Belles performances des matières premières

Nitesh Shah, WisdomTree

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Tous les voyants sont au vert pour les matières premières qui devraient continuer sur leur lancée si la reprise économique est au rendez-vous.

En août dernier, les matières premières ont enregistré leur meilleure performance mensuelle depuis avril 2016 et leur 2emeilleure performance mensuelle depuis 10 ans, selon l'indice Bloomberg Commodity Total Return. Chacun des segments du secteur a contribué positivement à cette performance, l'énergie arrivant en tête (+11,2%), grâce à un gaz naturel qui a affiché une progression exceptionnelle de 47,6%.

Les matières premières étant une bonne couverture contre l'inflation, cela explique en partie l'appréciation de leurs cours du mois dernier. Par ailleurs, le relâchement de la politique monétaire américaine a été négatif pour le dollar américain qui se négocie actuellement à son plus bas niveau depuis deux ans. Or un dollar faible a un effet positif sur les cours des matières premières.

Par ailleurs, les indices des directeurs d'achat du secteur manufacturier se redressent rapidement suite au redémarrage de la production et au déconfinement. Au vu du rôle essentiel de la production pour la demande de matières premières, cela est de bon augure pour ces dernières, pour autant que les tendances actuelles se maintiennent.

Le nickel se distingue

Les métaux industriels ont encore progressé le mois dernier, soutenus par quatre facteurs-clefs, à savoir: des perspectives de hausse de l’inflation, un accroissement de la demande industrielle qui se manifeste par des indices des directeurs d'achat (PMI) élevés aux États-Unis, en Europe et en Chine, une dynamique positive depuis le mois d’avril sur les marchés à terme et enfin un dollar faible qui réduit le prix d’achat des matières premières pour les acheteurs raisonnant dans d’autres devises.

L'amélioration de la demande industrielle
a fait grimper l'aluminium de 4,4%.

Le nickel s’est distingué avec une hausse de 12,6% en août, une progression qui vient s’ajouter à celles qu’il a enregistrées depuis avril. Cette évolution est due en bonne partie à l’augmentation des importations chinoises qui ont découlé de la reprise de l’activité manufacturière du pays. Le zinc a également connu un bon mois (+11,3%). S’il a bénéficié des facteurs cités précédemment, il a également profité de la fermeture de l’une des dix plus grandes mines de zinc et de plomb au monde, la mine de San Cristobal en Bolivie. Cette fermeture s’est d’ailleurs aussi répercutée sur les cours du plomb qui a gagné 5,1% le mois dernier. Enfin, l'amélioration de la demande industrielle, en particulier en Europe, a également fait grimper l'aluminium de 4,4%, lui permettant de compenser son recul du premier trimestre

Fortes progressions du cacao et du café

Les matières premières agricoles ont à nouveau connu un bon mois, bénéficiant de l’assouplissement des mesures de confinement et du redressement de l’activité économique. Elles ont également pu profiter de la faiblesse du dollar favorable aux acheteurs détenteurs d’autres devises. Cependant, pour ce qui concerne le café, le sucre et le cacao qui sont cultivés pour l’essentiel hors des Etats-Unis, les producteurs préfèrent vendre lorsque le dollar est fort et constituer des stocks dans le cas contraire, ce qui leur permet d’obtenir des recettes plus élevées dans leurs monnaies nationales.

Le cours du cacao a néanmoins fortement progressé (+17,5%) en août, suite aux craintes qu’une saison trop sèche en Afrique de l’Ouest ne vienne impacter la production. Ces craintes se sont également répercutées sur le marché à terme du cacao, stimulant fortement les positions spéculatives nettes. Le café a également gagné 15,9% le mois dernier grâce à la faiblesse du dollar et à la nette amélioration du sentiment des investisseurs. Cette dernière a profité à toutes les matières premières agricoles et entraîné une hausse des positions spéculatives sur le coton, le soja, l'huile de soja et le sucre. L'huile de soja a progressé de 13,5% le mois dernier, tandis que le sucre s'est apprécié de 4,9%.

Le gaz naturel flambe

En août, la performance la plus remarquable dans le secteur des matières premières a été celle du gaz naturel dont le cours a progressé de presque 48%. Après avoir touché son plus bas de ces 25 dernières années en juin 2020, le gaz naturel est revenu vers sa moyenne de ces cinq dernières années (à 2,6 dollars/millions de BTU). Divers facteurs ont contribué à sa flambée. En premier lieu, l’assouplissement des mesures de confinement aux Etats-Unis a permis à une demande, fortement mise à mal, de se redresser. Deuxièmement, des températures supérieures à la moyenne dans de nombreuses régions des Etats-Unis ont accru le besoin de climatisation. Or, étant donné que plus d’un tiers de l’électricité produite dans le pays provient du gaz naturel, ce dernier bénéficie de l’accroissement de la demande de climatisation.

La saison des ouragans n'étant pas encore terminée, la volatilité de la production
induite par ce phénomène devrait continuer à être prise en compte.

Par ailleurs, la baisse marquée du prix du gaz l’a rendu très compétitif par rapport à d’autres sources d’énergie, charbon compris, ce qui a eu pour effet de déplacer la demande en sa faveur. Enfin, même si les dégâts causés aux installations de production américaines par les ouragans Marco et Laura ont été bien moins importants que ce qui était redouté, ce risque a été intégré dans les cours.

Reste à savoir si les tendances actuelles vont perdurer. A moins d’une recrudescence des cas d’infection par le coronavirus, les mesures de confinement devraient continuer à être allégées. Une baisse des températures entraînerait une réduction des besoins de climatisation. La saison des ouragans n'étant pas encore terminée, la volatilité de la production induite par ce phénomène météorologique devrait donc continuer à être prise en compte. Cependant, le gaz naturel devrait rester privilégié par rapport aux autres hydrocarbures pour la production d'électricité, car il a l’avantage d’émissions de carbone plus basses et d’un prix relativement intéressant aujourd'hui. D’un point de vue plus structurel, la réduction de la production de pétrole de schiste diminuera l'offre de gaz naturel, du fait que ce dernier est en bonne partie un sous-produit de l’exploitation du pétrole de schiste.

Le marché du pétrole n'a pas réagi aux risques d'ouragans de la même manière que le gaz naturel, le Brent et le WTI affichant des progressions de l’ordre de 5%. Cela s’explique en partie par le fait que le pétrole brut a connu une forte remontée par rapport à ses plus bas du début de l'année. Au vu des dégâts minimes provoqués par les ouragans, il est probable que le cours du pétrole demeure dans sa fourchette de cours actuelle. L'OPEP continue de respecter scrupuleusement ses quotas et la demande mondiale de pétrole se redresse.

Le métal jaune au plus haut

L'or a atteint un sommet historique en août, la faiblesse des rendements des bons du Trésor ainsi que celle du dollar continuant à alimenter l'appétit des investisseurs pour ce métal précieux. Son cours a néanmoins été sujet à une certaine volatilité durant le mois d’août: il a reculé le 11 août suite à la publication de divers indicateurs économiques favorables aux économies américaine et européenne. La demande s’est alors portée sur les actifs à risque, délaissant les actifs défensifs tels que l’or et les bons du Trésor. Depuis, la Fed ayant modifié sa politique en matière de ciblage de l’inflation, le marché s’est trouvé conforté dans ses attentes d’une prolongation de la période de maintien des taux bas et de faiblesse du dollar. Ainsi le métal jaune a pu se redresser et gagner encore 1,1% durant le mois. La politique toujours accommodante de la Fed et les perspectives de hausse de l’inflation resteront de très bons soutiens au métal jaune à l’avenir.

L'argent a de nouveau connu un mois exceptionnel et progressé de 13,8%. Sa volatilité a été similaire à celle de l’or, mais il s’est redressé plus rapidement. Cette bonne tenue de l’argent et sa surperformance par rapport à l’or s’expliquent par sa qualité de métal industriel qui vient s’ajouter à celle de métal précieux et donc refuge. Du fait qu’il est utilisé en électronique, dans les équipements médicaux et pour la production d'énergie solaire, entre autres, il bénéficie grandement de la reprise actuelle de l'activité manufacturière. Par ailleurs, le besoin d'argent de secteurs à croissance rapide tels que la 5G et les véhicules électriques lui confère également de belles perspectives à long terme.

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