Prudence sur les marchés

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Selon Natixis Investment Managers, il est encore trop tôt pour racheter des actions.

Les montées de protectionnisme et de nationalisme qui se sont manifestées en 2019 vont-elles céder face à la crise de COVID-19? C’est en tout cas ce que pensent les stratégistes chez Natixis IM qui ont observé plus de coordination et de coopération entre les gouvernements qu’attendues il y a encore quelques semaines. Mais, selon Dave Lafferty, Chief Market Strategist, et Esty Dwek, Directrice de la Stratégie de Marché de Natixis IM Solutions, les actions n’ont pas encore testé leur point bas et une débâcle sur le crédit est possible. Entretien.

Les montées du protectionnisme et du nationalisme constatées en 2019 vont-elles s’accentuer avec la crise du Covid-19?

ED: Ce que nous voyons surtout en Europe prouve le contraire. L'Allemagne veut aider l'Italie et elle envisage même d'émettre des euro-obligations. Ainsi, on aurait finalement une coordination de dettes à l'échelle européenne. Aux Etats-Unis, nous revenons également sur le scénario de 2008, lorsque la Fed ouvrait de nombreuses lignes de swap avec différents gouvernements pour s'assurer que les liquidités en dollar soient suffisantes partout dans le monde.

Les négociations commerciales entre le Royaume-Uni et l'Union européenne
qui se déroulent en marge pourraient aussi s'améliorer.
La guerre commerciale est-elle une histoire ancienne?

ED: En ce moment, les politiciens se concentrent sur les systèmes de santé, la protection des consommateurs et celle des employés contre le chômage ainsi que sur les prêts et les paiements à court terme. Nous pourrions voir certains droits de douane s’assouplir pour alléger le fardeau des entreprises et constater une amélioration des relations commerciales. Les négociations commerciales entre le Royaume-Uni et l'Union européenne qui se déroulent en marge pourraient aussi s'améliorer.

Quelles sont les implications de la crise du Covid-19 sur les élections américaines?

DF: Au cours des deux derniers mois, Trump était passé de favori pour sa réélection en novembre à une probabilité d'environ 60/40. Aujourd’hui, il est tombé encore plus bas à une probabilité d'environ 55/45, en partie à cause de sa réponse initiale au coronavirus. Mais pas seulement. Au cours des soixante derniers jours, Joe Biden est devenu le candidat démocrate présumé au détriment de Bernie Sanders. L'ancien vice-président Biden a plus de chance de battre Trump en face à face que le sénateur Sanders. L'élection présidentielle sera incroyablement serrée et pourrait se réduire à quelques centaines de milliers de voix.

Le marché a beaucoup souffert, et ce n’est peut-être pas fini.
Les marchés ont-ils pleinement intégré les effets de la pandémie?

ED: Les marchés ont intégré une récession mais ils sont coincés entre deux feux. La question est de savoir si les marchés intégreront les prix en fonction d'une contraction très profonde mais très courte, qui durera essentiellement de mars à mai et qui permettra ensuite une reprise progressive, ou si les marchés doivent «pricer» un scénario encore plus négatif car l’activité ne peut pas se redresser rapidement. Aussi, les risques continuent de s'accumuler avec de possibles vagues de faillites, de déclassements et de défauts qui mèneraient à une crise du crédit à part entière.

Avons-nous donc peut-être atteint le plus bas?

DF: Si l'on revient sur le S&P500 lors des deux ou trois dernières récessions, on obtient un multiple de 11 à 13. En ce moment, nous sommes juste en dessus à environ 14,8. Le marché a beaucoup souffert, et ce n’est peut-être pas fini. Les multiples vont commencer à se stabiliser à ces niveaux bien que nous n’ayons même pas encore vu les réels préjudices causés aux revenus. Pourtant les analystes continuent de prévoir des chiffres positifs pour la croissance des bénéfices d'une année à l'autre sur le S&P 500.

ED: Il est certainement trop tard pour vendre, mais il est peut-être encore trop tôt pour acheter.