«Nous aimons agir de façon anticyclique»

Philippe Rey

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Manuel Bottinelli et Adrian Lechthaler, spécialistes des small & mid cap suisses chez Peter J. Lehner & Partner, dévoilent leurs préférences actuelles.

Manuel Bottinelli et Adrian Lechthaler, gérants de portefeuilles.

 

Dans un marché suisse des actions en sensible hausse cette année, plusieurs situations demeurent intéressantes, dont Compagnie Financière Tradition (CFT), selon Adrian Lechthaler et Manuel Bottinelli, gérants de portefeuilles chez Peter J. Lehner & Partner.

Qu’avez vous acheté récemment?

Belimo, Bossard, Dätwyler, Komax ou Schindler. Nous sommes des stockpicker qui se comportent de façon anticyclique. Nous aimons acheter quand les prix sont plus bas. Nous avons tiré profit d’un recul des cours pour entrer dans des sociétés qui bénéficieront d’une meilleure conjoncture, en particulier Bossard Dätwyler et Komax.

Nous avons par ailleurs commencé à acheter SIG Group. Son modèle d’affaires défensif est fortement générateur de cash-flow. SIG opère dans une structure oligopolistique qui est liée à l’industrie agroalimentaire où nous voulions investir de façon sélective.

Nous avons également bénéficié d’une baisse du cours pour augmenter la position Ems-Chemie. C’est une excellente entreprise. Son management agit avec clairvoyance et a investi dans des nouveaux produits ces dernières années. De surcroît, le leader mondial des polymères haute performance a agrandi ses propres capacités de stockage et investi dans ses forces de vente.

Sa marge de cash-flow libre correspond à 20% du chiffre d’affaires. Ses capacités d’innovation et de livraison devraient lui permettre de continuer à gagner des parts de marché tout en gardant une rentabilité élevée. A l’image de Belimo notamment.

Belimo n’est-elle pas trop fortement valorisée par le marché?

C’est une société de grande qualité qui correspond à un «buy and hold» classique. La tendance à long terme des ventes et des marges demeure haussière dans les domaines essentiels de l’efficience énergétique ainsi que du confort et de la sécurité dans le bâtiment.

De 2004 à 2023, le taux de croissance annuel moyen du chiffre d’affaires net a atteint près de 10% en monnaies locales. Parallèlement à une progression linéaire du bénéfice opérationnel en pourcentage du chiffre d’affaires net. Le retour sur capitaux investis (ROIC) avoisine 25%. Le cash-flow opérationnel et le cash-flow libre vont également crescendo.

En outre, Belimo, qui est peu endetté, opère à l’échelle mondiale. Les solutions de retrofit et produits de remplacement représentent environ 60% de son chiffre d’affaires, ce qui lui confère une grande robustesse.

«Du début 1997 à fin mars 2024, Le rendement total de l’action CFT a atteint 17,4% par an.»

Compagnie Financière Tradition, votre seul titre financier, est une de vos grosses positions…

CFT, qui est un intermédiaire financier spécialisé, donc moins risqué qu’une banque, évolue dans un contexte de normalisation de la politique monétaire des banques centrales, avec une hausse taux d’intérêt intervenue entre-temps. Sa rentabilité progresse.

De plus, CFT maintient son attention sur la solidité de son bilan axé sur des fonds propres importants tout en minimisant les actifs intangibles ainsi qu’une forte position de trésorerie nette. Le cash-flow d’exploitation se révèle considérable.

Du début 1997 à fin mars 2024, le rendement total de l’action CFT, avec les dividendes réinvestis dans des actions, a atteint 17,4% par an. C’est une performance impressionnante. Le conseil d’administration a été en partie renouvelé.

Quid de TX Group?

Une entrée en Bourse de la coentreprise SMG Swiss Marketplace Group (Homegate, ImmoScout 24, Ricardo, etc.), dont TX Group détient 31%, est possible d’ici 2026. Nous estimons qu’une valeur d’entreprise de 2,5 milliards de francs peut être atteinte pour SMG, soit 70 francs proportionnellement par action TX Group. Compte tenu des autres activités et actifs de ce dernier, nous estimons à 200 francs au moins la valeur intrinsèque par action.

Parmi les baisses survenues en Bourse figurent notamment Schweiter Technologies et Stadler Rail. Sont-ce des opportunités?

Nous avons Stadler Rail sur le radar. Le fabricant de véhicules ferroviaires a plusieurs éléments négatifs qui s’atténuent, dont les prix des matières premières et l’appréciation du franc. Les capacités ont été agrandies. Par surcroît, Stadler Rail n’a pas de restructuration devant lui, comparativement à Alstom. Son carnet de commandes est plein pour plusieurs années dans un secteur à forte croissance structurelle.

Ses dirigeants peuvent ainsi se concentrer à fond sur l’excellence opérationnelle. Ses revenus du service augmentent, de même que ceux issus de l’activité signalisation qui est encore à un stade embryonnaire. La valeur boursière actuelle de Stadler Rail est intéressante.

Quant à Schweiter Technologies, à savoir 3A Composites, sa valorisation est basse: un ratio valeur d’entreprise/excédent brut d’exploitation (EV/EBITDA 2025e) d’environ 5 ainsi qu’un ratio price-to-book de 0,8 et price-to-sale de 0,5. Cependant, cette entreprise se révèle cyclique dans un domaine où les barrières d’entrée sont relativement basses.

«Nick Hayek ne considère pas les actionnaires minoritaires comme des partenaires.»

L’action Barry Callebaut a aussi souffert. Avez-vous profité de ce recul?

Non, car différents risques, dont climatiques et politiques, affectent le prix de la fève de cacao. D’autre part, le chocolat n’est pas un bien alimentaire essentiel. Et nous sommes d’avis que le potentiel dans les pays chauds est limité.

En examinant le free cash-flow de Barry Callebaut, on voit que la marge n’a jamais été haute, mais de quelques pourcents seulement. Finalement, l’intensité en capital est considérable. S’agissant du secteur alimentaire ou d’activités qui lui sont liées, nous préférons SIG Group à Barry Callebaut.

Swatch Group paraît aussi très bon marché…

La valorisation actuelle paraît très attractive, tant d’un point de vue de la rentabilité courante que de celui du bilan; mais c’est sans compter que son CEO, Nick Hayek, ne considère pas les actionnaires minoritaires comme des partenaires, ce qui est dissuasif. Il se peut toutefois que Nick Hayek crée la surprise, susceptible de revaloriser fortement ce leader de l’industrie horlogère et des systèmes électroniques.  

Avez-vous le leader mondial des soupapes à vide VAT en portefeuille?

Oui, mais nous avons un peu réduit cette position. Nous avons par ailleurs vendu le fabricant de capteurs Sensirion.