Berne positive sur l’accord de libre-échange avec la Chine, lenteurs pointées

AWP

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La Suisse et la Chine ont réaffirmé cette semaine leur volonté d’élargir l’accord, conclu il y a dix ans, lors d’une visite du ministre de l’économie Guy Parmelin dans l’Empire du Milieu.

La Suisse et la Chine ont réaffirmé cette semaine leur volonté d’élargir l’accord de libre-échange (ALE), conclu il y a dix ans, lors d’une visite du ministre de l’économie Guy Parmelin dans l’Empire du Milieu achevée vendredi. Berne tire un bilan positif, mais veut avancer sur les droits de douane. Les experts soulignent des lenteurs administratives.

Berne a convenu avec Pékin que l’accord devait être optimisé de manière ciblée, indique à Keystone-ATS Fabian Maienfisch, porte-parole du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Le mandat de négociation, adopté en mai, est actuellement en consultation auprès des commissions compétentes et des cantons.

La Suisse veut travailler notamment sur le commerce des marchandises, la durabilité et les conditions d’accès au marché pour les investissements. Sur ce dernier point, Berne donne des avantages, et la Chine peine à faire de même, explique M. Maienfisch.

Le porte-parole tire toutefois un bilan positif, dix ans après l’entrée en vigueur de l’ALE, constatant un développement accru des activités commerciales entre les deux pays.

En 2014, la Suisse était le premier pays européen à avoir défini un tel accord avec la Chine, deuxième économie mondiale. «Le rêve» pour la plupart des pays, commente Thierry Theurillat, professeur HES spécialisé dans le développement économique et urbain en Suisse et Chine et Asie du Sud-Est. Et d’autant plus pour la Suisse qui exporte des produits de luxe.

«Taxes encore appliquées»

Le but de l’accord était notamment de réduire les taxes, alors très élevées, sur les produits chers. Le problème, c’est qu’elles n’ont pas été réduites du jour au lendemain. Encore aujourd’hui, des taxes sont appliquées sur les produits de luxe suisses, souligne M. Theurillat.

A cela s’ajoute la lourdeur administrative chinoise. «Ces méandres administratifs sont un moyen pour la Chine de respecter l’accord sur le papier, tout en restant protectionniste», affirme le spécialiste. Pékin ne prenait pas un grand risque en signant cet accord, selon lui.

«Millions de francs en droit de douane»

«Les concessions tarifaires prévues dans l’ALE couvrent la grande majorité des exportations suisses vers la Chine», assure Fabian Maienfisch. Des droits de douane sont cependant toujours appliqués à l’exportation.

Pour les montres suisses, plusieurs millions de francs continuent d’être payés à l’exportation, le taux de droits de douane se situant actuellement entre 4,4 et 9,2%, indique le porte-parole. La majorité des produits pharmaceutiques sont également soumis à des droits de douane.

En ce qui concerne les machines, deux tiers des exportations vers la Chine bénéficient certes d’un accès au marché en franchise de droits de douane, mais pour 11% d’entre elles, l’ALE ne prévoit que des concessions partielles et 12% des exportations sont complètement exclues de l’ALE.

Fabian Maienfisch évoque par ailleurs d’importantes économies de droits de douane sur les importations chinoises en Suisse. Mais il n’est pas en mesure de fournir des données sur les économies concrètes de droits de douane à l’exportation vers la Chine, cette dernière ne mettant pas à disposition de données utilisables dans le domaine public. Contactée, l’ambassade chinoise en Suisse n’a pas répondu aux sollicitations de Keystone-ATS.

Carte de visite pour la Chine

Quant à une éventuelle dépendance de la Suisse vis-à-vis de la Chine, Lionel Fatton, professeur assistant en relations internationales à l’Université Webster à Genève, estime qu’il n’y a pas de quoi s’alarmer. Pékin est le troisième partenaire commercial de Berne.

La Chine est certes passée maîtresse dans l’instrumentalisation des rapports économiques, dit-il. Mais elle n’a aucun intérêt à agir de la sorte avec la Suisse, trop petite. Surtout que l’accord entre les pays sert à Pékin de «carte de visite» pour renforcer ses liens avec d’autres pays, notamment en Europe de l’Est, où elle opère depuis quelques mois une offensive diplomatique.

La Suisse a une «approche compartimentée» avec la Chine, ce que d’autres grandes nations ne peuvent pas se permettre, analyse Lionel Fatton. Elle peut aborder les rapports économiques en mettant de côté le sommet du Bürgenstock sur l’Ukraine, réunion à laquelle Pékin ne s’est pas rendue malgré l’invitation de Berne.

«Consciente de son poids»

Il en va de même pour les questions liées aux droits humains. «Autant la Suisse a des valeurs à défendre, autant elle a conscience de son poids, indique Lionel Fatton. Elle sait que sa position ne changera rien concrètement».

Le thème des droits humains ne figure pas dans l’actuel accord de libre-échange, concède Fabian Maienfisch. Mais il sera assurément abordé lors des prochaines négociations, assure-t-il.

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