En ce début de deuxième trimestre le marché est un peu comme Apollo au moment de rentrer dans l’atmosphère, une opération ô combien délicate qui déconnecte les occupants de la fusée de leur base, alors que la température extérieure de la coque atteint 5000 degrés Farenheit, ou 2760 degrés Celsius. En bref, le marché est dans une situation inconfortable.
De retour sur terre et plus précisément à Wall Street, où le cœur n’y est pas vraiment, l’esquisse de l’ombre d’un doute s’immisce dans les esprits, la Fed va-t-elle vraiment baisser ses taux trois fois cette année? En parallèle, l’effet dopant de l’IA semble se dissiper momentanément et la prochaine saison des résultats de sociétés débutera bientôt, mais le marché est orphelin de nouvelles fraiches ces jours. Ajoutez à cela la hausse malvenue du pétrole, porté par les tensions géopolitique qui s’accroissent encore entre Israël et l’Iran, mais aussi sur le front Ukrainien. Les intervenants sont réduits à regarder de près l’évolution des rendements obligataires américains, portés vers le haut par le PCE (Personal Consumption Expenditure) et l’ISM de la semaine passée, ainsi que par les propos de Jerome Powell, le patron de la Fed ne semblant pas vraiment pressé d’appuyer sur le bouton «cut». Le rendement du 10 ans US traitait en-dessous de 4,20% lundi, il repasse très brièvement au-dessus de 4,40% hier, pour revenir à 4,37% ce matin, sachant que le niveau de 4,35% constitue une importante résistance, grosse bagarre technique en cours donc, si ça casse on peut envisager 4,50%. Les statistiques macro d’hier ne font rien pour calmer les esprits, les données JOLTS sont légèrement plus élevées que prévu, tandis que les commandes d’usines sont supérieures aux attentes, ce qui indique une économie toujours résistante. Ces données récentes pointent toutes vers une économie bien loin d’atterrir, tandis que la hausse du pétrole ravive les craintes d’inflation et le marché de commencer à se demander si ces satanées baisses de taux vont se produire un jour, le doute s’installe, on vend, on réfléchira plus tard.
Je note avec intérêt que les émissions obligataires sont nombreuses. On attendait 5 nouveaux deals de sociétés hier, on en dénombre au moins 8, les trésoriers de sociétés ont peut-être précipité leurs programmes sachant que Jerome Powell parle à nouveau aujourd’hui.
Sur le front des actions, les indices évoluent dans une fourchette plutôt étroite, tout en parvenant à terminer la séance proches de leur plus haut du jour. Les mastodontes de la tech sont délaissés avec une mention particulière à Tesla qui abandonne 4,92%, l’action est freinée dans son élan par l’annonce d’un net repli de ses livraisons au premier trimestre, diverses raisons sont évoquées telles que la Mer Rouge, le sabotage de l’usine de Berlin et la modernisation de l’outil de production en Californie. On mentionnera aussi l’émergence croissante d’une concurrence féroce, dans un secteur qui semble marquer le pas en termes de demande. Le Chinois Xiaomi (Xiaomi veut dire «grain de riz») rencontre un incroyable succès au vu des précommandes de son premier véhicule électrique. On peut donc penser qu’un grain de riz a fait déborder le vase de la patience des investisseurs à l’égard d’Elon Musk et sa gestion d’entreprise plus que discutable.
Le secteur de la santé fait également grise mine hier, les intervenants s’attendaient à ce que Washington annonce une hausse du taux de remboursement du programme Medicare Advantage, ce qui ne se produit pas et envoie les titres concernés 6 ou 7% plus bas (UnitedHealth, Molina, CVS), tandis qu’Humana plonge de 13%. Le podium du jour du SPX se compose de l’énergie, des utilities et des services de communication. La volatilité gagne 7% supplémentaire, le VIX à 14,61 à la cloche, un niveau qui reste faible. L’indice S&P500 (SPX) clôture pile sur le bas de son canal haussier en cours, moment technique important donc sur cette partie. Le Nasdaq100 (NDX) semble sur le point de casser le sien, à suivre de près. Sur le front des monnaies, le Dollar Index (DXY) est pour l’instant cappé à 105, niveau actuel 104,76. La paire EUR/USD évolue à 1,0764. Le baril de WTI Light Crude évolue à son plus haut niveau depuis octobre, à 85,29 dollars.
L’or traite encore un peu plus près des étoiles, l’once atteint 2274 dollars.
Du côté des Fed Funds, on prédit 60% de probabilités d’une première baisse de taux de 25 points de base par la Fed lors de la réunion du 12 juin. Pour le 18 septembre les attentes s’élèvent à 67%. Il reste le 18 décembre avec 69%. On voit que le marché continue d’y croire, mais du bout des lèvres, une soixantaine de pourcents ne constituent pas une conviction marquée.
Le SPX, comme tous les indices boursiers, connait généralement des hauts et des bas. Or en 2024 il n’a pas connu de réel bas, tout en défiant les pronostics et gagnant 10% depuis le premier janvier, après un cru 2023 exceptionnel rappelons-le. Au-delà du fait que tout un chacun dans le marché semble avoir oublié que les indices peuvent aussi aller dans le rouge et que porter un gilet sur une telle vague relève du bon sens terrien, il est important de prendre conscience de ce phénomène. Le cocktail de bénéfices de sociétés en amélioration, d’optimisme général dû à l’IA et de l’espoir d’un début de cycle de baisses de taux prochain par la Fed, a atomisé les ours comme presque jamais. Rendez-vous compte, la dernière fois que le marché n’a rien rendu ou presque c’était en 1995, le SPX avait réalisé une baisse maximale de 3%. Cette année on est à moins de 2%. Historiquement, les rendements élevés du premier trimestre sont généralement un signe d’optimisme pour les actions américaines et tendent à entraîner de nouvelles hausses à la fin de l’année. Depuis 1950, il y a eu 11 occasions où le où le SPX a progressé d’au moins 10% au cours du premier trimestre. Le reste de l’année, l’indice a progressé 10 fois sur 11, avec un gain moyen de 11%, la seule exception se produisant en 1987, quelque chose a dû se produire cette année-là pour sûr.
Mary Daly (Fed de San Francisco) et Loretta Mester (Fed de Cleveland) déclarent qu’elles s’attendent toujours à ce que la Fed réduise ses taux trois fois cette année, bien qu’elles ne soient pas pressées. Mme Daly indique que ces trois réductions constituent une «base de référence raisonnable». Loretta Mester déclare que la question de savoir s’il faut réduire le nombre de baisses de taux est délicate.
Taïwan est frappée par son plus fort tremblement de terre depuis 25 ans, déclenchant des alertes temporaires au tsunami le long de la côte et jusqu’à Okinawa et la Chine. Au moins quatre personnes sont mortes, selon l’agence AP, et plus de 56 ont été blessées.
Joe Biden déclare qu’Israël n’en fait pas assez pour protéger les civils après la mort de sept travailleurs humanitaires, ce qui constitue l’une de ses critiques les plus sévères depuis le début du conflit. Rishi Sunak demande une enquête indépendante sur les meurtres et Anthony Albanese exprime sa «colère et son inquiétude» après la mort d’un Australien.
Au menu macro-économique du jour, la première estimation de l’inflation européenne de mars (11h00) avant aux Etats-Unis la variation de l’emploi ADP (14h15), le PMI des Services (15h45), l’ISM des Services (16h00) et les stocks de pétrole du DOE (16h30).
Siemens dément les rumeurs sur une offre potentielle pour Renishaw. Sika achète le fabricant de systèmes polymères Kwik Bond Polymers. Le détaillant allemand de produits de luxe en ligne Mytheresa pourrait faire une offre sur YNAP (Compagnie Financière Richemont), selon Bloomberg. Swiss Re nomme Andreas Berger au poste de CEO à partir de juillet. General Electric a achevé sa scission en trois sociétés. La santé était déjà cotée. Elle est rejointe par GE Aerospace (qui conserve le ticker GE) et GE Vernova (énergie, ticker GEV). Intel s’attend à une nouvelle dégradation de la rentabilité de son activité de fabrication de puces électroniques (fonderie) cette année. Walt Disney bénéficie du soutien suffisant de ses actionnaires pour écarter l’investisseur activiste Trian de Nelson Peltz. Le Washington Post affirme qu’un rapport fédéral à charge vise les manquements de Microsoft lors d’un piratage ciblé de la Chine sur des courriels de hauts fonctionnaires du gouvernement américain en 2023. Les ventes du premier trimestre de General Motors aux Etats-Unis reculent mais dépassent celles de Toyota. Lonza, Jean-Marc Huet comme nouveau président (le départ de Baehny devrait être bien accueilli).
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse. Tokyo abandonne 0,97%, Hong Kong perd 1,23%, Shanghai rend 0,18%, Séoul recule de 1,68% et le Nifty50 grappille 0,18%. Le future SPX recule de 10 points et l’Europe ouvre en légère hausse de 0,2%.