Le Conseil fédéral a proposé 13 mesures de politique intérieure pour garantir la protection des salaires. Celles-ci doivent protéger les salaires suisses en cas d’entrée en vigueur des accords négociés avec l’Union européenne.
De quoi s’agit-il?
Les syndicats redoutaient qu’un éventuel élargissement des accords bilatéraux avec l’UE n’augmente la pression sur les salaires suisses. Pour y remédier, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a conduit depuis décembre 2033 des discussions entre les syndicats, les milieux patronaux et les cantons sur des mesures visant à garantir le niveau de protection des salaires en Suisse.
Le résultat des discussions
Les partenaires sociaux et les cantons se sont mis d’accord lundi sur une série de mesures consignées dans une «entente commune». Le Conseil fédéral en a pris connaissance mercredi et a proposé des mesures complémentaires.
L’entente commune comprend trois sortes de mesures: celles qui «compensent directement des concessions accordées à l’UE», les mesures «en réponse à la crainte de voir disparaître la possibilité d’interdire à des entreprises d’offrir leurs services en Suisse à titre de sanction» et les mesures visant à protéger le niveau des frais suisses.
Les mesures de compensation
Lors des négociations, la Confédération a accepté de réduire le délai d’annonce pour les prestataires de services transfrontaliers de l’UE. Ce délai doit passer de huit jours ouvrables à quatre. En outre, une garantie financière ne pourra plus être exigée que si une infraction a été constatée lors de la dernière mission.
Huit mesures sont prévues dans ce domaine. Elles visent à accélérer la transmission aux organes de contrôle des annonces déposées par les prestataires de services de l’UE. Elles doivent aussi améliorer la qualité des données, faciliter les contrôles du respect des conditions de salaire et de travail et renforcer la prévention visant à éviter les abus.
L’interdiction d’offrir ses services
Les partenaires sociaux et les cantons proposent deux mesures: la conservation de la règle existante relative à l’interdiction d’offrir ses services dans la loi sur les travailleurs détachés et la participation au système d’information du marché intérieur de l’UE (IMI).
Le Conseil fédéral estime que cette interdiction constitue un élément important dans l’exécution de la loi sur les travailleurs détachés. Cette sanction a été prononcée plus de 600 fois en 2023. Mais il existe des craintes que l’UE puisse exercer des pressions concernant cette sanction.
La garantie des frais suisses
Lors des négociations, la Confédération n’a pas obtenu d’exception sur la réglementation des frais de la part de l’UE. Cela signifie que le principe «à travail égal, salaire égal» ne porte que sur les salaires, mais pas sur les frais. La mesure proposée vise à garantir les frais suisses dans le droit helvétique en exploitant au maximum la marge de manoeuvre existante dans la mise en oeuvre en politique intérieure.
Mesures proposées par le Conseil fédéral
Le gouvernement propose deux mesures pour garantir les structures des partenaires sociaux dans le domaine de la protection des salaires. Les conventions collectives de travail déclarées de force obligatoire (ou CCT étendues) doivent être garanties. Il faut aussi créer une meilleure protection juridique pour les entreprises indigènes qui pourraient à l’avenir être soumises à une CCT étendue.
La suite de la procédure
Le SECO, les partenaires sociaux et les cantons doivent préciser le détail de ces mesures d’ici la fin mars.
Selon le Conseil fédéral, Berne et Bruxelles sont convenues que le résultat des négociations concernant la protection des salaires et la reprise du droit de l’UE sur les travailleurs détachés serait mis en œuvre trois ans après l’entrée en vigueur de l’adaptation de l’accord sur la libre circulation des personnes.
L’actualisation de l’accord requiert l’approbation du Conseil fédéral, des Chambres fédérales et, le cas échéant, du peuple suisse. Du côté des Vingt-Sept, le Conseil de l’UE et le parlement européen doivent aussi approuver le traité. Les parlements nationaux des Etats membres pourraient en outre être amenés à se prononcer.
Suisse-UE: mesures prévues pour protéger les salaires en Suisse
Le Conseil fédéral a pris connaissance mercredi des mesures sur lesquelles les partenaires sociaux et les cantons se sont entendus.
En décembre dernier, la Suisse et l’UE ont conclu les négociations matérielles sur les Bilatérales III. Concernant la protection salariale, elles se sont accordées sur un concept à trois niveaux, qui comprend des principes, des exceptions et une clause de «non-régression».
Dès le début du processus, en parallèle des discussions exploratoires puis des négociations avec l’UE, il a été clair que des mesures de politique intérieure étaient nécessaires, a commenté le ministre de l’économie Guy Parmelin devant les médias à Berne. «La protection des salaires est très importante en Suisse.»
Au terme d’une soixantaine de séances depuis décembre 2022, les partenaires sociaux et les cantons, sous l’égide de la Confédération, ont établi une «entente commune» quant à ces mesures. Il était question de rassurer quant au maintien de la sécurité salariale, a relevé le ministre. «Il y avait du scepticisme.»
Les mesures concernent tout le marché du travail, mais principalement le secteur de la construction, a précisé M. Parmelin. Et de parler de «première percée», d’une «unité de vue». D’autres mesures sont en bonne voie, mais nécessitent encore des approfondissements.
Les différents acteurs se sont entendus sur le chemin à emprunter, a complété la secrétaire d’Etat à l’économie Helene Budliger Artieda. Et de préciser qu’il ne s’agissait pas d’une «déclaration». «Aucun papier n’a été signé.» Son Secrétariat d’Etat doit finaliser d’ici fin mars le détail des mesures avec les partenaires sociaux et les cantons.
Trois catégories de mesures
Les mesures sont réparties en trois catégories. La première concerne des mesures qui compensent directement des concessions accordées à l’UE. Parmi ces concessions, le délai d’annonce préalable pour les entreprises européennes est raccourci de huit jours civils à quatre jours ouvrables. Une garantie ne peut plus être exigée que si une infraction a été constatée lors de la dernière mission.
Les mesures compensatoires ont pour but d’accélérer la transmission aux organes de contrôle des annonces, de faciliter les contrôles ou encore de renforcer la prévention visant à éviter les abus. Les entreprises de détachement devront par exemple désigner un interlocuteur en Suisse ou tenir des documents à disposition sur place.
La deuxième catégorie de mesures doit répondre à la crainte de ne plus pouvoir interdire à des entreprises d’offrir leurs services en Suisse à titre de sanction. Cette sanction a été prononcée plus de 600 fois en 2023. La règle concernant cette interdiction doit être conservée, et la Suisse doit participer au système d’information du marché intérieur de l’UE pour pouvoir demander des renseignements aux pays d’origine.
Les dernières mesures sont prévues dans le domaine de la règlementation sur les frais, afin de garantir les frais suisses dans le droit helvétique. Sur ce point, aucune exception n’a pu être obtenue lors des négociations avec l’UE. Dès le début, il était clair que le Conseil fédéral voulait des exceptions, afin d’éviter des risques dans un domaine très sensible, a rappelé Guy Parmelin.
Le Conseil fédéral a de son côté également ajouté des mesures. Elles permettront de garantir les conventions collectives de travail (CCT) déclarées de force obligatoire, dites CCT étendues, ainsi que de renforcer la protection juridique pour les entreprises suisses qui pourraient être soumises à l’avenir à une CCT étendue.
Ces mesures conjuguées garantissent le niveau actuel de protection des salaires, a estimé M. Parmelin. Elles ciblent les domaines dans lesquels cette protection requiert une intervention. Et elles concernent en premier lieu les entreprises de l’UE qui détachent des collaborateurs en Suisse, sans créer de nouvelles contraintes pour les entreprises indigènes ni restreindre la flexibilité du marché du travail.
AWP