Pour Gero Jung, chef économiste de la banque genevoise Mirabaud, Donald Trump a fait le plus dur en remportant la Floride.
Pour les marchés financiers, le scénario se déroulant actuellement pour l’élection américaine est le pire attendu. L’incertitude entourant le nom du prochain président - le démocrate Joe Biden ou le républicain Donald Trump - va causer passablement de volatilité ces prochaines heures, voire ces prochains jours ou semaines en cas de contestation du résultat.
Pour Gero Jung, chef économiste de la banque genevoise Mirabaud, Donald Trump a fait le plus dur en remportant la Floride. «C’est très important. S’il avait perdu cet Etat, il aurait dû remporter tous ceux qui restent», a-t-il expliqué mercredi lors d’une web conférence.
La présidentielle va se jouer sur quatre Etats qui représentent 62 grands électeurs (Géorgie, Wisconsin, Michigan et Pennsylvanie). Au dernier décompte, Joe Biden mène de justesse avec 238 grands électeurs, contre 213 pour son rival républicain, selon l’agence Associated Press. Le candidat emportant 270 délégués gagne l’élection.
Donald Trump a revendiqué la victoire et condamné des supposées fraudes, ébranlant une Amérique déjà très divisée.
Stéphane Monier, directeur des investissements chez Lombard Odier, attribue une probabilité de 60% à une victoire de M. Biden, qui devra cependant faire face à un Congrès divisé. Une réélection de M. Trump avec un Congrès sans majorité est créditée avec une probabilité de 25%. Un raz-de-marée démocrate constitue le scénario le plus improbable (15%).
Il paraît donc assez probable que le 46e président des Etats-Unis fera face à un Congrès désuni, prévient Samy Chaar, économiste en chef de Lombard Odier.
Si M. Biden est élu, la pression sur le commerce international risque de se relâcher, mais le programme d’aide à l’économie américaine ne devrait pas dépasser 500 à 1000 milliards de dollars ce qui devrait affecter les prévisions conjoncturelles.
Dans le cas d’un maintien de M. Trump à la Maison Blanche, les échanges commerciaux au niveau international pourraient se détériorer, mais l’aide publique à l’économie américaine être plus importante, a résumé M. Chaar.
L’issue incertaine fait planer le risque d’un scénario similaire à la présidentielle de 2000 entre George W. Bush et Al Gore, où un recomptage des voix s’était éternisé en Floride. Pour Gero Jung, les bulletins pourraient être à nouveau dépouillés en Pennsylvanie, un Etat crucial pour la victoire.
«Les marchés n’aiment pas l’incertitude», a rappelé le chef économiste de Mirabaud, qui prédit de la volatilité dans un avenir proche. La banque genevoise recommande de sous-pondérer les actions américaines, est neutre sur les bons du Trésor mais plutôt positive sur les obligations américaines réputées sûres. Gero Jung appelle par ailleurs à être prudent sur le dollar.
Adrien Pichoud anticipe une déstabilisation des marchés financiers. «D’autant plus que la pandémie de Covid oblige à nouveau de nombreux pays à reprendre la distanciation sociale et à perturber les économies», selon le chef économiste de la banque genevoise Syz.
Si Donald Trump venait à être confirmé avec un Congrès divisé, les Bourses devraient être plongées dans une période d’incertitude. Syz a déjà réduit son exposition au marché actions en prévision de ces difficultés.
UBP renvoie également à la présidentielle de 2000, où le résultat final n’avait été annoncé que mi-décembre. Les marchés actions avaient chuté de 7% sur la période, alors que le dollar et l’or s’étaient renchéris.
Toute situation d’incertitude est mauvaise pour l’économie, car elle pousse notamment les entreprises à reporter les embauches et les investissements, rappelle Manuel Maleki, économiste de la banque genevoise Edmond de Rothschild, qui prédit un impact négatif sur les marchés financiers.
Pour l’Europe et la Suisse, une reconduction de Donald Trump à la tête des Etats-Unis ne changerait cependant pas grand-chose. «La reprise dans la zone euro est principalement soutenue par la demande en Asie», a souligné Gero Jung. La pandémie de COVID-19 est un sujet bien plus sérieux sous nos latitudes que l’élection américaine.
Mark Haefele, chef stratégiste chez UBS, rappelle que les indices américains ont réagi positivement à la perspective d’une victoire du candidat républicain, dans l’espoir de nouvelles vagues de dérégulation. La volatilité restera la norme tant que l’issue du vote ne sera pas clairement déterminée, selon le directeur de l’investissement de l’unité de gestion de fortune de la grande banque.
Chez Credit Suisse, on appelle à la patience et à la prudence dans un contexte qui va favoriser la volatilité. Le directeur de l’investissement Michael Strobaek recommande de rester neutre sur les actions en attendant l’issue définitive du vote. «Nous conseillons à nos clients à ne pas prendre un parti ou l’autre dans cette élection», avertit-il.