Quelle reprise pour les Etats-Unis?

Salima Barragan

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L’Administration démocrate adoptera des mesures de relance plus substantielles, estime Cormac Weldon d’Artemis IM.

Pour l’heure, les sondages indiquent que le candidat Démocrate Joe Biden remporte suffisamment de voix pour accéder à la présidence. Cependant, la défaite de la favorite Hillary Clinton il y a quatre ans nous rappelle qu’il ne faut pas prendre ces enquêtes pour argent comptant… Mais si ces prédictions s’avèrent cette fois-ci exactes, quelle serait la portée d’un virage à gauche sur l’économie américaine mise à genoux par la pandémie? Et comment les marchés boursiers américains - plutôt en forme - réagiraient-ils à un changement d’orientation politique? Selon Cormac Weldon, Head of US Equities chez Artemis IM, une victoire des Démocrates serait défavorable aux entreprises et pénaliserait les marchés. Entretien.

Quels sont vos pronostics sur le résultat des élections présidentielles en novembre?

En ce moment, le candidat démocrate Joe Biden en tête des sondages semble avoir de bonnes chances de les gagner. Cependant, il faut se méfier des sondages car à la même époque dans la course à l'élection présidentielle américaine, Hilary Clinton était en tête des sondages. Il faut également surveiller le résultat relativement proche à ce stade de la majorité au Sénat. Si Biden gagne et que les Démocrates mènent à la fois le Congrès et le Sénat, il sera plus facile de gouverner. Nous pourrions également nous retrouver dans une situation difficile où M. Trump hésiterait à partir et contesterait les résultats de l'élection. Comme le montre l'histoire, il est difficile de prédire l'issue des élections américaines et nous ne tenterons donc pas de le faire, mais nous suivons de près la situation et l'évolution des sondages.

La victoire de Trump avait eu un grand impact sur l'économie. Le résultat à venir aura-t-il la même portée?

Trump est arrivé au pouvoir dans un environnement économique différent car lors de son élection il a bénéficié d'un solide bagage économique. Puis, cette élection a renforcé la confiance des consommateurs et des entreprises. Par ailleurs, la réduction de l'impôt sur les sociétés qu'il a mise en œuvre a eu un impact positif sur les bénéfices des entreprises. La situation post-covidienne est très différente car l'économie se remet d'une très forte chute provoquée par la pandémie et les blocages qui en ont découlé. La prochaine administration - qu'elle soit Démocrate ou Républicaine - mettra en œuvre de nouvelles politiques de relance. Néanmoins, une administration Démocrate adoptera des mesures encore plus substantielles qui, à leur tour, soutiendront davantage la reprise économique.

 Il sera essentiel de faire baisser le niveau du chômage
et il est encore trop tôt pour dire à quelle vitesse cela pourra se faire.
Dans quelle mesure les politiques des deux candidats peuvent-elles relancer l'économie alors qu'elle commence à peine à se redresser, qu'elle affiche un taux de chômage record et que le fardeau de la dette s'alourdit du fait de dépenses budgétaires sans précédent?

Les candidats se trouveront tous les deux dans une situation où ils voudront ou devront soutenir l'économie. Les Démocrates ont déjà annoncé d'importants plans de relance et seront probablement encore plus généreux que ne le serait une administration Républicaine. L'ampleur des mesures de relance pourrait être différente. Il sera essentiel de faire baisser le niveau du chômage mais il est encore trop tôt pour dire à quelle vitesse cela pourra se faire. Dans certains secteurs comme l'hôtellerie, la normalisation de la situation pourrait prendre plus de temps que dans d'autres.

Dans quelle mesure un virage à gauche pénaliserait-il les marchés sachant que les impôts sur les sociétés seront plus élevés pour financer le New Green Deal?

Une victoire des Démocrates, qui est considérée comme moins favorable aux entreprises, pourrait avoir un impact négatif sur les marchés. Cela étant dit, Joe Biden fait partie des Démocrates modérés. L’impact sera moins négatif que si des candidats plus extrêmes comme Elizabeth Warren ou Bernie Sanders étaient élus. Ils avaient tous deux un programme très déterminé contre les grandes entreprises et poussaient à une réforme complète du système de santé. Nous continuons à voir le flux de nouvelles liées au développement de la pandémie peser également sur l'orientation du marché. Les politiques de relance seront d'abord adoptées puis l'augmentation du taux d'imposition des sociétés sera mise en œuvre plus tard, ce qui constitue une première nouvelle positive pour l'économie.

Et pour les géants de la technologie, dans le viseur de Biden et de son programme d’optimisation fiscale?

L’administration Biden est une menace pour les grandes entreprises technologiques. Mais aussi pour toutes les grandes capitalisations. Nous pensons qu'il y a aussi des risques pour d'autres secteurs, comme les financières par exemple, où nous attendons plus de réglementation sous une administration Démocrate. Ceci, combiné à un environnement de taux d'intérêt bas, nous rend très prudents vis-à-vis des banques.

Les valorisations des entreprises technologiques sont-elles justifiées?

S'il est vrai que les performances du marché ont été récemment déterminées par un très petit nombre de sociétés technologiques à forte capitalisation, toutes les sociétés technologiques ne se négocient pas à des multiples élevés. Il est encore possible de trouver quelques noms de moyenne capitalisation ayant de fortes perspectives de croissance et des technologies intéressantes se négociant à des multiples raisonnables. Contrairement à 1999-2000, la plupart des sociétés technologiques génèrent des revenus et des flux de trésorerie. Comme leur taux de croissance est supérieur à celui du marché, cela justifie une prime de valorisation.

Si le scrutin de l'élection présidentielle fait l'objet de contestations, quelles seraient les implications pour les marchés?

Face à l'incertitude, les marchés ont tendance à réagir négativement et une contestation du résultat de l'élection présidentielle créerait certainement des turbulences. Cela dit, depuis l'élection de Trump, les États-Unis se sont familiarisés avec la volatilité politique, ce qui était nouveau pour eux!

Dans ce contexte incertain, quel est votre positionnement tactique?

Nous cherchons un équilibre avec une certaine exposition à la croissance mais aussi aux cycliques. Nous pensons que le logement et les actions liées au logement se porteront bien dans les prochains mois, car ce marché bénéficie des taux hypothécaires bas, d’une bonne démographie et d’une demande refoulée. Nous avons ainsi une exposition aux actions des vendeurs immobiliers et des entreprises dans la rénovation. Nous avons réduit l'exposition à certains noms de technologies à forte croissance et à forte diffusion et somme maintenant nous sommes maintenant sous-pondérés en technologie. Nous sommes également sous-pondérés dans la finance où nous voyons des risques et un environnement difficile. Enfin, nous sommes exposés à des sociétés qui bénéficient de l'accélération des tendances existantes comme le commerce et les paiements en ligne.

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