Réduire les émissions de CO2 en valeur absolue

Yves Hulmann

2 minutes de lecture

Pour René Nicolodi de Swisscanto Invest, il est possible de diminuer année après année les tonnes de carbone émises au sein d'un portefeuille donné.

Les risques climatiques sont désormais aussi des risques financiers. Partant de ce constat, René Nicolodi, Head of Equities & Themes chez Swisscanto Invest by Zürcher Kantonalbank, a esquissé, lors d’une présentation effectuée dans le cadre du Zurich Forum for Sustainable Investment lundi, les pistes qui existent pour donner un prix aux externalités environnementales. Entretien.

En tant que gérant d’actifs, de quelle manière évaluez-vous le caractère durable ou non d’une entreprise. Utilisez-vous vos propres bases de données ou recourrez-vous aux ratings fournis par des agences de notation externes?

Nous ne basons pas nos décisions sur la base des ratings fournis par les agences de notation. Nous préférons utiliser des données brutes en rapport avec les aspects ESG (ndlr: critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) des entreprises. De cette façon, il est possible ensuite d’agréger ces données de manière plus globale ou au contraire les séquencer de manière plus détaillée en fonction de nos besoins. Pour chaque sous-indicateur en lien avec la durabilité, nous pouvons ainsi regarder en détail ce qu’il contient et si cela correspond à nos exigences. En disposant de données brutes, il est aussi possible de comparer ces données en fonction de chaque secteur d’activité.

«Partant de 2019, nous devons réduire chaque année de 4% la quantité de tonnes de CO2 émises.»
Quelles sont aujourd’hui les attentes des investisseurs qui placent de l’argent dans des fonds durables: souhaitent-ils n’avoir dans leur portefeuille que les «meilleurs élèves», soit des entreprises qui émettent très peu de CO2, ou acceptent-ils de détenir des sociétés moins parfaites en termes de durabilité mais qui s’améliorent ?

Les deux catégories existent. Certains investisseurs ne souhaitent plus du tout investir dans des entreprises actives dans les énergies fossiles. C’est un choix. D’autres acceptent en revanche de détenir des entreprises qui sont actives, par exemple, dans le pétrole et le gaz à condition qu’elles améliorent leur bilan environnemental. A partir de cette étape, nous sommes attentifs à deux aspects: à savoir, d’une part, comment ces sociétés se préparent-elles à gérer et supporter cette phase de transition. D’autre part, nous regardons quelle est la trajectoire de réduction des émissions de CO2 d’une entreprise sur la durée. Chaque année, au niveau de notre portefeuille, nous visons un objectif de réduction des émissions fixé en valeur absolue.

«Certes, le prix de la tonne de CO2 varie au sein d’une bande de fluctuation – celle-ci est clairement orientée à la hausse sur la durée.»
Comment cet objectif est-il déterminé?

Il s’agit d’un objectif de réduction des émissions de CO2 des entreprises faisant partie de notre portefeuille qui est fixé en termes absolus. Partant de 2019, nous devons réduire chaque année de 4% la quantité de tonnes de CO2 émises. Pour mesurer cela, nous utilisons les intensités de CO2 (tonnes de CO2 divisées par les recettes pour une entreprise ou le PIB lorsqu’il s’agit d’un Etat). Ceci requiert donc un ajustement à la baisse relatif à la croissance économique réalisée chaque année, de manière à ce qu'une réduction d'intensités de CO2 se traduise en une baisse effective de tonnes émises.

S’agissant du prix qui est attribué aux externalités, un facteur d’incertitude est la fluctuation du prix de la tonne de CO2. Est-ce un risque dont il faut tenir compte?

Bien entendu, le prix de la tonne de CO2 peut aussi bien augmenter que diminuer. Toutefois, si l’on tient compte des énormes défis qui se poseront au cours des dix, vingt ou trente prochaines années en termes de réduction des émissions de CO2, je m’attends plutôt à une hausse de son prix. Certes, le prix de la tonne de CO2 varie au sein d’une bande de fluctuation - dans l’ensemble, cette bande de fluctuation est clairement orientée à la hausse sur la durée.

«La plupart des grandes caisses de pension sont aujourd’hui toujours plus sensibles aux aspects ESG.»
La gestion indicielle occupe une place toujours plus importante au sein des portefeuilles, y compris chez les investisseurs institutionnels. Est-ce une difficulté pour les gérants qui proposent des fonds durables?

On peut observer deux tendances. D’un côté, il y a des investisseurs qui souhaitent avant tout minimiser les risques au sein de leur portefeuille, y compris sur le plan environnemental. Ces investisseurs se satisfont souvent de placer leur argent dans des indices qui excluent certaines activités ou entreprises, ce que l’on appelle parfois les «green flavoured index». D’un autre côté, il y a des investisseurs qui attendent réellement un impact de leurs investissements, les «impact seeker», et qui ont, eux, des attentes beaucoup plus élevées d’un point de vue ESG. Dans l’ensemble, j’observe que les exigences des investisseurs, notamment chez les caisses de pension, vont en s’accentuant en ce qui concerne les aspects de durabilité. Certes, il y a encore beaucoup de petites caisses de pension qui n’ont pas encore le savoir-faire, ni les ressources, pour adapter leurs portefeuilles dans cette direction. En revanche, la plupart des grandes caisses de pension sont aujourd’hui toujours plus sensibles aux aspects ESG.

A lire aussi...