Alors que le premier semestre va bientôt s’achever, de nombreux investisseurs se demandent si la hausse des bourses doit les inciter à la prudence ou à encore plus d’optimisme.
Nous nous souvenons tous de cette phrase parfois si dure à prononcer par les candidats de «Qui veut gagner des millions» au moment où ils devaient signifier à ce brave Jean Pierre Foucault s’ils choisissaient de quitter le jeu avec les gains réalisés jusque-là ou s’ils souhaitaient tenter de gagner encore plus, au risque de ne pas savoir répondre à la question suivante et tout perdre.
Investir peut-être parfois ingrat. Toute personne qui s’est déjà aventurée sur les marchés financiers vous le dira. Les succès et les échecs boursiers ne vont pas forcément de paire avec une bonne ou une mauvaise stratégie d’investissement. Comme dans bien d’autres domaines de la vie il faut avoir un peu de chance, qu’on estime avoir provoquée ou non cette dernière par nos décisions. Les dernières années en sont des exemples criants. La pandémie en 2020 ou l’arrivée surprise de la guerre l’année dernière ont fait voler en éclat bien des stratégies murement réfléchies, y compris celles d’excellents professionnels de l’investissement, soudain incapables d’ajuster leurs portefeuilles pour s’adapter au nouvel environnement économique et financier induit par ces deux chocs exogènes majeurs. Pendant ce temps-là, de nombreux jeunes investisseurs, souvent peu expérimentés, enregistraient jusqu’à mi 2021 des gains records en achetant des cryptomonnaies ou encore des «Meme stocks» de sociétés pour la plupart proches de la faillite.
Heureusement pour l’industrie de la finance, 2023 se présente jusqu’à présent sous de meilleurs augures. Les marchés actions sont en hausse, les opérateurs ont de l’intelligence artificielle plein les yeux (et certains plein leurs portefeuilles), le cash rapporte à nouveau de l’argent et les obligations offrent des rendements bien supérieurs à ceux auxquels elles nous avaient habitué depuis de longues années. On en oublie donc la plupart du temps un contexte économique de loin moins réjouissant que la montée du Nasdaq et une géopolitique pour le moins incertaine.
Vu comme ça il pourrait paraitre assez facile de se dire qu’à mi année la performance espérée pour 2023 d’un portefeuille diversifié est quasiment déjà réalisée (si bien sûr ce dernier a été suffisamment exposé aux grosses valeurs technologiques américaines). Oui…mais que se passe t il si, durant le prochain semestre, cette hausse des actions s’amplifie encore? Si l’inflation vient à reculer plus que prévu et que Jérôme Powell finit par annoncer que la mission de la Fed de lutter contre l’inflation est un succès et qu’il est temps de relâcher quelque peu la bride des taux d’intérêts sur l’économie américaine?
Nous voici donc en plein dans le dilemme du moment pour de nombreux investisseurs. Stop ou encore? Jean Pierre Foucault nous demande si c’est notre dernier mot et il va bien falloir lui dire si nous comptons rester exposés aux actions pour le reste de l’année ou si réduire la voilure n’est pas un meilleur choix.
Soyons clair d’emblée, tout vendre pour s’arque bouter durant le second semestre sur des gains réalisés, mêmes supérieurs aux attentes de début d’année, revient à dire qu’on a eu la chance de gagner à un jeu de hasard et qu’il est temps d’arrêter de jouer. Ce n’est pas ma conception de l’investissement.
Il y a évidemment un juste milieu entre l’investisseur trop optimiste qui ignore la réalité de son environnement et le craintif excessif qui redoute de voir brusquement le ciel s’assombrir et la valeur de ses investissements réduite à néant.
Le meilleur conseiller dans de telles situations est le bon sens et probablement une certaine expérience acquise aux pris de quelques débâcles antérieures. Au fond, quel pilote un tant soit peu rationnel prend des risques à chaque virage s’il est largement en tête d’une course dont l’arrivée est proche?
L’environnement actuel est favorable à plus de diversité dans nos choix d’investissement. Le fameux TINA (there is no alternative) fait partie du passé et d’autres classes d’actifs que les actions présentent désormais un profil risque rendement qui permet aux investisseurs de réduire la voilure de leur exposition aux actifs risqués plus sereinement quand ils estiment que les gains déjà réalisés sont satisfaisants.
En d’autres termes détenir du cash n’est plus un problème, surtout en dollars, et c’est faire preuve de bon sens que d’en augmenter un peu la pondération en cristallisant quelques gains, glanés par exemple grâce à l’engouement récent pour les valeurs technologiques exposées à l’intelligence artificielle.
Il n’y pas à choisir entre stop ou encore à l’heure actuelle quand il s’agit d’être exposé aux actions. Le bon sens nous dit clairement que ne plus en avoir en deuxième partie d’année présente un risque non négligeable de sous performance relative. À l’inverse, après les performances boursières du premier semestre, ignorer complètement l’euphorie ambiante est téméraire.
Dans le monde merveilleux de la gestion de portefeuille nous pourrions donc suggérer à Jean Pierre Foucault que nous sommes prêts à abandonner quelques gains et à continuer l’aventure «Qui veut gagner des millions» contre une question suivante un peu plus facile…