Les produits structurés s'adaptent à toutes les configurations

Yves Hulmann

3 minutes de lecture

Pour Markus Pfister, président de la SSPA, l’environnement actuel caractérisé par une volatilité élevée et des taux bas reste toujours attrayant.

En 2020, les émetteurs de produits structurés ont tiré parti de la volatilité élevée sur les marchés. Quelles sont les perspectives pour l’année 2021? Entretien avec Markus Pfister, président de la Swiss Structured Products Association (SSPA).

En 2020, le chiffre d’affaires réalisé par les produits structurés des principaux membres de la SSPA s’est établi à 368 milliards de francs, en hausse de 4% par rapport à l’année précédente. En comparaison annuelle, la hausse des volumes a été particulièrement marquée en mars et avril, grâce à la volatilité élevée sur les marchés. En revanche, le chiffre d’affaires au quatrième trimestre 2020 s’est inscrit en recul de 8% par rapport à la même période de 2019. Sur cette base, les émetteurs de produits structurés doivent-ils craindre des marchés trop calmes en 2021?

En comparaison de la période de mars et d’avril 2020, on pourrait avoir l’impression que les marchés ont été calmes ces derniers mois. Mais c’est loin d’être le cas si l’on effectue la comparaison avec les quelques années précédentes. On peut ainsi estimer que l’environnement de marché, caractérisé par une volatilité élevée et des taux bas, reste toujours attrayant pour les produits structurés. Le fait qu’il y ait un certain mouvement sur les marchés est positif pour les émetteurs de produits structurés.

«Nous avons développé en collaboration avec l’Université de Zurich
un nouvel outil de simulation appelé SSPA Lab».
La hausse des produits de levier («Leverage»), qui ont représenté en 2020 une part de 27% de l’ensemble du chiffre d’affaires réalisé comparé à 18% en 2019, est aussi un élément frappant qui ressort des statistiques de l’an dernier. Cela signifie-t-il que les clients sont toujours plus enclins à prendre des risques?

En ce qui concerne l’usage des warrants et d’autres produits de levier, il peut y avoir différentes raisons de les utiliser. Certains investisseurs achètent des options put dans le but de protéger leur portefeuille en cas de baisse des marchés. D’autres clients utilisent des instruments avec levier au contraire dans le but de profiter plus que proportionnellement d’une phase de rebond des marchés, comme cela a été le cas en mars. Il peut y avoir différentes raisons et différentes manières d’utiliser la grande variété de produits avec levier.

Malgré le haut degré d’incertitude qui a prévalu sur les marchés tout au long de l’an dernier, les produits de protection du capital («Capital protection») ont, eux, représenté une part inchangée de 13%. Les investisseurs ne ressentent-ils pas le besoin de protéger leur portefeuille?

Il y a certains aspects d’ordre technique qui ont rendu la situation difficile pour les produits de protection du capital. Ceux-ci reposent sur deux composantes: un produit à revenu fixe plus une option call. Or, étant donné que les taux d’intérêt sont extrêmement bas sur les marchés, il est difficile d’obtenir une protection complète de 100%. Il serait en revanche plus facile de proposer des niveaux de protection à 95% ou à 90%. Toutefois, dans les faits, on observe que les clients intéressés par une protection en capital souhaitent des produits garantis à 100% - et pas seulement à 95%. C’est souvent tout ou rien dans ce domaine.

«Les caisses de pension ont vraiment aujourd’hui
toutes les données à leur disposition pour calculer ces coûts.»
Depuis des années, la SSPA s’efforce de rendre les produits structurés plus accessibles pour le grand public, par exemple en mettent à disposition des outils tels que la «derivative map». Pensez-vous que leur usage va davantage se démocratiser à l’avenir ou les produits structurés resteront-ils plutôt réservés aux professionnels de l’investissement?

Notre objectif est de faire de sorte que les produits structurés s’adressent à toutes les catégories d’investisseurs, aussi bien dans le domaine «retail» que du côté des investisseurs institutionnels. Maintenant, on ne peut pas proposer des produits à des clients qui ne se préoccupent pratiquement jamais de l’évolution des marchés des capitaux de la même manière qu’à des professionnels qui travaillent pour des caisses de pension, par exemple. Malgré tout, les possibilités offertes par des outils numériques innovants peuvent faciliter la tâche aux investisseurs. Nous avons par exemple développé en collaboration avec l’Université de Zurich un nouvel outil de simulation appelé «SSPA Lab». Celui-ci permet, par exemple, de comparer quelle aurait été l’évolution de votre investissement dans une action, d’un indice ou une catégorie d’actifs à l’aide d’un produit structuré par rapport à un placement direct dans les sous-jacents correspondants dans telle ou telle configuration de marché.

Faut-il avoir des connaissances spécifiques pour utiliser cet outil?

Non, je pense que tout en chacun peut l’utiliser. Par exemple, un investisseur peut comparer l’évolution d’un «Barrier Reverse Convertible» incluant une action du SMI avec le titre lui-même.

«Les émetteurs de produits structurés peuvent réagir beaucoup plus vite
que les fonds classiques lorsqu’il s’agit de s’intéresser à une thématique donnée.»
La SSPA a aussi développé des solutions destinées aux caisses de pension. La difficulté à évaluer les coûts exacts des produits structurés n’est-elle pas un frein pour leur usage dans le domaine de la prévoyance professionnelle?

Non, car il est possible pour un investisseur de connaître exactement quels sont les coûts de ces produits. Désormais, un investisseur peut calculer exactement quels sont les coûts au moment de l’achat, pendant la durée de vie du produit et au moment de la sortie. Les caisses de pension ont vraiment aujourd’hui toutes les données à leur disposition pour calculer ces coûts. Et c’est de toute façon aussi dans l’intérêt des émetteurs de présenter les coûts de la manière la plus transparente et exacte possible.

Tout le monde parle de durabilité aujourd’hui. Les produits structurés intègrent-ils les aspects ESG à leur tour?

Il y a beaucoup d’initiatives prises par l’industrie qui vont dans ce sens. Par ailleurs, les placements durables font déjà partie de l’offre des produits structurés via les investissements thématiques. Certains filtres ESG sont appliqués en amont de la sélection des titres. De plus, aujourd’hui, il est possible d’investir dans tous les domaines possibles via des produits structurés thématiques. Que vous vous intéressiez à l’hydrogène, au solaire ou à n’importe quel autre thème, le rendement obtenu par rapport au risque encouru est plus élevé en achetant des paniers de titres plutôt qu’en acquérant soi-même des titres individuels. En outre, les émetteurs de produits structurés peuvent réagir beaucoup plus vite que les fonds classiques lorsqu’il s’agit de s’intéresser à une thématique donnée.

A lire aussi...