Actions 2024: de l’importance d’être sélectif

Johan Van Geeteruyen, DPAM

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Les titres, les secteurs, les thèmes et un paysage financier redessiné par les relocalisations, l’avenir s’annonce passionnant.

Sur la grande scène de l’économie mondiale, les Etats-Unis créent la surprise depuis le début de l’année. Comme le reste du monde ne les suit pas vraiment, la croissance globale paraît de plus en plus unilatérale. Les investisseurs misent sur une évolution économique sans à-coups, avec un léger ralentissement, voire sans. Cependant, les banques centrales tenant les taux d’une main ferme, toute expansion des multiples est limitée. Cela signifie qu’à l’avenir chaque hausse des marchés actions pourrait largement dépendre de la croissance des bénéfices des entreprises.

Aujourd’hui, les marchés sont chers. Le marché américain, soutenu par une économie étonnamment vigoureuse et par les performances des mégacapitalisations, affiche un PER de 20, ce qui est élevé en regard de la valorisation du marché international laquelle est plus en ligne avec celle observée en Europe. Pour 2024, les Etats-Unis tablent sur une croissance des bénéfices de 12%, une progression qui semble ambitieuse. Avec un PER de 12, l’Europe paraît moins chère à première vue, mais si l’on ajuste sa valorisation en excluant les secteurs ultra bon marché des banques et de l’énergie, le PER européen remonte à 15-16. Or, compte tenu de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de la faiblesse générale de l’économie (avec une Allemagne en récession) et des défis que pose la transition énergétique, l’Europe n’est manifestement pas encore sortie d’affaire.

Les secteurs qui résistent

Alors que la plupart des entreprises se serrent la ceinture, d’autres font preuve d’une belle résilience. C’est le cas des «magnificent seven» de la tech, c’est aussi le cas de secteurs traditionnels tels que les télécommunications, l’assurance et la santé. Le secteur de l’assurance résiste étonnamment bien. Dans cet environnement de taux d’intérêt «plus élevés pour plus longtemps», les assureurs, en particulier ceux des catégories « non-vie », retrouvent des lueurs d’espoir. Pour eux, des taux élevés sont en effet généralement synonymes de meilleurs retours sur investissement.

Les assureurs, en particulier ceux des catégories «non-vie», retrouvent des lueurs d’espoir. Pour eux, des taux élevés sont en effet généralement synonymes de meilleurs retours sur investissement.

En revanche, d’autres secteurs deviennent nettement plus vulnérables. C’est le cas des banques, de l’énergie, de l’industrie et des matériaux qui sont étroitement dépendants de l’évolution du PIB. Si l’énergie est un cas particulier compte tenu du contexte politique, d’autres secteurs comme l’alimentation et les boissons n’ont pas profité du retournement amorcé cet été en faveur des valeurs défensives. Ils figurent parmi les secteurs les moins performants cette année et leurs valorisations évoluent en dents de scie. Si les boissons qui affichent un PER inférieur à leur moyenne de ces 15 dernières années sont attrayantes, l’alimentation en revanche exige la prudence, car les entreprises du secteur se négocient à des multiples élevés.

Sur le front de l’industrie, l’espoir renaît grâce à des projets de très grande envergure et à des carnets de commandes plus étoffés pour l’année prochaine. Dans le monde de la tech, alors que les fabricants de semi-conducteurs sont confrontés à des difficultés, tous les fournisseurs de produits et services liés à l’intelligence artificielle (IA) ont le vent en poupe. Pour ce qui est du hardware destiné à la tech, les fournisseurs constatent que les commandes de PC sont révisées à la hausse. Cette variété des perspectives selon les secteurs industriels est typique d’un contexte de fin de cycle.

Ces thèmes qui transforment les marchés

Les secteurs ne sont pas les seuls déterminants de l’évolution des marchés, certains thèmes clés l’ont également été ces derniers mois. Si l’on prend le cas du GLP-1, médicament contre le diabète et l’obésité, son influence est si importante qu’il est en train de remodeler la totalité du secteur de la santé et qu’il affecte d’autres secteurs tels que la technologie médicale ou les biens de consommation courante. Cependant, on n’arrive pas encore à définir clairement qui seront les gagnants et les perdants de cette percée médicale.

Si l’on prend le cas du GLP-1, médicament contre le diabète et l’obésité, son influence est si importante qu’il est en train de remodeler la totalité du secteur de la santé.

S’y ajoute la thématique de l’IA, une technologie qui en est encore à ses premiers balbutiements, mais qui est susceptible de changer la donne. La révolution induite par l’IA profite aux entreprises géantes telles que Meta, Apple, Google, Tencent et Alibaba, qui sont capables de capter et d’exploiter des masses de données. A l’avenir, les puces optimisées pour l’IA devraient être très demandées, ce qui signifie que les principaux fabricants de puces électroniques seront des acteurs importants de cette révolution et que ses bénéfices pourraient se concentrer entre les mains d’une poignée d’entre eux. Si pour les semi-conducteurs et pour l’équipement informatique les bénéfices sont immédiats, ils pourraient également profiter ultérieurement aux secteurs de la santé et de la finance à mesure que l’IA gagne en maturité. Il faut donc rester à l’affût des opportunités d’investissement, sans négliger l’impact potentiel de l’IA sur la sécurité des données et sur l’emploi, ainsi que sur les conséquences qu’elle pourrait avoir sur le plan de la dépendance aux machines, voire en matière d’ingérence géopolitique.

Les fournisseurs se relocalisent

Les pays ramènent toute la chaîne de leurs fournisseurs à proximité de chez eux, cherchant refuge auprès d’alliés politiques et renforçant leur sécurité intérieure. Il ne s’agit pas seulement de mieux protéger des frontières. L’enjeu est stratégique et le but est de conserver les joyaux de la technologie et de se diversifier. Cette vague de relocalisation a touché les côtes américaines, où la production de batteries pour véhicules électriques a été parmi les premiers secteurs à être rapatriés. Ont suivi les équipements pour le transport, puis l’équipement électrique et, légèrement plus tard, les ordinateurs et l’électronique. La chimie n’est pas non plus en reste, le prix élevé du gaz et les pénuries ramenant la pétrochimie et le raffinage sur les rives des Etats-Unis. Electricité et semi-conducteurs sont les moteurs jumelés du mouvement de relocalisation qui devrait redessiner le paysage financier.

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