Vers un changement d’état d’esprit

Salima Barragan

2 minutes de lecture

«Avec la digitalisation, les GFI peuvent étendre leur offre aux nouvelles générations», estime Lars Schlichting de Kellerhals Carrard.

Nouvelles règles de conduite, adaptation des fonds propres, Suitability; de nouvelles responsabilités attendent les gérants de fortune Suisses. La loi sur les services financiers LSFin et celle sur les établissements financiers LEFin sont en vigueur depuis le début de l’année. Quelles implications pour les gérants externes et la place financière suisse? Le point avec Maître Lars Schlichting du cabinet d’avocats Kellerhals Carrard.

Pour quelles raisons ces deux lois sont-elles apparues et quels principaux changements amènent-elles?

La Suisse était un cas particulier vis-à-vis de ses homologues européens en matière de vigilance prudentielle des gestionnaires de fortune externes - qui est introduit par LEFin - mais aussi sur la protection de investisseurs selon la directive MIFID, partiellement reprise par LSFin. Les gestionnaires étaient auparavant supervisés uniquement par les lois sur le blanchissement d’argent et leur travail de «due diligence» consistait à identifier correctement leur client, avec des normes de comportement qui avaient plutôt un caractère d’autoréglementation. Dans le futur, ces gestionnaires devront respecter de nouvelles règles de conduite et adapter leurs fonds propres. Enfin, de nouveaux organismes de surveillance – régulés par la Finma - contrôleront l’activité des gestionnaires.

«Le travail des gérants de fortune externes deviendra plus formel
car ils passeront davantage de temps en tâches administratives.»
Quels sont les nouveaux devoirs prévus par ces règles de conduite?

En premier lieu, il s’agit du devoir d’information aux clients ainsi que de Suitability - qui est une due diligence financière – par laquelle le gérant s’assure que la capacité financière du client et sa situation personnelle lui permettent de réaliser des investissements risqués. Le devoir de meilleure exécution des transactions pour le compte des clients et celui d’absence de conflit d’intérêt - bien qu’il existe déjà selon les lois fédérales – font également parti des nouvelles dispositions.

Comment ces nouvelles responsabilités affecteront-elles le quotidien des gérants de fortune externes?

Leur travail deviendra plus formel car ils passeront davantage de temps en tâches administratives; ils devront maintenir leurs dossiers en ordre pour prouver leur conformité à la loi et ne pas subir une éventuelle procédure de la part de l’organisme de surveillance ou une action civile de la part du client.

Actuellement, quelles sont les principales craintes des gérants externes?

Leur principale crainte porte sur l’augmentation des coûts liés aux nouvelles procédures. La mise en place des lois sur l’échange d’information et la réduction de la masse sous gestion en Suisse ont déjà bien affecté les petites structures. Ils doivent donc trouver un modus operandi leur permettant de continuer leur activité dans les meilleures conditions.

«Au début, tous les gestionnaires
devraient recevoir l’autorisation de la Finma.»
Et pour les grands acteurs?

Pour les grands gérants, il s’agira plutôt d’établir des procédures et des systèmes efficaces. C’est du «mind setting» car ils devront apprendre à gérer un nouvel aspect - plus formel - de leur métier. Sans cela, ils risquent de se trouver en difficulté face aux contrôles de l’autorité de surveillance. 

Les inquiétudes des gérants vis-à-vis de leur autorisation d’exercer sont-elles aussi justifiées?

Au début, tous les gestionnaires devraient recevoir l’autorisation de la Finma… Mais par la suite, ils devront être capable de démontrer au régulateur l’application correcte de la loi. Cette tâche, qui requiert davantage de documentation et de reporting, sera difficile mettre en place surtout pour les structures les plus petites .

Comment devront-ils procéder pour obtenir l’autorisation de la Finma?

Tous les gestionnaires de fortune doivent s’enregistrer auprès du portail web de la Finma avant juin 2020. Ensuite, dès que la Finma aura autorisé les organismes de surveillance, ils ont un délai jusqu’à fin 2022 pour requérir leur autorisation via le même portail. Ils devront également commencer à mettre en place de nouvelles procédures pour gérer leurs comportements ainsi qu’adapter leurs fonds propres.

«Je m’attends à moyen terme à une consolidation des acteurs
identique à celle que nous avons vécue dans le secteur bancaire.»
Comment voyez-vous le futur des gérants externes?

Les banques sont en train de licencier du personnel qui pourrait rejoindre la branche. Les gérants qui disposent d’une clientèle suffisante pourront se mettre à leur propre compte. Cependant, je m’attends à moyen terme, à une consolidation des acteurs identique à celle que nous avons vécue dans le secteur bancaire. Avec les nouvelles lois qui imposent certains devoirs plus formels, devenir «plus grand» a du sens.

Comment les gérants externes pourront-t-il s’imposer dans le monde?

Ils pourront continuer le travail traditionnel avec la clientèle de baby boomer mais ils doivent commencer à réfléchir à leur stratégie digitale pour conquérir la génération des Millenials habituée à travailler avec le monde numérique. Avec la digitalisation, les gérants ne se limitent plus à gérer les clients en Suisse, mais peuvent maintenir un contact virtuel avec des clients au-delà des frontières, sans devoir offrir un service financier qui serait objet d’autorisations à l’étranger.