux actions rationnelles des banques centrales asiatiques vis-à-vis de la politique monétaire de la Reserve Fédérale.

Devenue la deuxième puissance économique mondiale en moins de 30 ans, la Chine passe pour le bon élève. Depuis quelques années, les autorités chinoises accompagnent la mutation de l’économie vers le secteur tertiaire, qui équivaut aujourd’hui en pourcentage du PNB à celui des Etats-Unis des années 60. Cette maturité économique permet de tendre vers une société de consommation et change la lecture de ses chiffres macro-économiques. «Il faut aussi regarder le PMI (indice de croissance sectoriel) pour le secteur des services, sorti en février à 54. Le poids des emplois du secteur manufacturier traditionnel décroit, mais c’est en partie voulu», analyse Odile Lange-Broussy.

Certaines actions émergentes sont fortement sous-valorisées
vis-à-vis de leurs pairs des marchés développés.

La Chine accélère aussi son envol technologique, un domaine géostratégique prioritaire. A titre d’exemple, Baidu, le moteur de recherche national, investit massivement dans le domaine de l’intelligence artificielle. «Cela s’inscrit également dans la volonté «made in China» du gouvernement», souligne Odile Lange-Broussy. Rien ne l’arrêtera dans sa course technologique. Pas même la «Trade War».

Malgré l’essor irrésistible des économies émergentes, leur poids dans l’indice mondial MSCI ACWI est de 11%, un pourcentage sous-pondéré sachant que la Chine réalise un cinquième du PIB mondial. Le réajustement ne semble pas entièrement achevé…

FAIRE LA DIFFéRENCE AVEC LE CHOIX DES ACTIONS

Lombard Odier IM construit ses portefeuilles Marchés Emergents autour d’une approche reposant sur trois piliers, qui analyse la durabilité (1) des modèles financiers (rendement économique excédentaire), (2) des pratiques d’entreprise et (3) des modèles d’affaire sur le long terme. Les grandes tendances structurelles – démographie, changement climatique, ressources naturelles, inégalité et révolution numérique, modifieront les économies et les sociétés, rappelle Odile Lange-Broussy. «Les sociétés qui correspondent à nos critères de soutenabilité sont principalement issues des secteurs de la consommation, technologique ou financier. A titre d’exemple, l’assureur AIA, un des trois leaders à Hong-Kong, Singapour et en Thaïlande, a aussi un fort potentiel de croissance en Chine, son deuxième marché. Cette société rentable s’inscrit bien dans la tendance structurelle de réduire les inégalités au sein de la population chinoise grâce à l’accession aux assurances», détaille-t-elle. En Inde, où le taux de diabète atteint près de 10% de la population, le laboratoire d’analyses Dr Lal Pathlab, qui jouit d’un bon ROCE, opère sur un marché dont la croissance annuelle est de 20%. Enfin Tingyi, un distributeur de thé froid et de nouilles instantanées, se taille la part du lion avec 45% des parts du marché chinois, malgré un environnement très concurrentiel.

Enfin, certaines actions émergentes sont fortement sous-valorisées vis-à-vis de leurs pairs des marchés développés. «La société ACE Hardware détient 20% des parts du marché du bricolage en Indonésie, un marché de 250 millions d’habitants, alors que le société USA Home Depot a 20% de son marché domestique, soit environ 320 millions habitants mais sa capitalisation boursière est 140 fois plus petite!», illustre Odile Lange-Broussy. De même, la société chinoise TravelSky, active sur le secteur très porteur du tourisme, similaire à Amadeus (le système espagnol de réservation et gestion des aéroports) couvre 90% du marché chinois et perçoit une commission sur chaque vol: «Son ratio de capitalisation est 4 fois moins élevé qu’Amadeus malgrè un potentiel de développement énorme: moins de 5% des citoyens chinois détiennent déjà un passeport». Enfin, en Inde, un magnifique marché d’avenir, la banque HDFC est spécialisée dans les prêts hypothécaires. «Wells Fargo a une capitalisation 6 fois supérieure alors que le potentiel de développement domestique de HDFC offre d’importantes perspectives», conclut-elle.