Le britannique BP a enterré mercredi une stratégie climatique autrefois ambitieuse et annoncé un recentrage sur la production et les investissements dans le pétrole et le gaz, avec l’espoir de doper ses bénéfices en berne et ses redistributions aux actionnaires.
Le groupe, qui s’était distingué à partir de 2020 par son plan de neutralité carbone, était déjà largement revenu depuis deux ans sur ses objectifs climatiques.
Il avait de nouveau prévenu en décembre qu’il comptait réduire «de manière significative» ses investissements dans les énergies renouvelables.
«Nous allons accroître nos investissements et notre production (d’hydrocarbures) pour pouvoir produire de l’énergie à forte marge dans les années à venir» et «nous serons très sélectifs dans nos investissements dans la transition», a confirmé mercredi dans un communiqué le directeur général Murray Auchincloss.
Après la publication voici deux semaines d’un bénéfice net réduit de 97% l’an dernier, il dévoile mercredi une «remise à zéro» de sa stratégie lors d’une journée dédiée aux investisseurs et s’exprimera en début d’après-midi lors d’une présentation en ligne.
Parmi les annonces détaillées en amont dans un communiqué, le groupe affirme notamment qu’il augmentera sa production d’hydrocarbures d’ici 2030, là où il visait précédemment une diminution de 25% en 2030 par rapport à 2019 (un objectif déjà revu à la baisse en 2023).
Retour vers le fossile
Il compte aussi augmenter ses investissements dans le pétrole et le gaz à 10 milliards de dollars par an, soit les deux tiers des investissements prévus en 2025.
En parallèle, il réduira de 5 milliards de dollars par an ses investissements dans ses projets de transition (qui ne pèseront désormais plus que 1,5 à 2 milliards par an).
BP a aussi annoncé un objectif de 20 milliards de dollars de cessions d’ici 2027, qui pourraient notamment concerner sa filiale de lubrifiants moteurs Castrol.
Ces annonces n’enthousiasment pas les investisseurs: le titre de BP à la Bourse de Londres recule de 0,86% peu avant 11H30 GMT.
BP, qui avait annoncé en janvier 4700 suppressions d’emplois en interne (plus de 5% de ses effectifs), a aussi indiqué mardi avoir finalisé un accord avec l’Irak pour développer plusieurs champs pétroliers et gaziers dans la province septentrionale de Kirkouk.
Pour Greenpeace, qui louait en 2022 «le plus ambitieux des géants pétroliers» pour sa transition, ces renoncements successifs ne passent pas.
«C’est la preuve irréfutable que les entreprises du secteur des combustibles fossiles ne peuvent pas ou ne veulent pas participer aux solutions à la crise climatique», a réagi peu après les annonces Charlie Kronick, un responsable de l’ONG au Royaume-Uni.
Ambitions «irrationnelles»
Ces revirements ont aussi échaudé certains actionnaires favorables à des objectifs climatiques ambitieux, dont des fonds de pension importants.
Mais l’entreprise est également sous pression d’investisseurs activistes qui plaidaient pour des changements importants de stratégie: c’est notamment le cas du fonds Bluebell, qui appelle depuis plus d’un an le groupe à revoir à la baisse ses ambitions jugées «irrationnelles» sur les énergies propres.
Des informations de presse ont fait état ces dernières semaines d’une prise de participation «significative» du fonds d’investissement activiste Elliott Management, connu pour demander des changements stratégiques au sein des groupes dans lesquels il investit.
Le britannique n’est pas le seul à faire machine arrière sur ses objectifs climatiques pour doper sa rentabilité: c’est notamment le cas de son compatriote Shell.
Le français TotalEnergies maintient, lui, ses objectifs de réduction d’empreinte carbone, mais a annoncé récemment qu’il allait réduire de 500 millions de dollars, de 5 à 4,5 milliards de dollars, la part de ses investissements en 2025 dédiée aux «énergies bas carbone».