Ouvert aux opportunités

Nicolette de Joncaire

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«Les acquisitions font partie intégrante de notre agenda», affirme Marcos Esteve, CEO de Banque Heritage.

© Patric Pop Photo Geneve

Créée pour répondre aux besoins de deux familles d’entrepreneurs active dans le négoce des produits agricoles, la Banque Heritage, fusion de l’ancienne Banque Heritage (famille Esteve) et de Sallfort PrivatBank (famille Barth) compte une équipe de près de 120 collaborateurs répartis entre le siège de Genève et des bureaux à Bâle, Sion et Zurich. Avec des encours de l’ordre de 5 milliards de francs, la banque gère le patrimoine de ses propriétaires auxquels se sont joints d’autres clients partageant des caractéristiques et des valeurs communes. La robustesse de ses fonds propres a permis à Banque Heritage de se positionner en consolidateur sur un marché financier suisse soumis à l’incertitude depuis la crise financière de 2008. Avec la reprise d’une partie de la clientèle de la Bank Frey en 2014, celle de l’entité genevoise de Standard Chartered ainsi que de la Banque Hottinger en 2015 et, finalement, la fusion entre Banque Heritage et Sallfort PrivatBank en 2018. D’autres opérations sont possibles car la crise du Covid-19 ne parait pas avoir tiédi l’enthousiasme de sa direction. Conversation avec Marcos Esteve, CEO, et Jean-Christophe Rochat, CIO.

Comment la Banque Heritage a-t-elle traversé la délicate étape du confinement?

Sans grande difficulté sur le plan opérationnel. Dès le 9 mars, nous étions prêts et, sans délai, plus de la moitié de notre personnel a été en mesure de travailler de la maison. Nos locaux étant particulièrement vastes, pour ceux qui ont continué à se rendre au bureau, il n’y a eu aucune difficulté à appliquer une distanciation sanitaire efficace.

Et sur le plan de vos portefeuilles?

Nous étions assez pessimistes en début d’année et estimions que les actions étaient déjà largement surévaluées ce qui nous avait conduit à liquider une partie de notre exposition en actions au sein de nos portefeuilles. En conséquence, le bilan est bon. Nous avons réussi à surfer la vague de la chute puis du rebond et, à ce jour, la performance en dollars des portefeuilles discrétionnaires est positive; celles en euros et en francs suisses ne devrait pas tarder à l’être également si le momentum observé sur les marchés reste intact. Il parait que nous nous plaçons aujourd’hui dans le premier quintile en comparaison à nos pairs. Il faudra cependant continuer à être très attentif: la volatilité reste forte et le demeurera jusqu’aux élections américaines.

En ce qui nous concerne les revenus fixes,
la solution est ailleurs: dans la dette privée.
Que pensez-vous de l’univers obligataire actuel?

Il est extrêmement difficile à aborder. Les titres de qualité n’offrent que très peu de rendement et les obligations à haut rendement sont de plus en plus périlleuses. La vague de défauts ne se fera pas attendre. En ce qui nous concerne les revenus fixes, la solution est ailleurs: dans la dette privée.

Comment vous y positionnez-vous?

Sur des entreprises de petite taille, au sein du tissu économique proche, en Suisse ou en France. Avec des transactions de dimension modeste mais très rentables car les sociétés que nous finançons jouissent de marges exceptionnelles. Ce fut le cas, par exemple, lors de de notre collaboration avec la société française Groupe WS. Il y a plusieurs avantages à cette approche. En premier lieu, les besoins des entreprises correspondent à nos capacités de financement et nous pouvons prendre le temps d’apprendre à les connaitre à fond avant de nous engager. Ensuite, étant donné l’envergure modeste des transactions, nous y jouons un rôle majeur qui nous met en excellente position vis-à-vis de l’emprunteur. Nous pouvons ainsi nous assurer que l’entreprise n’ira pas s’engager ailleurs, et si elle devait le faire, ce ne serait pas au détriment des capitaux que nous-mêmes et nos clients lui ont avancés.

Avez-vous eu des difficultés à convaincre vos clients de s’engager sur ce type d’investissement?

Au début, il y a quelques années, il a fallu faire œuvre de persuasion. Ce n’est plus le cas. L’excellence des résultats a convaincu les plus réfractaires. Qui sont aujourd’hui demandeurs.

Nous pouvons nous permettre d’envisager des acquisitions
si l’opportunité correspond à notre culture.
La Banque Heritage est célèbre pour la qualité de ses fonds de fonds alternatifs. Qu’en est-il aujourd’hui?

En 2008, nous avons été victimes de notre succès. Avec un track exceptionnel et aucune position malsaine, nos fonds ont fait partie des rares véhicules encore liquidables à l’époque, ce qui a conduit à réduire fortement nos encours. Aujourd’hui nous ne proposons qu’un unique fonds de fonds dont Banque Heritage partage la gestion avec le plus grand succès avec Fundana. Le véhicule inclut une douzaine de fonds sous-jacents et, grâce à un biais actions US et technologie, obtient cette année des résultats remarquables. L’une des particularités du mécanisme de sélection des sous-jacents est que les gestionnaires du véhicule sortent de tout fonds dont la taille devient trop importante. Car, comme vous le savez, généralement, la performance d’un hedge fund tend à décroitre inversement de sa taille. Plus un fonds est grand, moins il génère d’alpha.

Fin 2018, Banque Heritage a fusionné avec Sallfort Privatbank. Comment s’est déroulée l’intégration?

Comme vous le savez peut-être, notre famille appartient à l’univers du négoce des produits agricoles. C’est également le cas des propriétaires de Sallfort Privatbank, la famille Barth qui est la référence des acteurs de la filière du houblon. Cet héritage commun nous a permis d’intégrer les deux entités sans déperdition de valeur. Nous n’en étions pas à notre coup d’essai: en 2014, nous avions repris une partie de la clientèle de la Bank Frey et en 2015, l’entité genevoise de Standard Chartered ainsi que la Banque Hottinger. L’ensemble de ces transactions s’est bien déroulé et nous a été bénéfique.

Vous vous positionnez donc en consolidateur sur un marché qui semble en avoir besoin?

Etant très bien capitalisés, nous pouvons nous permettre d’envisager des acquisitions si l’opportunité correspond à notre culture, qu’il s’agisse de gérants indépendants ou de banques. J’irai même plus loin: les acquisitions sont partie intégrante de notre agenda.

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