La BCE voit les nuages s’accumuler sur l’économie

AWP

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L’institution francfortoise devrait certes maintenir ses taux directeurs à leur plus bas historique, mais sa réunion pourrait être plus animée que prévu.

Guerre commerciale, pays émergents, dette italienne: la Banque centrale européenne sera surveillée jeudi sur son appréciation des risques en cette fin d’été, sur fond de confirmation attendue du retrait de son vaste soutien à l’économie.

L’institution francfortoise devrait certes maintenir ses taux directeurs à leur plus bas historique, mais sa réunion pourrait être plus animée que prévu car «la balance des risques est devenue moins favorable», note la banque UBS.

Une fois prise en juin sa décision d’arrêter en fin d’année ses rachats massifs de dette publique et privée, la BCE semblait se préparer à une longue période de léthargie, sa première hausse de taux n’étant pas attendue avant l’été 2019.

Mais c’était sans compter la guerre commerciale entre Washington et ses principaux partenaires, qui reprend de plus belle après les espoirs d’accalmie en juillet et rend les marchés financiers nerveux.

A ces tensions protectionnistes s’est ajoutée la récente crise des devises de pays émergents, notamment en Turquie et en Argentine, qui pourrait nuire par ricochet aux grands exportateurs de la zone euro, dont l’Allemagne et l’Espagne.

«La menace que cette crise fait peser sur les économies développées semble pour le moment gérable», tempère toutefois Marco Valli, économiste chez Unicredit.

Nouvelles prévisions

Enfin, l’Italie continue d’inquiéter les Européens avant la présentation fin septembre d’un budget de relance par le gouvernement populiste, susceptible de creuser un peu plus la dette abyssale du pays.

Reste à savoir si cette menace suffira à faire sortir le président de la BCE, Mario Draghi, de sa traditionnelle réserve concernant les évolutions politiques au sein d’un Etat-membre.

Même pressée de questions, l’institution «devrait afficher sa neutralité vis-à-vis des développements en Italie», avance Dirk Schumacher, chez Natixis.

D’autant qu’il n’y a pas encore de signes notables de tensions des conditions financières de la dette italienne et d’autres pays plus fragiles en zone euro.

Qu’elle durcisse ou pas son discours sur les «risques» pesant sur l’économie, la BCE présentera un nouveau jeu de prévisions à l’horizon 2020, toujours très suivi.

«De légères révisions à la baisse sont possibles, mais la dynamique de croissance se stabilise à un niveau décent et les salaires s’accélèrent, de quoi convaincre la BCE qu’elle va atteindre son objectif d’inflation» proche de 2% l’an, juge M. Valli.

Corrigée des éléments les plus instables – énergie et alimentation –, l’inflation a toutefois reculé à 1% en juillet en glissement annuel en zone Euro, contre 1,1% le mois précédent, et ce bien que la région traverse sa cinquième année consécutive de reprise.

Pilote automatique

Autre bémol, le taux de chômage campe depuis mai à 8,2% pour l’ensemble de la zone euro, ce qui n’augure pas de pressions supplémentaires à venir sur les salaires.

Il faudrait néanmoins un contexte bien plus dégradé pour que les gardiens de l’euro remettent en cause le cap, amorcé ces derniers mois, vers un resserrement monétaire progressif.

En dépit de la montée des risques, la BCE «devrait rester en pilotage automatique», note Carsten Brzeski, économiste chez ING Diba.

La décision formelle doit être prise jeudi de ramener à compter d’octobre de 30 à 15 milliards d’euros par mois les rachats nets de dette sur le marché, lancés en 2015 pour soutenir l’économie et les prix, avant un arrêt du programme fin décembre.

Aussi, la BCE «devrait faire la sourde oreille aux récents appels italiens de prolonger au delà de 2018» ce programme baptisé «QE», ajoute M. Brzeski.

Le marché s’intéressera surtout à toute indication sur les modalités de réinvestissement des titres au bilan de la BCE, dont le stock est monté à plus de 2500 milliards d’euros depuis 2015.