Percée de l’investissement en infrastructures

Emmanuel Garessus

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La réglementations et la prise en compte de ce secteur comme une classe d’actifs propre alimentent la progression, selon Anna Demarmels d’IFM Investors.

IFM Investors est un groupe australien centré sur l’investissement en infrastructures depuis les années 1990, afin de répondre aux besoins des instituts de prévoyance dans ce domaine. Il s’est progressivement développé à l’international et est aujourd’hui un groupe global qui gère 130 milliards de francs, dont la moitié en infrastructures, pour le compte de quelque 600 investisseurs institutionnels internationaux. IFM Investors est ainsi l’un des plus grands investisseurs dans ce secteur. Le groupe a ouvert un bureau en Suisse en 2018. Anna Demarmels, responsable du marché suisse pour IFM Investors, et Werner Kerschl, Executive Director dans l’équipe d’investissements d’IFM Investors, répondent aux questions d’Allnews:

Combien d’actifs en infrastructures gérez-vous pour le compte d’institutionnels suisses?

Anna Demarmels (A.D.) Si nous disposons d’un bureau à Zurich depuis 2018, avec une équipe de cinq personnes actuellement, nous investissons depuis 2013 pour le compte d’institutionnels suisses. En réponse à la croissance des besoins de notre clientèle, aujourd’hui nous gérons pour 2 milliards de dollars d’actifs en Suisse. On a commencé avec 500 millions de dollars d’actifs sous gestion en Suisse en 2018.
La progression s’explique en partie par les changements réglementaires et notamment la considération des infrastructures comme une classe d’actifs propre dès 2020. L’attention s’est accrue à l’égard des infrastructures en Suisse et nous a amené à renforcer nos efforts de sensibilisation et de formation dans un domaine dans lequel nous avons l’avantage d’un savoir-faire et d’une expérience de 30 ans. 

Est-ce que vous avez l’intention d’ouvrir un bureau en Suisse romande? 

A.D. Nous sommes très proches des caisses de pension de l’ensemble du pays, nous avons pas prévu d’ouvrir un bureau en Suisse romande. Notre intention d’ouvrir un bureau en Suisse répondait précisément à cet objectif, l'un des marchés européens les plus importants pour nous. 

«En Australie, de nombreux institutionnels ont l’habitude de gérer 10% ou davantage de leur portefeuille dans les infrastructures».

Est-ce que le changement réglementaire a réellement changé les comportements des caisses de pension dans ce domaine?

A.D. Nous avons observé une réelle augmentation de l’investissement dans les infrastructures, mais il est certain que le changement des allocations prendra du temps. L’attention à l’égard des infrastructures s’est indéniablement améliorée. Pour les caisses de pension, c’est une opportunité supplémentaire qui leur est offerte. Nous devrons accompagner les investisseurs et leur expliquer les caractéristiques de cette classe d’actifs. 

Quelles caisses de pension investissent le plus fortement dans les infrastructures?

A.D. Toutes les formes de caisses de pension, grandes et petites, investissent en infrastructures. Les caisses de pension australiennes sont historiquement les plus présentes sur ce marché, mais le marché suisse se développe bien depuis nos en débuts en 2018.

Est-ce que des institutionnels placent 10% ou même davantage dans les infrastructures?

A.D. En Australie, de nombreux institutionnels ont l’habitude de gérer 10% ou davantage de leur portefeuille dans les infrastructures. Ces dernières forment un fondement essentiel de leur allocation. Les infrastructures restent relativement nouvelles dans de nombreuses autres régions, y compris en Suisse. La tendance est donc favorable même s’il est difficile de donner des indications chiffrées. 

Que répondez-vous aux caisses de pension qui vous interrogent sur les espérances de rendement dans les infrastructures?

A.D. L’espérance de rendement est fonction du risque que l’investisseur est prêt à supporter. Nous pensons qu’un portefeuille diversifié comprenant des infrastructures peut augmenter le rendement et réduire le risque. On ne peut pas séparer un investissement de son rôle pour l’ensemble du portefeuille.

Vous avez investi dans Vienna Airport. Est-ce un investissement qualifié de haut rendement ou de bas rendement?

W.K. Vienna Airport est un investissement solide et résilient, ainsi qu’il l’a démontré avec une forte reprise de la demande à la sortie de la pandémie. Cet aéroport devrait continuer de croître, puisqu’il profitera de l’expansion d’un terminal. Il se profile comme une plateforme clé pour l’Europe centrale. 

«La protection contre l’inflation est sans doute un argument en faveur des infrastructures, mais les infrastructures représentent d’abord un service offert à la communauté»

Avez-vous investi dans une société suisse?

W.K. Nous avons investi dans une joint-ventre avec Trafigura et basée à Genève, à savoir Impala, qui facilite le commerce de matières premières. 

La protection contre l’inflation a été l’un des principaux arguments en faveur des infrastructures depuis deux ans. Est-ce que la baisse de l’inflation pénalisera cette classe d’actifs?

Werner Kerschl (W.K.) La protection contre l’inflation est sans doute un argument en faveur des infrastructures, mais les infrastructures représentent d’abord un service offert à la communauté. La demande en infrastructures se caractérise non seulement par l’augmentation des besoins mais aussi par l’inélasticité de la demande et par sa faible corrélation aux autres classes d’actifs.

Le soutien aux infrastructures ne se limite donc de loin pas uniquement à la protection contre l’inflation dans un portefeuille diversifié. 

Quel a été le rendement de vos fonds en infrastructures, par exemple en 2023. Quel est votre track-record ces dernières années?

W.K. Nous ne pouvons indiquer le rendement. Ce dernier doit être mis en relation au risque. Mais les résultats ont été solides et ils montrent que le facteur de protection contre l’inflation s’est vérifié. Les infrastructures ont répondu à leurs promesses durant le cycle et sont devenues une classe d’actifs séparée. 

Après la transition énergétique, est-ce que de nouveaux thèmes s’imposent dans les infrastructures?

W.K. Les infrastructures profitent de la tendance à long terme de ce que nous appelons les 3 D, soit Déglobalisation, Décarbonation et Digitalisation. Ces trois thèmes ne peuvent être satisfaits que par un financement public et privé. La décarbonation et la déglobalisation devraient durablement rester des thèmes majeurs. La digitalisation se nourrit de la croissance de nouveaux secteurs dans le traitement des données, comme l’intelligence artificielle. 

Comment évolue l’allocation géographique des vos fonds?

W.K. Nous investissons dans les pays de l’OCDE dans des portefeuilles diversifiés géographiquement en fonction des opportunités. 

Est-ce que vous avez des exemples d’investissements en Europe?

W.K. Nos trois principaux marchés sont l’Australie, l’Amérique du Nord et l’Europe. Nous sommes très actifs en Europe dans le domaine des transports, avec un investissement dans l’Aéroport de Vienne, et dans le déploiement de la fibre optique en Allemagne, avec GlaserfaserPlus, qui est une joint-venture de Deutsche Telekom.

Quels sont les principaux obstacles aux infrastructures? Est-ce que le haut niveau de dette publique pénalise l’expansion des infrastructures?

W.K. Nous investissons au niveau global si bien que nous saisissons les meilleurs opportunités du monde en maintenant un portefeuille équilibré et diversifié. Nous devons rester flexibles. 

Quelle est la taille du marché des infrastructures et son taux de croissance?

W.K. Nous observons une croissance significative des investissements en infrastructures, tant à travers des stratégies de dette que d’actions, et des capitaux déployés dans ce domaine. 

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