L'année 2018 devrait se solder par un rebond de la croissance

Communiqué, Institut CREA

3 minutes de lecture

La demande intérieure finale étant restée stable entre les deux semestres, c'est la demande globale qui, en se renforçant de 1,8% à 2,3%, a poussé le PIB helvétique vers le haut. 

En 2017, le PIB réel suisse a progressé de seulement 1%, suite à un premier semestre morose, compensé néanmoins par un deuxième semestre plus solide, présageant d'ailleurs le rebond que l'on devrait observer en 2018. La croissance est en effet passée de 0,5% au premier semestre 2017 à 1,6% au deuxième. La demande intérieure finale étant restée stable entre les deux semestres, c'est la demande globale qui, en se renforçant de 1,8% à 2,3%, a poussé le PIB helvétique vers le haut. Les exportations nettes, sans objets de valeur, y ont également contribué en s'accélérant à 3,5%. En revanche, la consommation privée a suivi le chemin inverse, en passant de 1,4% au premier semestre à seulement 1% au deuxième.

Le commerce mondial a enregistré en 2017, avec 4,7%, sa plus forte croissance depuis six ans. L'OMC s'attend à un premier semestre 2018 encore solide, mais le commerce mondial pourrait ensuite enregistrer un fléchissement lié à diverses incertitudes telles les développements récents en matière de politique commerciale qui tendent vers plus de protectionnisme, les politiques monétaires qui deviennent plus restrictives et les tensions géopolitiques qui s'accentuent. L'indicateur avancé du commerce mondial de l'OMC (WTOI) s'est d'ailleurs replié et s'approche de la zone de croissance inférieure à la tendance de long terme. L'indicateur laisse entrevoir une croissance du commerce mondial encore solide au premier semestre de 2018, mais qui devrait ensuite fléchir au cours du deuxième. On note en particulier une forte baisse de l'indice des commandes à l'exportation qui tombe au niveau du début de 2016. Le fret aérien a également fléchi, de même que le débit portuaire de conteneurs.

Les indicateurs avancés de l'OCDE pour l'économie de la zone OCDE pointent vers une croissance stable, mais les changements mensuels sont négatifs depuis décembre 2017. Il en est de même pour l'indicateur avancé pour la zone euro, tirés vers le bas par les indices allemand et français qui diminuent depuis décembre et septembre 2017 respectivement. Pour l'Espagne et l'Italie le retournement s'est opéré en janvier de cette année. Ceci laisse présager un ralentissement des activités économiques qui pourrait intervenir dès la fin de l'année. En effet, l'année 2018 sera caractérisée par des taux de croissance encore assez élevés. Par la suite, la normalisation des politiques monétaires avec une probable hausse des taux, la mise en doute de certaines règles commerciales, les taux d'investissement bas et plus globalement les tensions géopolitiques surgissant ou se renforçant un peu partout risquent de freiner les activités économiques en 2019-2020. Si l'OCDE prévoit encore un renforcement de la croissance mondiale, ce n'est plus le cas pour la zone euro, où la croissance devrait fléchir en 2018-2019 par rapport à celle enregistrée en 2017. En Chine et au Japon la tendance semble également pointer vers un fléchissement de la croissance économique.

L'économie suisse sera impactée par les développements ci-dessus à travers ses exportations, mais probablement en 2019 seulement, car l'année 2018 devrait se solder par un rebond de la croissance. La plupart des entreprises exportatrices, en particulier les PME, s'attendent à une hausse de leurs exportations en 2018. L'impact positif sur le PIB helvétique viendra d'ailleurs essentiellement de la demande globale, la demande intérieure fluctuant autour des taux actuels et ne se renforçant guère.

Selon nos modèles, le PIB devrait croître de 2,4% en 2018, 2,2% en 2019 et 2,1% en 2020, et l'écart de production redeviendra positif en 2019.

L'indice du climat de consommation reste nettement supérieur à la moyenne observée au cours des onze dernières années, mais il s'est quand même légèrement replié et s'approche de la zone négative. Certains sous-indices témoignent des hésitations des ménages sondés à dépenser plus dans les trimestres à venir. On ne note pas de changement quant à l'appréciation sur le marché du travail qui reste bonne, mais les ménages sont plus dubitatifs quant à leurs dépenses pour l'achat de biens durables et ils semblent vouloir épargner un peu plus. Le commerce de détail a une nouvelle fois diminué au cours des trois premiers mois, en termes nominaux et réels et corrigés des effets calendrier. On note en particulier une nette baisse du commerce de détail non alimentaire. Au vu de l'évolution conjoncturelle dans les trimestres à venir et des tensions qui apparaissent sur le marché du travail, les salaires réels devraient à nouveau augmenter, ce qui aura malgré tout un impact positif sur la consommation privée qui devrait ainsi se maintenir au moins autour des taux de croissance actuels, voir se renforcer légèrement en 2019-2020.

Les indicateurs industriels du KOF pour la Suisse ont continué à se renforcer au début de 2018, que ce soit pour la marche des affaires, pour les entrées et carnets de commandes ou encore pour les perspectives d'achat de biens intermédiaires. L'appréciation sur l'entrée des commandes atteint un niveau plus jamais observé depuis le début de 2011 et au quatrième trimestre 2017, les entrées des commandes enregistrées pour les biens intermédiaires et d'investissement, entrant dans le processus de production, ont fait un bond de plus de 20%. La production a suivi le même chemin et, au vu de l'état des commandes en portefeuille, cette évolution devrait se poursuivre. Les attentes des entreprises sont au beau fixe pour les mois à venir, tel qu'en témoigne l'indice PMI qui dépasse largement le seuil de croissance. Il s'ensuit que les investissements en biens d'équipements devraient poursuivre voire renforcer leur croissance en 2018-2020. 

Dans le secteur principal de la construction, des signes négatifs se sont multipliés au courant de l'année 2017. Si le chiffre d'affaires a encore pu progresser en fin d'année 2017, les entrées de commandes ont reculé, en particulier celles pour la construction de logements, de même que les projets de construction. Au deuxième trimestre 2018, l'indice de la construction du CS ne bouge pas par rapport au premier trimestre, mais on observe des évolutions contrastées. Alors que l'indice de la construction industrielle et commerciale augmente, ceux du génie civil et de la construction de logements diminuent. L'état des carnets de commandes devrait encore influencer positivement les activités de construction en 2018, mais on pourrait assister à un retournement en 2019-2020. Les investissements en construction devraient s'approcher d'une stagnation en 2019-2020.

Selon l'Administration fédérale des douanes, le commerce extérieur suisse a poursuivi son expansion entamée au début de 2017. Cependant les exportations de marchandises se sont essoufflées au premier trimestre 2018, sous l'effet des produits chimiques et pharmaceutiques et des machines, alors que les importations ont fortement augmenté, faisant passer les exportations nettes de 8,3 milliards au quatrième trimestre 2017 à 6,5 milliards au premier trimestre de 2018, la contribution du commerce extérieur au PIB suisse devrait donc être négative au premier trimestre de 2018. Ce repli ne devrait toutefois être que passager, car les attentes restent excellentes pour les trimestres à venir. Le baromètre des exportations du CS s'envole vers les valeurs du début des années 2000. Deux tiers des PME exportatrices s'attendent à une hausse de leurs exportations.

Cette évolution globalement positive de l'économie suisse est synonyme de hausse de la production, ce qui devrait inciter les entreprises à embaucher plus. La population active occupée devrait ainsi connaître des taux de croissance au-dessus de 1% en 2018-2020 et le taux de chômage devrait se maintenir au niveau actuel, voire diminuer légèrement.

Les tensions à la fois sur le marché du travail et sur celui des biens et services exerceront une certaine pression à la hausse sur le niveau général des prix. Il en sera de même pour l'ensemble des taux d'intérêt, mais le tout restera à des niveaux historiquement bas.