Alliance au service de la transition énergétique

Quentin Bletry, Seba Bank

2 minutes de lecture

Chronique blockchain. Les ressources énergétiques et la blockchain font bon ménage.

©Valentin Flauraud pour Saype, Keystone
L'enjeu

Face au défi climatique, la transition énergétique est un thème qui obtient un soutient croissant de la société civile et qui résonne dans l'arène politique comme un véritable devoir moral envers les générations futures. Si des mesures concrètes sont déjà prises par certains gouvernements dans le but d'atteindre «rapidement» la neutralité carbone, des projets d'innovation technologique du secteur privé permettent justement de contribuer à cette transition. L'Energy Web Chain (EW Chain) s'inscrit dans cette mouvance, rassemblant des acteurs globaux et reconnus du secteur de l'énergie autour d'un programme public et open source. 

L'Energy Web Foundation (EWF) – une fondation à but non-lucratif basée à Zoug – a réussi à créer le plus grand écosystème énergétique basé sur la blockchain. Elle réunit les représentants des différentes disciplines du secteur autour d'un projet collaboratif dont le but est d'allier technologies décentralisées et réseaux électriques pour gagner sur tous les plans. Ainsi, la transition énergétique se verrait accélérée grâce à 1) une flexibilité du réseau liée aux ressources détenues par les consommateurs eux-mêmes et à 2) une meilleure traçabilité du secteur. L'objectif avancé par l'EWF est ainsi multiple, car il vise un bénéfice sociétal, environnemental et, bien sûr, économique.

Chaque utilisateur et chaque actif reçoit des sortes
de passeports digitaux valables dans un réseau électrique donné.

Concrètement, comment cela se passe-t-il? La fondation met à disposition de tous un ensemble de logiciels et de standards open-source, incluant l'EW Chain. Cet ensemble permet la mise en place et la participation au réseau décentralisé de distribution énergétique, mettant ainsi en lien actifs énergétiques, consommateurs, opérateurs de réseau, fournisseurs de services, revendeurs et autorités. Chaque utilisateur et chaque actif reçoit des sortes de passeports digitaux valables dans un réseau électrique donné. Ainsi, la production énergétique d'un utilisateur du réseau lui appartient. Une fois quantifiée, il s'agit de valoriser cette composante unique et non-fongible (premier token) par le biais d'un élément fongible permettant l'interchangeabilité (deuxième token). L'association de ces deux est justement la solution pour laquelle l'EWF a optée avec le standard multi-token ERC-1155 de la plateforme Ethereum.

Mise en pratique

Par exemple, le projet de l'EWF a trouvé une application au travers de la centrale énergétique virtuelle créée par le sonnen Group au nord de l'Allemagne. Cette centrale virtuelle consiste en une mise en réseau de systèmes résidentiels distribués de stockage d'énergie, qui sont utilisés pour absorber le surplus d'énergie parfois généré par les éoliennes quand le vent est abondant. Le gâchis d'énergie renouvelable est ainsi évité en exploitant le potentiel des batteries. En pratique, l'opérateur du réseau électrique de cette partie de l'Allemagne rapporte le surplus anticipé de production d'énergie à la central virtuelle qui lui fait une offre. Si l'offre est acceptée, le règlement (settlement) s'effectue instantanément et avec des coûts de transaction quasi négligeables – caractéristique de l'EW Chain. Les bienfaits de cette mise en pratique sont ici à la fois des économies d'énergie et une réduction de la congestion du réseau. 

La suite?

N'appartenant à personne mais géré par tous, le projet de l'EWF est louable et prometteur. D'une part, il stimule l'innovation dans le domaine de la distribution des énergies et, d'autre part, crée un écosystème où la participation de certains serait normalement inexistante du fait des barrières à l'entrée conséquentes du marché de l'énergie.

Toutefois, la fondation doit continuer d'œuvrer au développement du kit d'intégration qu'elle propose, dans le but de permettre la mise en place rapide, efficace et surtout globale de réseaux de ressources énergétiques distribuées. Ensuite seulement, le potentiel de flexibilité latent du réseau pourra être pleinement exploité, améliorant la capacité à répondre à une demande énergétique grandissante. Un petit bémol est à relever du côté de la trentaine de validateurs actuels de l'EW Chain, puisqu'on y retrouve de gros acteurs du secteur – tels que Shell ou Electrobras – dont la réputation en matière de protection de l'environnement est controversée. On est donc en droit de se demander quelles sont les motivations derrière la participation de ceux-ci au projet de l'EWF, dont un des bénéfices visés est environnemental.

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