Le marché fait montre d’une patience assez impressionnante ces jours. Qui vous savez annonce tout et n’importe quoi à tout va et force les intervenants à modifier leur approche, on se positionne de plus en plus à court terme sur les parquets de trading, les intervenants savent que le vent peut changer de direction à tout instant, ils s’adaptent. En l’état l’ancien ex de l’Amérique a failli mettre en place des droits de douane de 25% sur les importations en provenance du Canada et du Mexique mais a finalement «accordé» un sursis d’un mois aux deux pays. Il a annoncé des droits supplémentaires de 10% sur les produits en provenance de Chine, qui a répondu qu’elle ferait pareil, le petit hic c’est que les sommes concernées sont beaucoup plus importantes de Pékin vers Washington que dans l’autre sens. Le vieux continent est dans le viseur, le président des Etats-Unis affirme que les Européens sont «atroces» et ce weekend il annonce qu’il va imposer les importations d’aluminium et d’acier aux Etats-Unis à raison de 25%, ce qui devrait impacter en premier lieu…le Canada et le Mexique. Voilà à peu près où nous en sommes, à peu près car ce bilan pourrait avoir évolué à l’issue de la rédaction de cette chronique. La nouvelle administration au pouvoir à Washington DC joue donc la carte du protectionnisme dans tous les sens. N’importe quel économiste de bas étage vous expliquera en une minute combien cette stratégie relève de la balle dans le pied, le marché fait vraiment montre d’une sacré patience à ce sujet.
En parallèle à ce grand barnum, les intervenants digèrent les nombreux résultats de sociétés qui sont bons dans l’ensemble, la semaine passée principalement en Europe. Chez l’Oncle Sam les locomotives habituelles sont en révision, Amazon, Alphabet et Microsoft peinent à poursuivre leur chemin vers le nord. AMZN perd 3,5% sur la semaine, GOOG rend 7,6% et MSFT égare 0,3%. En revanche, les valeurs liées à l’intelligence artificielle retrouvent de belles couleurs, surtout les vendeurs de pelles et de pioches que sont Nvidia et Broadcom. NVDA gagne 11,3% sur 5 séances, AVGO en prend 3,3%. Plus de la moitié des entreprises de l’indice S&P500 (SPX) ont désormais publié leurs résultats trimestriels, dévoilant des bénéfices en bonne progression ainsi que des perspectives encourageantes. Pour en revenir aux mastodontes de la tech, le marché doute encore un peu de la pertinence de leurs investissements massifs dans les infrastructures liées à l’IA, l’effet DeepSeek ne s’est manifestement pas encore totalement évaporé.
Au chapitre macro-économique, cela se complique. Le rapport mensuel sur l’emploi de janvier aux Etats-Unis est publié vendredi après-midi. Le chiffre principal s’élève à 143'000 créations de postes, en dessous des 170’000 attendus par le consensus, mais les deux mois précédents sont révisés à la hausse de 100’000 emplois. Le taux de chômage recule à 4,0%, contre 4,1% précédemment, tandis que le salaire horaire moyen progresse de 0,5% sur un mois, contre 0,3% auparavant. Le rapport précise que les incendies en Californie (Los Angeles) n’ont eu aucun impact sur ces données. L’indice préliminaire de confiance des consommateurs de l’Université du Michigan pour février est inférieur aux attentes, atteignant son plus bas niveau depuis novembre 2023. Les conditions économiques actuelles chutent à leur plus bas depuis novembre 2024. Les attentes d’inflation à un an augmentent de 1 point de pourcentage pour atteindre 4,3%, leur niveau le plus élevé depuis novembre 2023. Celles à 5-10 ans grimpent de 0,1 point à 3%, un record depuis juin 2008.
Au registre des discours de membres de la Fed, la gouverneure Kugler estime qu’il est prudent de maintenir le taux des fonds fédéraux inchangé pendant un certain temps, en raison de la vigueur du marché du travail et des incertitudes économiques. Austan Goolsbee (Chicago), membre votant, indique que la Fed pourrait maintenir les taux d’intérêt stables. Lorie Logan (Dallas) se montre sceptique quant à la nécessité de nouvelles baisses de taux. Neel Kashkari (Minneapolis) évoque des incertitudes liées à la politique tarifaire et souligne que les prochains chiffres de l’inflation seront déterminants.
En conclusion, le marché du travail ne montre pas de signes de ralentissement aux Etats-Unis, le consommateur semble perdre confiance et attendre une hausse du niveau général des prix, tout cela ne concoure pas à inciter la Fed à reprendre son cycle de baisses de taux, le marché déteste cette idée, ses doses quotidiennes d’argent gratuit commencent à lui manquer.
Au vu de ce qui précède, on comprend aisément que le SPX termine sa séance de vendredi au plus bas du jour et ne parvienne pas à réaliser une performance hebdomadaire positive (-0,2%). Le Nasdaq Composite et le Dow Jones reculent aussi légèrement sur 5 jours tandis que le Nasdaq100 (NDX) parvient à grappiller 0,06%. De l’autre côté de l’Atlantique l’Eurostoxx50 gagne 0,7%. Vendredi les mastodontes de la tech boudent, notamment Amazon, Tesla et Alphabet. Les volumes d’échanges sont faibles, le breadth déplorable, la volalité récupère 6%, le VIX remonte à 16,55, un niveau bien faible cela dit. Le rebond du rendement de l’emprunt US à 10 ans n’étonne personne au vu de la macro du jour, le 10 ans revient à 4,49%, il teste sa 50 jours, son principal support se situe à 4,30% (100 jours). Le dollar est recherché, la paire EUR/USD traite ce matin à 1,0320, les récentes déclaration du président américain poussent tout le monde vers le billet vert et aussi vers l’or, l’once monte un peu plus ce matin, à 2896 dollars. La relique barbare est considérée comme une valeur refuge, les banques centrales semblent continuer de soutenir la demande, attention ceci dit à la force du billet vert, qui pourrait lui faire barrage.
Le pétrole est faible, il abandonne 2% la semaine passée. Là encore c’est compliqué. L’or noir est affecté par la hausse des droits de douane entre les États-Unis et la Chine. L’impact direct reste limité en raison du faible volume des échanges pétroliers entre les deux pays, mais les craintes portent sur les effets possibles sur la croissance mondiale. Par ailleurs, le renforcement des sanctions américaines contre l’Iran pourrait compenser cette tendance, menaçant jusqu’à un million de barils par jour d’exportations iraniennes. Enfin, la hausse inattendue des stocks de pétrole brut aux États-Unis (+8,66 millions de barils contre +2,4 millions attendus), due à une augmentation des importations et de la production nationale, accentue la pression à la baisse sur les prix. Cours actuel 71,41 dollars le baril de WTI Light Crude.
Rien de particulier à se mettre sous la dent au menu macro-économique aujourd’hui.
L'investisseur activiste Elliott prend pied au capital de BP Plc, selon l’agence Bloomberg. Les actions d'Uber bondissent après que Bill Ackman (Pershing Square) a pris une participation de 2 milliards de dollars. Meta Platforms prévoit d'annoncer de nombreux licenciements aujourd’hui. Trump et le Premier ministre japonais affirment que Nippon Steel envisage d'investir dans United States Steel plutôt que de l'acheter.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en ordre dispersé. Tokyo grappille 0,04% à la cloche, Hong Kong gagne 1,84%, Shanghai avance de 0,56%, Séoul recule de 0,03% et le Nifty50 abandonne 0,91%. Le future SPX monte de 18 points et l’Europe ouvre en hausse de 0,4%.
Cette semaine nous suivrons la suite des publications de trimestriels avec notamment McDonald’s, Coca-Cola, Cisco Systems, EssilorLuxxotica, Nestlé, Siemens et Hermès. En parallèle, le rapport sur l’inflation aux Etats-Unis publié mercredi retiendra toute l’attention.