Surchauffe à venir sur le métal rouge

Salima Barragan

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Selon Michel Wiskirski de Carmignac, la demande de cuivre devrait augmenter de 23% par an d’ici 2030.

Les mines de cuivre qui produisent annuellement 22 millions de tonnes de métal rouge, pourraient faire face d’ici 2030 à une demande supplémentaire de 8 millions de tonnes par an soutenue par le développement des énergies renouvelables et l’adoption des véhicules électriques. Son recyclage permettra en partie d’y répondre pour éviter une sous-offre, voire de fortes tensions sur le cuivre. Entretien avec Michel Wiskirski, responsable de la transition énergétique chez Carmignac.

Selon vous, l’adoption des énergies renouvelables et des véhicules électriques est synonyme de croissance quasi-exponentielle de l'utilisation du cuivre. Comment va-t-elle se développer?

La génération d’électricité et la mobilité vont créer une utilisation intensive du cuivre deux fois plus importante. Actuellement, la production de chaque véhicule thermique courant nécessite entre 20 à 25 kilos de cuivre. Or, un véhicule électrique de base aura besoin d’environ 75 kilos de cuivre, voire plus dans le cas d’un véhicule familial haut de gamme. On parle ici d’une demande totale considérable si l’on prend en compte la courbe de consommation avec une production d’environ 8’000 millions de véhicules électriques par an. Nous avons aussi vu l’apparition de bus électriques. Mais la production de chacun de ces longs véhicules requiert deux à trois cents kilos de cuivre, soit un ratio encore plus important. Il y a enfin la question de la production d’énergie. Selon l’AIE, un mégawatt produit par une centrale de gaz consomme une tonne de cuivre alors que pour la même quantité d’énergie solaire produite, entre 2,5 et 3 tonnes sont requis. Encore plus gourmand, l’éolien en mer consomme jusqu’à 11 tonnes de cuivre par gigawatt produit.

Le marché est actuellement tendu, mais pas encore en sous-offre.
Face au développement des véhicules électriques et des énergies durables, les mines de cuivre arriveront-elles à répondre à la demande?

Ces développements vont poser des problèmes dans la chaine d’approvisionnement comme on l’a déjà vu avec la crise des semi-conducteurs dont l’intensité de consommation relativement faible a explosé à la hausse. Les mines devront commencer à travailler avec ces industries et fort heureusement, les cycles des projets éoliens et des mines sont très proches. De la conception d’un champ éolien à sa mise en service, comptez entre six à sept ans. Entre la décision d’explorer et la production de la première tonne de mine, 6 ou 8 ans, voire plus, s’écoulent. Nous attendons un certain nombre de projets miniers à venir, mais ils seront insuffisants si l’on tient compte de la mobilité. Le marché est actuellement tendu, mais pas encore en sous-offre. Il y aura une légère inadéquation entre l’offre et demande d’ici 2024/2025 qui pourrait perdurer dans les années suivantes.

Quelles en seront les conséquences?

Le recyclage va prendre davantage d’importance via le scrap. Les entreprises devront augmenter leur capacité de recyclage du cuivre mais il faudra aussi s’assurer de la mise sur pied de nouveaux projets. En attendant, les capacités de recyclage commencent à s’organiser pour alléger la problématique d’une sous-offre car le cuivre est un métal qui se recycle facilement. Enfin, il pourrait y avoir de nouveau substitut de métaux conductifs.

Qui sont les leaders du recyclage du cuivre?

Le marché est concentré avec quelques sociétés européennes et asiatiques qui recyclent également d’autres matériaux. Il n’y a pour l’instant aucun acteur mondial connu et dominant.

Le cours du cuivre a aussi plus que doublé sur un an. Quelles sont vos perspectives sur le métal?

Parti d’un point bas de 4’500 dollars US lors du creux de la crise, il est actuellement coté à un peu moins de 10'000 dollars US pour des raisons cycliques et de long terme. Son évolution sera soutenue par des facteurs structurels: nous connaissons les projets miniers à maturité dans 2 ou 3 ans mais à partir de 2024, nous n’avons plus de visibilité. Et le marché sera ainsi plus tendu qu’aujourd’hui, d’autant plus que le prix du cuivre n’est pas à l’abri d’événements sociopolitiques. Nous pouvons ainsi être positifs sur la montée du cours.