2021: retour vers le futur

David Vick, TCW

3 minutes de lecture

La pandémie a bouleversé nos habitudes de consommation et notre façon de travailler. Mais que se passera-t-il une fois la crise sanitaire résolue?

Si l’année 2020 peut ressembler à un remake de «Retour vers le futur», il ne faut pas oublier qu’à la fin du film, le rêve se dissipe et il faut quitter la salle et retrouver la réalité. Une réalité bien complexe pour les investisseurs, qui vont devoir faire preuve de réactivité et de sélectivité pour ne pas rester sans défenses lorsque l’orage éclatera.

Un retour dans le passé

Comme dans le film-culte de Robert Zemeckis, l’économie américaine a effectué en 2020 un véritable retour dans le passé de plusieurs années, voire de plusieurs décennies dans certains cas. C’est ainsi que le taux d’activité de la population active aux États-Unis a chuté à 61%, un chiffre qui n’avait pas été atteint depuis 1976. De même, le nombre de passagers-kilomètres de l’aviation est tombé de près de 9'000 milliards en 2018 a moins de 3'000 milliards en 2020, un niveau plus vu depuis 1996. Minée par le ralentissement économique et le télétravail, la situation de l’immobilier commercial n’a pas été plus brillante, puisque l’on a assisté aux Etats-Unis à une forte augmentation du taux de vacance des bureaux, ce qui ne s’était pas produit depuis la crise financière de 2008. Enfin, la fermeture des bars et des restaurants a naturellement entrainé une perte de plus de 2 millions d’emplois dans ce secteur aux USA, soit un retour vers la jauge de 2012.

Face à cette situation inédite, les banques centrales et les gouvernements ont recouru aux grands moyens pour éviter le pire. En particulier, la Fed a doublé la taille de son bilan qui atteint près de USD 8'000 milliards en 2020. De même, les dépenses du gouvernement fédéral US ont littéralement explosé. Représentant près de 35% du PIB américain, elles sont proches du niveau de la Seconde Guerre Mondiale et largement plus élevées que lors des crises précédentes.

Grâce à ces injections massives de liquidités, la Fed a effectivement réussi à contenir la volatilité des marchés, tout en maintenant très stables les taux d’intérêt à court et moyen terme.

QE4: Faites un tour en hoverboard

Qui n’a jamais rêvé de glisser sur un skateboard sans roulettes comme Marty McFly? Cette situation enviable ressemble à celle que vivent les investisseurs en titres hypothécaires émis par les agences du gouvernement américain («Agency MBS»). En effet, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, la Fed a massivement acheté ces titres à partir de mars 2020 et ainsi fourni un véritable «coussin d’air» au marché. Ce soutien devrait se poursuivre pendant les prochains mois pour dépasser largement le niveau atteint lors des campagnes d’assouplissement quantitatif QE1 et QE3.

Achats d’Agency MBS par la Fed

Allons nous rester coincés dans l’espace-temps?

La pandémie a eu non seulement des conséquences importantes sur l’économie mondiale, mais a également bouleversé nos habitudes de consommation et notre façon de travailler. Mais que se passera-t-il une fois la crise sanitaire résolue? Allons-nous retrouver nos habitudes du «monde d’avant» ou ces changements sont-ils plus durables? De fait, si l’enthousiasme pour le bricolage et la cuisine va probablement retomber rapidement, on peut penser que le commerce en ligne et le streaming de contenu vont se développer structurellement au détriment de secteurs comme les voyages d’affaires, le commerce physique et l’immobilier de bureau. De fait, l’immobilier commercial a subi des baisses de valeur massives depuis 1 an, de l’ordre de 26% pour les hôtels et de 35% pour les commerces, ce qui met sous pression tous les titres hypothécaires liés à ce secteur («Commercial MBS»), avec une large dispersion des prix.

Ne prendre un risque que s’il est récompensé

Profitant des taux très bas et de l’afflux massif de liquidités, les entreprises ont emprunté massivement, aidées en cela par une absence de sélectivité des investisseurs qui n’ont guère prêté attention à la qualité des émetteurs. Les nouveaux emprunts de mauvaise qualité (CCC) ont ainsi augmenté de 60% en l’espace d’un an. Mais même dans une DeLorean volante, ce n’est pas parce qu’aucun obstacle n’est visible à l’horizon qu’il faut fermer les yeux au volant. Car une chose est certaine: les crises nous prennent toujours par surprise, avec des conséquences néfastes pour les emprunts les plus risqués, comme on peut le constater avec le graphique ci-dessous qui montre que les spreads des emprunts à haut rendement bondissent toujours dans les périodes de forte volatilité. Si l’on en juge par les exemples du passé, on peut donc s’attendre à une correction sévère.

Car s’il y a des moments où les risques sont récompensés, tel n’est pas le cas aujourd’hui, avec des spreads sur les titres de moins bonne qualité, comme le haut rendement ou la dette émergente, qui se situent au plus bas dans une perspective historique, tandis que la duration a augmenté en parallèle.

Le retour vers le futur sera problématique

Le retour du passé vers le futur risque d’être agité. Car les programmes d’assouplissement quantitatifs de la Fed ne peuvent pas durer éternellement et il faudra bien un jour revenir à une politique monétaire plus normale. Et ce retour à la réalité risque bien d’être douloureux. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler la panique qui a ravagé les marchés au moment du «taper tantrum» de 2013, lorsque la Fed a annoncé la fin progressive de sa politique hyper-accommodante.

Le retour possible de l’inflation est un autre facteur d’inquiétude pour le marché du crédit. En effet, si les rendements nominaux US ont augmenté depuis 6 mois, en particulier sur les échéances les plus longues, les taux d’intérêt réels restent pour le moment encore négatifs. Il faudra être très attentif lorsque les taux ajustés de l’inflation vont commencer à monter, car les marchés risquent bien de trembler fortement.

Notre stratégie pour 2021

Dans cet environnement particulièrement complexe, notre stratégie d’investissement en revenu fixe se concentre sur 5 thèmes principaux:

  • Sous-pondérer les durations longues.
  • Surpondérer les titres hypothécaires des agences US («Agency MBS»). En effet, la Fed fournit un solide filet de sécurité à cette classe d’actifs.
  • Sous-pondérer le beta des emprunts «corporate» standards, car les spreads sont revenus à leurs plus bas d’après-crise. Leur préférer des opportunités soigneusement sélectionnées dans les créances titrisées de qualité.
  • Tirer parti de la transformation de l'économie à travers une approche «bottom-up» dans les segments du crédit et des créances titrisées.
  • Profiter des occasions d’achat intéressantes pendant les périodes de volatilité.

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