Les obligations additionnelles de premier rang (AT1), également connues sous le nom d'obligations contingentement convertibles (CoCo), sont généralement perçues comme étant volatiles et présentant un risque élevé. Cette perception s’était renforcée après l'effondrement de Credit Suisse en mars 2023 en raison de la décision controversée de la banque d’annuler ses AT1 alors que le ratio de capital Tier 1 était supérieur au seuil de déclenchement prédéterminé.
Dans ce contexte, il semble prudent de s'interroger sur le rôle que ces obligations peuvent jouer aujourd'hui dans un portefeuille obligataire. L’achat d'une obligation subordonnée au capital d'une entreprise comporte certainement des risques, mais dont certains peuvent être atténués par une sélection minutieuse des banques émettrices. En adoptant une bonne approche, des opportunités intéressantes se présentent actuellement sur le marché des AT1; en particulier au sein de grandes institutions financières ayant un niveau de capitalisation élevé.
L'environnement actuel est globalement favorable aux banques qui bénéficient de la robustesse des économies américaine et européenne et des taux d’intérêts plus élevés qui ont amélioré la performance des portefeuilles hypothécaires. Mais le diable se cache toujours dans les détails. Certaines banques ont d'importants portefeuilles de prêts en difficulté, tandis que d'autres opèrent dans des environnements réglementaires moins favorables. De plus, quelques-unes sont exposées à des pressions régionales, comme les banques américaines de second rang qui ont une forte exposition à l'immobilier. Une approche sélective est essentielle car il est certain que le marché des obligations CoCo ne se prête pas à une approche globale. Or, les obligations de qualité émises par des banques premier plan semblent offrir un intéressant potentiel.
Les AT1 présentent également une opportunité de valeur relative potentiellement attractive; ce qui est de plus en plus difficile à réaliser dans d'autres secteurs.
À notre avis, les banques dites «championnes nationales», qui disposent de solides réserves de fonds propres et de modèles d'entreprise robustes, offrent un équilibre optimal entre risque et rendement. Les rendements, voire les spreads, de ces institutions restent très attractifs, avec des coupons récents atteignant des taux à chiffre unique élevé. Nous considérons qu'il est donc opportun d'investir dans les obligations subordonnées de ces grandes institutions financières bien gérées. De plus, faiblement corrélées au marché du haut rendement, les AT1 offrent une bonne diversification et des rendements potentiels attrayants au sein du secteur des obligations bancaires malgré leur volatilité.
Au-delà de ces solides références, les AT1 présentent également une opportunité de valeur relative potentiellement attractive; ce qui est de plus en plus difficile à réaliser dans d'autres secteurs. Les banques proposent aux investisseurs des obligations à faible coupon assorties d’options d'achat à court terme, qui nécessitent une évaluation de la capacité de refinancement de la banque émettrice à de meilleurs taux dans un délais relativement court. Les investisseurs peuvent également choisir d'acquérir auprès de la même institution financière des obligations à coupon plus élevé, à réinitialisation et à durée plus longues. La compréhension des caractéristiques techniques de ces obligations, ainsi que de l'historique de la décision d'une banque de racheter ou non ses obligations, offre également des opportunités aux investisseurs disposant des outils nécessaires pour prendre ces décisions.
En tant qu'experts du crédit, nous sommes convaincus de la valeur que les AT1 peuvent apporter et estimons qu'ils peuvent constituer un complément de rendement de qualité à un portefeuille global à haut rendement ainsi qu’à un fonds obligataire diversifié.
Au sein de nos portefeuilles, nous privilégions en premier lieu les banques dites «championnes nationales» présentant de solides fondamentaux, un bon équilibre de financement (retail & wholesale), des liquidités solides et des contrôles de gestion des risques efficaces. En plus des indicateurs bottom-up, nous estimons qu’il est pertinent d’intégrer une vision macroéconomique dans notre analyse. Par exemple, lorsque le cycle de hausse des taux a débuté, nous savions que la marge d'intérêt nette était le seul indicateur qui avait eu un impact négatif sur les banques; mais nous étions convaincus que cette mesure des bénéfices et de la croissance allait s'améliorer après dix ans de stagnation. Aujourd'hui, à l'aube d'une baisse des taux, nous prenons en compte le fait qu'un environnement économique plus stimulant devrait également bénéficier aux banques.
Dans l'ensemble, nous considérons que la classe d'actifs des AT1 fait l'objet d'une attention excessive en raison de sa relative nouveauté, de la complexité inhérente aux différents régimes réglementaires auxquels les investisseurs doivent se conformer, ainsi que des caractéristiques uniques de chaque obligation. Les AT1 ne conviennent pas à tous les investisseurs; toutefois, en tant qu'experts en matière de crédit, nous sommes convaincus qu'elles présentent de nombreuses opportunités.