La Banque nationale suisse maintient son taux directeur inchangé à 1,75%. De futures hausses ne sont toutefois pas à exclure si cela est nécessaire, précise-t-elle.
La Banque nationale suisse (BNS) a reconduit jeudi son taux directeur à 1,75%, déjouant les attentes du marché. Si le spectre de l’inflation n’a pas disparu, la faiblesse de la conjoncture et la force du franc ont fait pencher la balance. De futures hausses ne sont toutefois pas à exclure, si cela est nécessaire pour assurer la stabilité des prix à moyen terme, a précisé l’institut d’émission.
Après cinq hausses de taux décidées depuis juillet 2022, la BNS a opté pour le statu quo monétaire, estimant être parvenue à contrer «la pression inflationniste persistante».
Au cours des derniers mois, l’inflation a en effet continué de ralentir. En août, elle s’inscrivait à 1,6%. Le repli est principalement dû à un fléchissement du renchérissement des biens et services importés. La pression inflationniste devrait toutefois s’accroître au cours des prochains mois, notamment en raison de la hausse des loyers et des prix de l’électricité, a expliqué Thomas Jordan, président de la direction générale de la BNS.
«La bataille contre l’inflation n’est pas encore gagné», a-t-il insisté devant la presse à Zurich, se montrant décidé à renouer durablement avec la stabilité des prix, ce qui, au sens de la BNS correspond à un taux d’inflation entre 0 et 2%. Il faudra toutefois de la patience, car pour 2023, comme pour 2024, le renchérissement est toujours attendu à 2,2%. Dès 2025, il devrait revenir dans la fourchette cible, à 1,9%, alors que la BNS tablait jusqu’à présent sur 2,1%.
Les pronostics d’inflation demeurent conditionnés au maintien sur toute leur période de validité d’un taux directeur maintenu à 1,75%, soit au niveau reconduit ce jour par la BNS. Ces estimations restent en outre caractérisées par d’importantes incertitudes, quant à un effet d’auto-alimentation du renchérissement pour de nombreux biens et services, ainsi que quant à l’ampleur qu’atteindront les hausses de loyers induites par le relèvement en juin du taux de référence hypothécaire.
La Banque nationale est en outre disposée à être active au besoin sur le marché des changes. «Nous utilisons les ventes de devises pour aider à maintenir les conditions monétaires à un bon niveau (...). Nous allons continuer à faire appel à cet outil, si nécessaire», a expliqué M. Jordan. Soutenir le franc permet en effet d’atténuer les pressions inflationnistes importées.
Les attentes en matière de croissance sont, elles, inchangées. Le produit intérieur brut (PIB) helvétique doit ainsi toujours s’enrober d’environ 1% sur l’ensemble de l’année. L’atonie conjoncturelle risque de se traduire par une modeste progression du chômage, assortie d’un léger recul de l’utilisation des capacités de production.
«Contrairement à la BCE, qui a été contrainte de relever ses taux la semaine dernière en raison d’un taux d’inflation toujours nettement supérieur à son objectif, la BNS avait de très bonnes raisons de faire une pause aujourd’hui et d’adopter une position prudente», commente Charles-Henry Monchau, directeur de l’investissement chez Banque Syz. «La combinaison du ralentissement de la croissance en Europe (susceptible d’atténuer les pressions sous-jacentes sur les prix) et de la force de la monnaie est très susceptible, selon nous, de contenir la dynamique de l’inflation suisse dans les mois à venir», a poursuivi le spécialiste. Pour lui, la décision est «claire et limpide»: la fin de la hausse des taux pour ce cycle.
«La décision du jour confirme que la politique de la BNS n’est pas tributaire de celle de la BCE», ajoute Arthur Jurus, directeur de l’investissement pour Oddo BHF. Malgré la résilience de l’économie suisse, les risques persistent, en particulier celui de la hausse des loyers, «qui pourrait apporter entre 0,3 et 0,6 point d’inflation supplémentaire, au cours des 6 prochains mois». L’établissement s’attend à une hausse en décembre 2023 de 25 points de base, alors que «les investisseurs anticipent toujours un pic des taux BNS à 2% d’ici la fin d’année».
En juillet 2022, la BNS avait débuté le resserrement de sa politique monétaire, mettant fin à plus de sept ans de statu quo. Le taux directeur était alors passé à -0,25%, puis relevé successivement jusqu’à atteindre 1,75% en juin dernier.