Quels produits structurés lorsque les taux sont hauts

Salima Barragan

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Les solutions à capital garanti sont à nouveau populaires. Avec Romain Joubert de Marex.

L’environnement actuel de taux élevés est propice à certains produits structurés, notamment les solutions à capital garanti disparues de l’offre des banques lors de la crise des subprimes. Elles ont fait le retour depuis la fin de la pandémie. Les alternatives aux obligations telles que les Credit Linked Note dont l’évolution dépend de la note de crédit du sous-jacent, et les Steepener qui parient sur l’inversion de la courbe des taux, retrouvent aussi la faveur des investisseurs. Le point avec Romain Joubert, en charge de la distribution chez Marex.

Dans l’environnement actuel de taux élevés, quels produits rencontrent le plus de succès auprès de vos clients?

Alors que les marchés tutoient leurs plus hauts niveaux jamais atteints et que la volatilité retombe sur ses plus bas, nous constatons un peu moins de flux sur les solutions de rendement de type autocall ou reverse convertible. Parallèlement, le maintien à des niveaux élevés des taux d’intérêts permet de proposer des solutions à capital garanti particulièrement attractives, alors qu’elles avaient totalement disparu de l’offre des banques entre la crise des subprimes et la période COVID. Parmi elles, les solutions à capital et rendement garanti et participation «win win» sur indices, comme un symbole de l’incertitude actuelle : sans autre risque sur le capital que le risque de crédit de l’émetteur, l’investisseur gagne à la hausse comme à la baisse du marché, avec un rendement minimal payé quoi qu’il arrive. La période actuelle s’est par ailleurs montrée propice aux alternatives obligataires comme les «Credit Linked Notes», dont l’évolution dépend de la note de crédit du sous-jacent.

Quels sont les sous-jacents les plus sollicités?

Sans surprise, dans un contexte d’appétit pour le risque plus que limité, ce sont les principaux indices qui reviennent le plus régulièrement. Diluer son exposition sur un panier de valeur offre des rendements plus restreints, mais permet de moyenner les performances individuelles et réduit donc la dépendance à la performance spécifique de telle ou telle valeur.

«Une solution de maturité plus longue génèrera des coûts du capital plus importants, qui devront être compensés par un pourcentage de marge brute plus élevé.»
Comment mettez-vous en place des convictions à l’aide de produits structurés?

Par le choix de la structure, du sous-jacent et du timing d’investissement notamment. La conviction est parfois l’absence de conviction : une protection forte du capital associée à une formule de remboursement performante dans des conditions de marché variées sera alors une solution privilégiée. Mais pour un investisseur voulant prendre position sur une thématique précise, des structures bien plus directionnelles pourront être proposées, avec un soin tout particulier donné à la sélection du sous-jacent par le biais duquel l’exposition sera prise. Le point d’entrée étant un point clef de la performance, il conviendra alors d’optimiser tant la valeur spot que les paramètres du sous-jacent retenu, au premier rang desquels la volatilité sera particulièrement suivie.

Quels sont les produits les plus risqués que vous proposez et pour quel genre d’investisseurs?

Les warrants et les mini-futures, emblèmes des solutions de conviction, restent les produits les plus risqués, car totalement directionnels. Ces solutions offrent un potentiel de gain élevé si le scénario joué se réalise, mais sont liées à un risque de perte important – voire total – dans le cas inverse. Pour autant, de telles catégories de produits ne sont pas uniquement destinées aux spéculateurs les moins averses au risque. Le risque d’un warrant est ainsi limité à la prime investie, ce qui peut tout à fait correspondre au profil d’un investisseur prudent cherchant à prendre une position sur une stratégie donnée avec un risque totalement maîtrisé. Dans le même ordre d’idée, un mini-future short sur un indice de référence permettra de couvrir le risque de bêta d’un portefeuille d’actions afin d’en limiter l’exposition, et donc le risque, à la surperformance (ou la sous-performance) par rapport au marché.

 Comment les coûts varient-ils d’un produit à l’autre?

Notamment en fonction de la structure, de la taille de l’investissement et de la maturité retenue.

Une solution de maturité plus longue génèrera des coûts du capital plus importants, qui devront être compensés par un pourcentage de marge brute plus élevé.

Telle solution plus structurée pourra également demander un suivi plus fort de nos équipes de trading pendant la durée de vie du produit, ou génèrera des risques plus complexes. Il peut en effet arriver que dans la pratique le hedge mis en place pour couvrir un pay-off donné s’écarte des modèles mathématiques utilisés lors de la mise en place de la structure. La marge initialement impactée pourra alors jouer le rôle de tampon pour de potentielles pertes ultérieures sur la couverture.

Quels produits pensez-vous lancer prochainement?

Les configurations de marché nous permettent de proposer à nouveau les solutions «cash & carry» sur le bitcoin, pour lesquelles nous avions gagné un prix de l’innovation en 2022. De principe très simple, ces solutions consistent à acheter des bitcoins spot tout en vendant en même temps des futures pour le même montant : l’investisseur profite alors dès la structuration initiale d’une pleine protection de son capital et d’un rendement garanti très significativement supérieur au taux sans risque, sur des maturités très courtes de quelques mois. Elles nécessitent toutefois des conditions de marché très particulières aujourd’hui réunies, c’est le moment d’en profiter.

Dans un autre ordre d’idée, nous nous intéressons tout spécialement aux thématiques «steepener» dont le principe est de prendre position sur la pentification de la courbe des taux : nous arrivons en effet petit à petit au terme d’une situation de marché très rare historiquement dans laquelle les taux longs sont inférieurs aux taux courts. Prendre une exposition sur le retournement de cette courbe inversée reste par conséquent bon marché, et peut donc générer des rendements substantiels.

Quelles sont vos ambitions à Genève?

Nous avons vocation à développer une couverture totale du marché en Suisse romande, et vison les gérants de fortune et asset managers. C’est sur cette offre que nous avons principalement reposé jusqu’à maintenant. De plus en plus de banques suisses nous font par ailleurs confiance pour couvrir les stratégies optionnelles qu’elles mettent sur pied dans le cadre de leur propre offre de produits structurés, via leur propre programme d’émission. Nous nous développons enfin vis-à-vis de la clientèle institutionnelle et corporate. Nos ambitions et les moyens dont nous disposons sont grands. À l’heure de la généralisation des outils automatisés, du désengagement des banques traditionnelles eut du suivi en direct des gérants, nous sommes persuadés qu’il est plus que jamais pertinent de nouer des relations non intermédiées entre un émetteur de solutions personnalisées et les gérants qui les implémenteront ou les distribueront.

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