Privilégier les sociétés avec des revenus réguliers et une profitabilité prévisible

Yves Hulmann

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Pour Uli Gerhard, gestionnaire chez Insight Investment, le niveau des taux d’intérêt globalement plus élevé a l’avantage d’offrir un coussin de protection dans le high yield.

 

Uli Gerhard, gestionnaire de portefeuille senior, gère un fonds spécialisé dans les emprunts à rendement élevé («high yield») chez Insight Investment, une société qui fait partie de BNY Investments. Le fonds cherche à obtenir des rendements attrayants mais en évitant d’être confronté à trop de volatilité. Il investit dans des entreprises dotées d’une notation qui est soit de BB, B ou au plus bas CCC. Au bénéfice de plus de vingt ans d’expérience dans le domaine des produits à revenu fixe, Uli Gerhard souligne notamment l’aspect de diversification apporté par les placements dans des obligations d’entreprises.

«High Yield» est un terme qui est souvent associé à une prise de risque plus élevée. Est-ce le cas pour les entreprises dans lesquelles vous investissez?

Comme c’est le cas aussi pour d’autres classes d’actifs, il est important de bien différencier les différents segments qui existent à l’intérieur de ce que l’on regroupe, de manière générale, sous le terme de «high yield». En ce qui nous concerne, nous investissons dans des entreprises dotées d’une notation qui est soit de BB, B ou au plus bas CCC. En ce qui concerne cette dernière catégorie, nous n’investissons dans celles-ci que si l’activité sous-jacente est dotée d’une notation d’au moins B. Par ailleurs, nous n’investissons pas non plus dans des très petites entreprises. 

Dans le segment dans lequel nous opérons, il faut souligner que le nombre de défauts survenant par année est extrêmement bas – ceux-ci se comptent souvent sur les doigts d’une main. Nous cherchons à obtenir des rendements attrayants mais nous évitons d’être confrontés à trop de volatilité.

Hormis les ratings attribués par les agences de notation, à quels critères êtes-vous particulièrement attentifs?

Les écarts ou «spreads» par rapport aux emprunts sans risque constituent une notion centrale. Actuellement, nous n’anticipons pas un élargissement important des spreads dans notre segment d’activité. 

Le niveau des coupons est un autre aspect central. Le fait que les coupons se maintiennent à des niveaux relativement élevés actuellement, étant donné que le niveau des taux d’intérêt est globalement plus élevé qu’au début de la décennie, est plutôt un contexte favorable car cela offre un coussin de protection. Notre classe d’actifs est du reste appelée «high yield», non pas «high spread». Nous avons aussi un portefeuille de titres relativement concentré comportant environ 100 positions.

«Nous évitons généralement les secteurs tels que l’immobilier, les banques, la technologie et la distribution non alimentaire.»

Y a-t-il des secteurs spécifiques que vous préférez éviter ou au contraire que vous surpondérez?

Nous évitons généralement les secteurs tels que l’immobilier, les banques, la technologie et la distribution non alimentaire. Dans le cas du secteur bancaire, c’est en raison des risques hors bilan qui peuvent être difficiles à évaluer et du risque d’action réglementaire qui affecte la manière dont les obligations subordonnées sont évaluées. 

S’agissant de l’immobilier, nous attachons une grande importance aux flux de trésorerie des entreprises et constatons que ce secteur a tendance à ne pas générer de flux de trésorerie disponibles. Il est également très exposé aux coûts de financement et les valorisations peuvent être incertaines. 

Dans le secteur de la technologie, la longévité d’un produit est souvent assez courte, ce qui rend difficile la prévision de la rentabilité et de la solvabilité d'une entreprise sur le long terme.C’est le cas aussi du commerce de détail de biens non alimentaires. Dans l’habillement, il suffit que les températures durant un hiver soient plus chaudes que d’habitude et les commerces font face à d’importants stocks invendus. 
Enfin, nous n’investissons pas dans certains domaines en raison de critères ESG. Par exemple, nous n’investissons pas dans des sociétés actives dans l’extraction du pétrole de schiste pour cette raison.

Et à l’inverse, quels secteurs appréciez-vous en particulier?

Nous apprécions les entreprises actives dans différents secteurs qui permettent de générer des flux de revenus réguliers et une profitabilité prévisible. C’est le cas par exemple de fabricants de bouteille qui continuent de tirer parti de la croissance de ce marché. On peut aussi citer les entreprises de télécommunications ou encore des services aux entreprises.

«Actuellement, nous préférons les entreprises actives dans le secteur automobile aux Etats-Unis plutôt qu’en Europe.»

Est-ce que vous investissez aussi dans des obligations d’entreprises actives dans des secteurs qui traversent une mauvaise passe, comme les fournisseurs d’équipements pour l’automobile en Allemagne?

Oui, mais seulement dans certains pays et dans certains segments. Actuellement, nous préférons les entreprises actives dans le secteur automobile aux Etats-Unis plutôt qu’en Europe.

De quelle manière l’environnement de taux d’intérêt influe-t-il sur l’attrait ou non pour les investissements dans des emprunts à haut rendement? Le fait que les taux pour les emprunts d’Etat américains à dix ans se sont maintenus à plus de 4,5% entre décembre et la mi-février (ndlr: environ 4,3% à la mi-mars) a-t-il réduit l’attrait comparatif du high yield auprès des investisseurs? 

Il y a effectivement eu une sorte de redistribution des cartes concernant les attentes des investisseurs au sujet de la politique monétaire aux Etats-Unis en seconde moitié d’année 2024. Les anticipations au sujet de la poursuite d’une baisse des taux de la part de la Fed ont été sans cesse reportées. La pression inflationniste sur les salaires reste non négligeable même si la croissance économique tend à ralentir. 
A l’inverse, en Europe, les investisseurs continuent d’anticiper une politique monétaire plus accommodante de la part de la BCE. En ce qui concerne les entreprises dans lesquelles nous investissons, le recul de l’inflation et la baisse des taux soulagera quelque peu la pression financière pour les sociétés les plus endettées. Toutefois, il est plus important de regarder en détail comment la demande évolue dans chacun des segments d’activités des entreprises dans lesquels nous investissons plutôt que d’agir sur la base des grandes tendances macro-économiques. 

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