Tout est réuni pour que les champions se construisent plus vite aux Etats-Unis

Yves Hulmann

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Pour Louis Bersin, gérant en actions mondiales chez LFDE, le «couple» valorisation et taux de croissance reste favorable pour plusieurs valeurs technologiques américaines.

Les indices des actions américaines ont connu une nouvelle forte progression suite à l’annonce du résultat des élections présidentielles début novembre, avant que le mouvement ne s’essoufle quelque peu ensuite. Quelles régions et thématiques faut-il privilégier lorsque l’on gère un fonds dédié aux actions mondiales? Faut-il tout miser sur les Etats-Unis ou au contraire se diversifier davantage avec des placements en Europe, en Chine et dans les pays émergents? Le point avec Louis Bersin, gérant d’un fonds consacré aux actions de croissance mondiales auprès de La Financière de l’Echiquier (LFDE), qui s’exprimait à l’occasion d’une journée de présentation destinée aux médias européens à la mi-novembre à Paris.

Lors de la présentation des perspectives pour 2025 à la mi-novembre, La Financière de l’Échiquier (LFDE) a rendu attentif au retour des risques d’ordre politique ou géopolitique. Comment intégrez-vous cette dimension dans le cadre de votre activité de gestion d’un fonds en actions mondiales?

La prise en compte des risques d’ordre politique ou géopolitique fait partie de notre analyse mais elle n’est que très rarement centrale. S’agissant de la répartition géographique de notre portefeuille, nous avons actuellement une forte exposition au marché des actions aux Etats-Unis – c’était déjà le cas auparavant – alors qu’elle est beaucoup plus faible sur les actions européennes. Le résultat de l’élection aux Etats-Unis n’a pas changé notre exposition au marché des actions américaines. S’agissant des autres régions du monde, le Japon n’est pas exposé à des risques géopolitiques majeurs. Quant aux marchés émergents, ils relèvent davantage de situations d’ordre local. Lorsque des tensions apparaissent à un endroit donné, il en résulte souvent des opportunités que nous avons pu exploiter. Par exemple, au Mexique, le deuxième pays où nous sommes le plus présent après les Etats-Unis, il y a eu une phase d’incertitude autour de la période des élections. Toutefois, les nouvelles nominations annoncées par le gouvernement ont rassuré les marchés financiers, notamment celle du nouveau ministre des Finances. C’est pourquoi il faut certes tenir compte des risques politiques et géopolitiques mais le plus important à nos yeux est de garder une perspective de long terme en matière d’investissement.

«L’action d’Amazon se négocie actuellement avec un ratio P/E d’environ 28 fois ses bénéfices estimés sur 12 mois. Compte tenu du rythme de croissance de la société, cela n’est pas si excessif.»

Pourquoi détenez-vous aussi peu de titres de sociétés européennes dans un fonds en actions globales?  

Il y a bien sûr des valeurs européennes intéressantes, qui pourraient correspondre à nos critères de sélection. Toutefois, il faut aussi tenir compte, d’une part, des aspects liés à leur valorisation. L’effet de rareté autour des quelques sociétés européennes qui conjuguent à la fois forte croissance et leadership mondial ajoute une prime à ces titres. Tous les gérants européens s’orientant vers ces mêmes titres, le rapport entre leurs niveaux de valorisation et leur taux de croissance fait que ces valeurs ne sont pas toujours les plus attrayantes. D’autre part, nous n’avons pas de volonté de nous exposer ou surexposer à l’économie européenne en comparaison à d’autres économies, notamment celle des Etats-Unis. La croissance démographique américaine est supérieure à celle de l’Europe. Les Etats-Unis disposent de ressources naturelles beaucoup plus importantes et le coût de l’énergie y est plus bas. Enfin, la capacité du pays à attirer des talents du monde entier est un autre élément clé. Les entreprises américaines ont aussi l’avantage de pouvoir compter sur un marché intérieur important qui leur permet de développer leurs produits et services et de les commercialiser à très grande échelle avant d’avoir à se pencher sur d’autres marchés. Tout est réuni pour que les champions se construisent plus rapidement aux Etats-Unis. L’Europe compte certes aussi des champions dans différents domaines – mais au sein desquels se trouvent souvent des acteurs tout aussi attrayants dans le reste du monde.

Les valeurs technologiques américaines sont très présentes dans votre fonds. Cela n’engendre-t-il pas un risque de concentration? Est-ce que vous vous fixez une proportion maximale à ne pas dépasser pour les titres technologiques en lien avec les «Magnificent 7» par exemple compte tenu de leur très forte performance ces deux dernières années?

Non, nous ne nous fixons pas de limites spécifiques à tel ou tel secteur. Nous respectons bien sûr les limites prévues pour les fonds UCITS, notamment le fait qu’aucun titre ne doit peser plus de 10% dans le fonds. Concernant les niveaux de valorisation, ce n’est pas parce que certains titres ont affiché de fortes progressions qu’ils sont pour autant chers. Si l’on considère par exemple Amazon, l’action du géant de l’e-commerce se négocie actuellement avec un ratio P/E d’environ 28 fois ses bénéfices estimés sur 12 mois. Compte tenu du rythme de croissance de la société, cela n’est pas si excessif. En outre, l’e-commerce, malgré sa progression rapide, ne représente toujours que 20% des ventes au détail globales. Concernant les services d’informatique en nuage (Cloud), secteur dont AWS est chef de file, ce type de dépense ne représente encore que 10% à 15% des dépenses informatiques mondiales. Dans le domaine de la publicité en ligne pour les entreprises, Amazon est un acteur montant qui reste très en-deçà des parts qu’occupent Meta et Alphabet. Il y a donc de la place pour qu’Amazon continue de croitre de manière soutenue à long-terme selon nous. En résumé, il faut tenir compte à la fois de la valorisation et des taux de croissance. En considérant ces deux paramètres, le «couple» valorisation et taux de croissance reste assez favorable à nos yeux pour plusieurs valeurs technologiques. Certaines entreprises plus classiques, que l’on décrit parfois comme appartenant à la «vieille économie», affichent des valorisations tout aussi élevées tout en ayant une croissance plus faible.

«Début 2021, nous avions fortement réduit l’exposition à la Chine suite au changement de rhétorique des autorités économiques chinoises, mettant à nouveau en avant le besoin de désendetter le pays. A présent, nous effectuons un retour graduel avec AIA Group.»

On ne peut parler de l’économie globale sans évoquer la Chine. Détenez-vous des actions de sociétés chinoises actuellement?

Nous détenons l’action d’une société basée à Hong Kong, l’assureur-vie AIA Group. Nous sommes revenus récemment sur ce marché, avec ce titre, totalement délaissé par les investisseurs. Cela n’a pas toujours été le cas. Jusqu’en 2020, notre exposition à la Chine et Hong Kong était substantielle. Début 2021, nous avions fortement réduit l’exposition à la Chine suite au changement de rhétorique des autorités économiques chinoises, mettant à nouveau en avant le besoin de désendetter le pays. A présent, nous effectuons un retour graduel. La forte mobilité géographique et sectorielle de notre fonds est un élément distinctif majeur, comme sa forte exposition à la Chine suivie par une sortie assez rapide en 2021 le démontre.

Le secteur de la santé représente environ un sixième de votre fonds. Pourquoi n’avez pas investi davantage dans ce secteur, notamment dans les sociétés pharmaceutiques qui proposent des traitements anti-obésité en plein essor actuellement?

Effectivement, nous n’avons pas misé sur cette thématique spécifiquement. En revanche, nous investissons dans d’autres sous-segments du monde de la santé. Ce secteur va continuer de se développer compte tenu notamment des besoins découlant du vieillissement démographique. La société américaine Stryker, qui figure parmi nos dix principales positions, fabrique par exemple un outil de chirurgie assistée par bras robotisé, appelé Mako. De tels instruments bénéficient d’une forte de demande en raison de l’importance du nombre des personnes âgées de plus de 60 ans dans les pays industrialisés. Nous détenons aussi une position dans Thermo Fischer. Donc, oui, nous investissons aussi dans le secteur des sciences de la vie, via des sous-segments très spécifiques.

Le débat gestion active ou passive est devenu incontournable. Désormais, l’essor des ETF gérés activement constitue une nouvelle concurrence aux fonds actifs classiques, en plus des produits indiciels. Les ETF actifs sont-ils une concurrence pour vous?

Non, les ETF actifs ne sont pas un concurrent direct pour nous. Ce sont plutôt les autres fonds actifs qui sont nos concurrents. A ce titre, notre fonds Echiquier en actions de croissance mondiales se distingue par sa forte concentration sur les chefs de fil qui, selon nous, façonnent l’économie d’aujourd’hui et de demain. 

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