Ninety-Six Partners, établissement financier autorisé par la Finma pour la gestion de fortune, lance une activité d’Asset Servicing & Consulting. Dans ce cadre, la société recrute deux personnalités: Jérôme Moser nommé Directeur de l’Asset Servicing & Consulting, et Guillaume Wegmuller qui occupera le poste d’Adjoint au service. Ces nominations prendront effet dès le 1er mars 2025. Selon le communiqué publié jeudi, ce pôle aura pour mission «d’accompagner particulièrement des gérants indépendants, des banques de taille moyenne ou des family offices dans le marketing et la promotion de fonds, et dispensera des conseils stratégiques aux institutions financières notamment en matière de structuration organisationnelle, d’optimisation de processus opérationnels, d’infrastructures technologiques, de gestion des risques ou encore d’adaptation aux évolutions réglementaires».
Jérôme Moser bénéficie de près de 30 ans d’expérience bancaire en Suisse et à l’international. Après avoir démarré auprès de SBS, il a travaillé pour UBS, SIX Group, puis Edmond de Rothschild, en tant notamment que responsable risques et contrôle interne, et Credit Suisse, en tant que responsable pour la Suisse romande pour la clientèle des institutions financières. Il apporte une expertise dans le domaine des fonds, de leur distribution et de leur marketing, et dispose également d’un savoir-faire dans les activités de conseil en M&A, de valorisation d’entreprise, de modèles opérationnels et technologiques ou encore de gestion des risques. Jérôme Moser répond aux questions d’Allnews:
«Ce n’est pas une start-up mais une société établie depuis 30 ans qui fait évoluer son modèle d’affaires avec ses trois pôles»
Pourquoi avez-vous quitté un établissement financier très connu pour une PME de la finance?
L’aspect entrepreneurial m’a convaincu ainsi que les possibilités offertes par une société de taille humaine. Une telle entreprise peut être agile et elle permet d’interagir sur de nombreux sujets (opérationnels et transverses). Les grands établissements souffrent souvent d’une structure en silos. J’amène mon réseau romand, alémanique et international à Ninety-Six Partners pour le conduire au succès.
Pourquoi un gérant de fortune tel que Ninety-Six Partners s’intéresse-t-il à l’Asset Servicing?
Ninety-Six Partners n’est pas seulement un gérant indépendant. La société a débuté en 1996 avec une activité de Consulting bancaire pour des entrepreneurs et des décideurs de la finance. C’est une société financière au bénéfice d’une gamme élargie de services, d’expertise et de conseils. Depuis 30 ans, elle accompagne les besoins des professionnels de la finance.
Ces dernières années et derniers mois, nous avons identifié un besoin croissant d’expertise dans l’Asset Servicing et le Consulting, en réponse à la complexité des exigences réglementaires et à la nécessité des gérants indépendants et des banques de petite et moyenne taille (2 à 20 milliards d’actifs) à optimiser leur structure opérationnelle.
Quel est votre atout par rapport à la concurrence dans l’Asset Servicing et le Consulting?
Le renforcement de cette activité par le développement d’un nouveau pôle d’actifs traduit une évolution naturelle et désirée par notre actionnariat. Nous nous adressons ici à la clientèle B2B, alors que le pôle Wealth Management porte sur le B2C. Nous visons les petites et moyennes banques, les gérants indépendants, les gérants d’actifs et les family offices.
Il importe de distinguer entre le Consulting et l’Asset Servicing. Au sein de ce dernier, notre ambition est d’être reconnu par des acteurs établis, notamment genevois, qui ont besoin de conseils dans l’activité de marketing et de promotion de fonds de tiers. Concrètement, par rapport à des acteurs de niche tels que S&F à Morges, nous souhaitons nous concentrer sur une partie de l’Asset Servicing. Nous pensons à des gérants indépendants pour la gestion individuelle, en particulier pour les enjeux opérationnels en lien avec l’OPP2.
Qu’en est-il de l’aspect Consulting?
Certaines institutions financières, au sens large, ne souhaitent pas forcément utiliser les services des grands cabinets d’audit sur certains dossiers parce que ces derniers sont déjà leurs organes de révision ou agissent comme auditeurs interne. Quand un gérant indépendant ou une petite banque affronte des défis opérationnels, il ne va pas nécessairement les exposer à son auditeur. Nous souhaitons dans ce cas offrir des conseils stratégiques en matière de structuration opérationnelle, d’optimisation des processus opérationnels (front to back), au niveau des infrastructures technologiques (cloud, cybersécurité, core banking system, gestion des risques, adaptation réglementaire).
Notre atout se situe dans la taille humaine, par rapport aux grands réviseurs, d’être agile, flexible et réactif quel que soit le type de mandat.
L’obtention de la licence Finma a permis le déploiement d’Investment Solutions au sein du pôle Wealth Management chez Ninety-Six Partners. C’est un pivot important comme le second pôle, Wealth Solutions (solutions pour la prévoyance privée et professionnelle). Cette évolution se fait en parallèle avec les activités historiques de la société dans le Consulting à travers ce troisième pôle d’Asset Servicing & Consulting.
Est-ce que vous partez de zéro?
J’ai travaillé dans plusieurs grands établissements, en Suisse et à l’international, et j’ai toujours été dans l’activité institutionnelle ou Corporate. J’ai notamment développé l’activité B2B pour une clientèle institutionnelle (banques, caisses de pension) si bien que mon réseau de C-level ou décideurs est assez étoffé.
«Notre ambition est d’être reconnu par des acteurs établis, notamment genevois, qui ont besoin de conseils dans l’activité de marketing et de promotion de fonds de tiers».
Nos prestations de consulting sont destinées à des professionnels du secteur et effectuées par des professionnels de ce même secteur. Dans d’autres situations, il arrive fréquemment que le mandat soit traité initialement par un professionnel expérimenté puis délégué à des jeunes employés. Nous insistons sur cet aspect de séniorité dans la gestion de certains projets, qu’ils soient courts ou longs, alors que les Big Four s’engagent sur des mandats plus longs.
Un autre atout se situe dans la neutralité de notre conseil. Si une banque réfléchit à un changement de système bancaire, elle ne sera pas incitée à exposer ses problèmes à un auditeur.
Existe-t-il un fort besoin de marketing de nouveaux fonds?
Nous nous concentrons plutôt sur les fonds existants de gérants indépendants qui souhaitent s’organiser sur les plans de l’administration et du marketing compte tenu de la lourdeur de ces tâches. Un gérant indépendant ou une petite banque qui souhaite lancer un nouveau fonds s’adresse plutôt à un établissement bancaire de grande taille ou à S&F.
Quelles activités de Ninety-Six Partners sont déjà rentables?
Les comptes 2024 ne sont pas encore bouclés. Les deux pôles de Wealth Management et de Wealth Solutions sont déjà rentables, le second l’étant davantage pour des raisons historiques.
Ninety-Six Partners apporte de la compétence dans chaque domaine d’activité, du marketing de fonds au Consulting. Il existe des conseillers externes qui fonctionnent très bien, mais ici nous profitons d’une structure bien établie et potentiellement nous pouvons faire du cross-selling entre le Wealth Management, le Wealth Solutions et le nouveau pôle d’Asset Servicing. Dans ce contexte, mon arrivée s’inscrit dans une feuille de route très claire, établie par ses actionnaires et son administrateur-délégué Alexandre Michellod, avec qui j’ai travaillé chez Edmond de Rothschild.
L’Asset Servicing est-il un marché de volume?
Nous ne souhaitons pas entrer en concurrence avec les grands acteurs de l’Asset Servicing traditionnel tels qu’UBS ou les grandes banques privées. Aujourd’hui, les frais et droits de garde sont bas et une banque cantonale se révèle très agressive avec des frais entre 2 et 4 points de base. Les marges sont sous pression. Ces banques offrent des services de Global Custody avec des solutions d’administration et d’analyse pour les clientèles institutionnelles et UHNWI. Nous intervenons plutôt dans la partie des fonds de tiers et de marketing, ce qui n’est qu’une partie de Solutions & Funds. En effet, l’Asset Servicing a davantage besoin de volume d’activité que d’autres lignes de métier telles que le Wealth Management parce que les marges sont faibles et sous pression pour les actifs traditionnels (actions, obligations), à la différence des hedge funds, du private equity ou de l’immobilier.
Nous souhaitons être un acteur de niche et intervenir notamment dans le marketing et la promotion de fonds. Les gérants indépendants ont ainsi la possibilité de se diversifier et mutualiser des structures opérationnelles.
Avez-vous un exemple?
Un gérant indépendant qui souhaite débuter dans le libre-passage mais qui n’est pas un expert de la prévoyance professionnelle peut agir en tant que conseiller à travers un gérant de fortune qui a été préalablement agréé par une fondation de libre-passage (lemania, Ninety-Six Partners ou autre). Ce gestionnaire peut reprendre un univers de placement avec un large panel de fonds, se concentrer sur le conseil, avec un mandat de conseil par rapport au gérant de fortune. Cette structure lui apporte des solutions et des avantages en termes de processus administratifs et de Reporting pour des fonds existants. A l’inverse, S&F intervient pour de nouveaux fonds.
Comment intégrez-vous l’automatisation et l’intelligence artificielle?
Nous utiliserons l’IA générative sur certains mandats. Le reste étant principalement mais pas uniquement notre savoir-faire. Dans l’Asset Servicing, nous analysons les potentialités en termes de processus opérationnels pour les offrir notamment à des gérants indépendants. Le sujet est très actuel dans les banques.
Quelle est la prochaine étape de votre développement?
Le plan stratégique et les milestones franchis jusqu’ici m’ont convaincu que les projections faites pour 2030 sont tout à fait atteignables. Ninety-Six Partners bouclera ses comptes 2024 à nouveau de manière positive. Ce n’est pas une start-up mais une société établie depuis 30 ans qui fait évoluer son modèle d’affaires avec ses trois pôles. Le nouveau pôle est prometteur. Le but est d’être rentable sur chaque pôle à la fin 2025.
Quelle est votre opinion sur le développement de la place financière suisse?
La débâcle de Credit Suisse a clairement été une mauvaise nouvelle pour la place suisse. Le maintien de l’entité suisse du groupe aurait été souhaitable pour l’économie du pays et notamment pour les entreprises. Ces développements ont conduit à une redistribution des cartes et des parts de marché notamment pour la clientèle institutionnelle et les entreprises. Le choix de cette dernière clientèle, notamment celle des caisses de pension, s’est nettement réduit. Les grandes caisses de pension manquent d’alternatives.
Certaines entreprises helvétiques, notamment exportatrices, ont davantage de peine à trouver certains types de refinancement et si elles en trouvent, les conditions sont beaucoup moins attractives. La situation devient problématique dans des dossiers de crédit malgré le fait que quelques autres banques augmentent leurs activités avec la clientèle entreprises.
Globalement l’année 2024 a été positive pour la place bancaire suisse. La situation géopolitique reste tendue. Et les institutions financières (petites banques, gérants indépendants, gérants d’actifs) affrontent de nombreux défis, de la réglementation à la revue des segments de clientèles peu rentables ou encore des défis opérationnels et informatiques.