Une hausse des taux est globalement positive pour l’assurance vie

Yves Hulmann

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Jean-Daniel Laffely, directeur de Vaudoise Assurances, ne craint pas non plus l’impact du télétravail sur l’immobilier de bureau.

Dans un contexte marqué par la crise sanitaire, Vaudoise Assurances a réalisé un bénéfice consolidé de 122,8 millions de francs en 2020, contre 134 millions en 2019. Le chiffre d'affaires de l'assureur vaudois a progressé de 3,2% pour s’établir à 1,18 milliard de francs. Dans l'assurance non-vie, les primes brutes émises ont augmenté de 1,8% à 945,2 millions de francs, grâce à une contribution de tous les segments d'affaires. Pour le plus important d’entre eux, celui des véhicules à moteur, la croissance s'est limitée à 0,5%, une proportion qui a été néanmoins supérieure à celle du marché suisse, relève l’assureur. 

Dans l’assurance vie, les primes brutes encaissées ont bondi de 10,8% à 208,6 millions de francs, une progression couplée à un tassement des prestations payées de 14% à 268,1 millions. Le rendement net des placements a atteint 2,4% en 2020, soit presque autant que l’an précédent (2,5%). Le volume des placements a, lui, augmenté de 152,8 millions de francs pour atteindre 7,6 milliards. Sur la base de ces résultats, l’assureur basé à Lausanne proposera lors de l’assemblée générale le versement d’un dividende de 16 francs par action nominative B, soit 1 franc de plus que l’an dernier. Entretien avec Jean-Daniel Laffely, CEO et directeur général du Groupe Vaudoise Assurances.

«Louer des véhicules ne reviendra pas forcément moins cher que d'acheter.»
Vous avez pris vos fonctions de directeur général de la Vaudoise Assurances en mai 2020, en pleine tourmente de la crise du coronavirus. Au final, le groupe a malgré tout publié une série de résultats solides pour l’ensemble de l’année 2020. Entre mai et décembre, qu’est-ce qui s’est mieux passé qu’attendu il y a un an à pareille époque? 

Pour être précis, j’ai commencé à travailler en vue de ma future fonction en novembre 2019 déjà, étant donné que j’allais devoir être responsable des résultats pour l’ensemble de l’exercice 2020. Néanmoins, j’ai pris officiellement mes fonctions en mai 2020, alors que l’on se trouvait encore dans l’œil du cyclone de la pandémie. Ensuite, plusieurs facteurs ont permis un redressement finalement assez rapide de la situation. Premièrement, il y a eu la forte reprise des marchés financiers à partir de la fin du printemps et durant l’été. Deuxièmement, si le confinement a entraîné un net ralentissement des activités et une réduction du volume de la conclusion de contrats en avril et mai, il y a eu ensuite une forte reprise dès le mois de juin. Troisième aspect : si l’on était un peu plus optimiste en avril au sujet de l’évolution de la sinistralité, les choses sont ensuite revenues à la normale en cours d’année. De manière générale, les affaires se sont redressées beaucoup plus vite que ce que l’on aurait pu craindre il y a un an à la même période.

Pour l’exercice en cours, vous évoquez une tendance positive de janvier jusqu’à fin février dans pratiquement toutes vos branches d’activités, avec une hausse des primes estimée à 2,5% pour le secteur non-vie. Ce n’est toutefois pas le cas dans l’assurance vie (-0,3%). Y a-t-il une raison spécifique qui l’explique? 

La raison est avant tout d’ordre technique. Dans l’assurance non-vie, les chiffres sont souvent plus complets en début d’année car c’est à cette période que les primes sont versées et que l’on renouvelle les contrats. Dans l’assurance vie, c’est en général plutôt l’inverse qui se produit. L’évolution devient généralement plus positive au fur et à mesure que l’on avance dans l’année. L’encaissement des primes a davantage lieu en seconde moitié d’année dans l’assurance vie. La croissance des primes en assurances vie est aussi largement dépendante de la commercialisation d'une tranche de notre produit Trendvalor.

«Comme nous sommes partis d’un niveau plus bas en Suisse alémanique,
cela a permis d’atteindre des taux de croissance plus élevés.»
Parmi les différentes branches d'activité, le segment «maladie» est en forte croissance (+6,3%) après deux mois. Comment l’expliquer? 

Il y a eu beaucoup d’assainissements de portefeuilles dans ce domaine en Suisse. Cela explique aussi notre croissance dans l’assurance perte de gain maladie. Il y a eu deux ventes de portefeuilles effectuées par des sociétés qui ont depuis cessé leur activité dans ce domaine. Etant donné qu’il y a eu une réduction de l’offre de certains prestataires dans ce domaine, nous avons pu obtenir davantage de renouvellements de contrats dans ce secteur d’activité en début d’année.

Il y a actuellement de nombreux scénarios au sujet de l’évolution des habitudes en matière de mobilité. Plutôt que de posséder un véhicule, on peut déjà louer des véhicules sous forme d’abonnements ou recourir à l’auto partage ou « car sharing ». Quel sera l’impact de ces changements dans le domaine des assurances pour véhicules à moteur?

Nous sommes attentifs à cette évolution, mais plutôt dans une optique de long terme. Dans l’immédiat, ces changements d’habitude ne représentent encore qu’une goutte d’eau dans l’univers. Il y a, certes, une tendance à l’accroissement des offres de type «all inclusive» qui comprennent à la fois la location de véhicules, le leasing ou d’autres formes d’accès à la mobilité. Maintenant, pour le consommateur, de telles offres sont souvent moins transparentes que lorsque l’utilisateur souscrit à chaque prestation séparément. Mais, d’un autre côté, il pourra aussi y avoir des effets de synergies. L’un dans l’autre, on s’attend à un impact plutôt neutre sur nos activités en lien avec les véhicules à moteur sur les prochaines années.

«La part des bureaux ne représente que 5% de l’allocation
des actifs totaux de la Vaudoise Assurances.»

Dans l’ensemble, j’ai aussi l’impression que louer ne reviendra pas forcément moins cher que d'acheter. En effet, en achetant un package incluant un ensemble de prestations, on a moins de transparence sur les prix de celles-ci. C’est un peu comme lorsqu’on loue un véhicule en vacances, on ne sait pas toujours quels sont les coûts exacts de l’assurance accidents, de l’assistance, etc.

A moyen terme, cela ne va-t-il pas néanmoins réduire le volume des primes encaissées par les assureurs dans les véhicules à moteur?

Cela dépend de l’horizon temporel que l’on prend en considération. Dans un horizon de 3 à 5 ans, cela n’aura pas une grande incidence. Si l’on regarde à 10, à 15 ou 20 ans, alors oui, beaucoup de choses changeront. Quel sera par exemple l’impact des véhicules autonomes sur la réduction du nombre d’accidents? Quelle sera la responsabilité du conducteur avec ce type de conduite? De vraies réflexions devront être faites à moyen terme autour de ces questions.

Sur l’ensemble de vos activités, la Vaudoise Assurances a une nouvelle fois vu ses primes croître plus vite en Suisse alémanique (+3,4% à 335 millions de francs) qu’en Suisse romande (+0,9% à 559 millions) en 2020. Est-ce à cause d’un effet de base ou en raison d’un mix de prestations différent en Suisse alémanique?

Notre offre de prestations est relativement similaire en Suisse alémanique et en Suisse romande. Comme nous sommes partis d’un niveau plus bas en Suisse alémanique, cela a permis d’atteindre des taux de croissance plus élevés. La croissance dépend aussi beaucoup du travail de nos agences. D’un point de vue régional, nous avons, dans l’ensemble, une croissance plus forte dans les régions en dehors des grandes villes. Elle a été forte dans des cantons comme Lucerne et Berne par exemple. Nous enregistrons désormais de bonnes progressions dans celui de Zurich également.

S’agissant de la structure des placements du groupe, les obligations et autres titres à revenus fixes en représentent toujours une part importante de vos placements de capitaux, soit de 44%. Si les taux d’intérêt continuent à remonter comme ils le font aux Etats-Unis, sous l’effet des anticipations de hausse de l’inflation, quel en sera l’impact sur votre portefeuille de placements obligataires?

Même si la remontée des taux d’intérêt a été importante aux Etats-Unis depuis l’été dernier, je reste prudent à l’égard de tels scénarios. En 2008 et 2009, certains parlaient déjà d’un futur retour de l’hyper-inflation! Nous préférons une gestion par scénarios en nous adaptant à chaque changement de situation. Certes, à court terme, une remontée rapide de l’inflation ferait perdre de la valeur aux obligations déjà émises. A plus long terme, il ne faut pas oublier qu’une hausse des taux est globalement positive pour le secteur de l’assurance vie.

«Nous avons déjà réduit de 25% le nombre de kilos de CO2 émis
par mètre carré et nous prévoyons une réduction d’au moins 30% d’ici 2025.»
L’immobilier représente 21% de vos placements de capitaux. Sur cette part, l’immobilier commercial représente une part de 30%, dont 23% pour les seuls bureaux. Qu’attendez-vous concernant l’évolution des prix des surfaces de bureaux?

La part des bureaux ne représente que 5% de l’allocation des actifs totaux de la Vaudoise Assurances. Donc même si la demande pour les surfaces de bureau devait s’affaiblir, l’impact resterait assez limité pour notre portefeuille global. De plus, à l’intérieur des bureaux, il faut aussi compter les locaux qui abritent nos propres agences. Pour toutes ces raisons, nous ne redoutons pas des taux de vacance trop importants pour nos surfaces de bureaux. Quant à savoir quel sera l’impact de l’adoption du télétravail sur la demande de bureaux à long terme, il est difficile de l’anticiper. Si beaucoup de gens ont trouvé le télétravail comme une solution pendant deux ou trois mois, il n’est pas sûr que cela convienne à toutes les personnes et aux entreprises sur le long terme.

Qu’en est-il des réductions de loyers pour les restaurants et les commerces?

La Vaudoise a suivi ici les recommandations et supports des différents cantons et notamment celles du canton de Vaud concernant les réductions de loyers. Nous avons accordé des réductions et des reports de loyers à nos locataires commerciaux, particulièrement aux petites et moyennes entreprises.

La Vaudoise publiera un rapport de durabilité dès 2022. En matière de politique d’investissement, vous soulignez que 80% de vos placements financiers sont effectués en conformité avec les principes d’investissement responsable (PRI), tels qu’ils sont définis par les Nations Unies. S’il est possible d’adapter rapidement un portefeuille d’actions ou d’obligations d’après les critères ESG, comment mettez-vous en place ces principes dans l’immobilier?

Il s’agit effectivement de processus très différents. Avec les actions ou les obligations, on peut vendre les titres qui ne correspondent pas aux critères définis et les remplacer par d’autres. Dans l’immobilier, la prise en compte des critères de durabilité est un processus beaucoup plus long. Nous avons commencé en 2014 à mettre en place des programmes de rénovation énergétique des bâtiments que nous possédons. Depuis, nous avons déjà réduit de 25% le nombre de kilos de CO2 émis par mètre carré et nous prévoyons une réduction d’au moins 30% d’ici 2025. Diminuer la consommation énergétique des bâtiments est véritablement un travail de longue haleine. En outre, nos biens immobiliers vont très prochainement intégrer l'indice Swiss Sustainable Real Estate Index (SSREI) qui permet la transparence et la comparabilité des portefeuilles immobiliers dans un objectif de durabilité.

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