Les perspectives de croissance des bénéfices restent positives pour 2025

Yves Hulmann

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Pour Daniel Morris de BNP Paribas Asset Management, la stagflation est un risque à considérer. Malgré tout, l’économie mondiale continue de croître.

Les marchés ont poursuivi leur dégringolade en fin de semaine dernière suite aux annonces concernant les droits de douane communiquées le 2 avril par l’administration Trump. Quelles sont les implications à attendre sur le plan macro-économique et pour les marchés de l’avalance de tarifs douaniers qui seront appliqués par les Etats-Unis et des possibles mesures de rétorsion susceptibles d’être mises en place par d’autres pays? En dépit de l’aggravation des tensions commerciales ce printemps, il ne faut pas perdre de vue que l’économie mondiale n'est pas en récession et que les bénéfices des entreprises continueront de croître cette année, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, met en perspective Daniel Morris, stratège en chef (Chief Market Strategist) chez BNP Paribas Asset Management. Entretien.

En mars, la Fed avait laissé ses taux directeurs inchangés, évoquant une incertitude inhabituellement élevée. La banque centrale a aussi revu à la baisse sa prévision de croissance et rehaussé celle concernant l’inflation. De quelle manière, les annonces en matière de droits de douane et les décisions communiquées le 2 avril par l’administration Trump affecteront-ils la politique monétaire de la Réserve fédérale et les marchés au cours des prochains mois?  

Si l’on fait un pas en arrière en fin d’année dernière et que l’on se souvient des attentes qui étaient alors formulées pour l’année 2025, on peut observer que l’évolution actuelle concernant la croissance et l’inflation aux Etats-Unis n’est pas si différente de ce qui était anticipé il y a quelques mois. Nous anticipons toujours un scénario de «soft landing» pour cette année. Même en l’absence des annonces relatives aux droits de douane, on pouvait s’attendre à un ralentissement de la croissance économique aux Etats-Unis en 2025.

«Aux Etats-Unis, les bénéfices des entreprises devraient progresser de 16% en moyenne en 2025 comparé à 2024. En Europe, la croissance des bénéfices devrait atteindre environ 14% cette année.»

Le scénario d’une possible situation de «stagflation» est-il renforcé en raison des incertitudes liées aux droits de douane, susceptibles d’augmenter les prix des produits importés aux Etats-Unis?

La «stagflation» est toujours un risque. En ce qui concerne la partie inflation, il faut bien distinguer entre, d’un côté, l’impact momentané sur les prix causé par l’imposition de droits de douane, qui est de type «one-off», à savoir une augmentation qui intervient une seule fois, et, de l’autre, une tendance inflationniste qui s’inscrit dans la durée. Par exemple, la pandémie de Covid a eu un réel impact inflationniste sur plusieurs trimestres, à cause des perturbations des chaînes d’approvisionnement, en raison des pénuries de personnel causées par le «big quit», etc. L’application de droits de douane n’aurait, elle, pas un tel impact - elle implique une hausse de l’inflation à un moment donné mais pas nécessairement de façon continuelle sur la durée.

«Même en l’absence des annonces relatives aux droits de douane, on pouvait s’attendre à un ralentissement de la croissance économique aux Etats-Unis en 2025.»

Certains experts argumentent que c’est surtout l’incertitude quant à la politique tarifaire réellement mise en oeuvre par Donald Trump qui pénalise le plus les marchés, davantage même que la question de savoir si les droits de douane appliqués sur tel ou tel produit ou tel pays atteindront 10, 15, 20, 25% ou plus. Qu’en pensez-vous?

On ne peut plus parler seulement d’incertitude quant à l’application de droits de douane. C’est maintenant une donnée à intégrer, avec certains ajustements. Néanmoins, encore une fois, cela ne change pas fondamentalement la trajectoire d’inflation que l’on observe depuis quelques mois. En ce qui concerne la BCE, les marchés anticipent toujours que son principal taux directeur soit ramené à 2% en cours d’année (ndlr: 2,5% depuis début mars).

Concernant la politique monétaire de la BCE et les anticipations de croissance en Europe, quel sera l’impact du plan d’investissement géant annoncé outre-Rhin en mars? La remontée spectaculaire des taux pour les emprunts allemands à dix ans - qui sont passés de 2,4% début mars à 2,9% à la mi-mars avant de revenir aux environs de 2,54% début avril - n’a-t-elle pas été une réaction exagérée des marchés?

Il y a souvent des mouvements un peu excessifs qui surviennent sur les marchés lors de telles annonces, qui sont ensuite corrigés par la suite. Sur le fond, le plan d’investissement annoncé en Allemagne est néanmoins vraiment très significatif. Il accroît les perspectives de croissance à long terme pour l’économie allemande. 

Maintenant, il ne faut pas avoir non plus des attentes trop élevées quant à l’impact sur la conjoncture de ce type d’investissements. Dans les infrastructures par exemple, moderniser et améliorer les moyens de transports est positif pour l’économie. Toutefois, l’impact de ces investissements n’est pas comparable à celui que l’on pourrait en attendre dans des pays émergents. L’Allemagne n’est pas l’Inde ni similaire à des pays dont l’économie croît très rapidement. Un réseau ferroviaire fonctionne déjà en Allemagne – c’est bien de le moderniser mais cela ne change pas la donne du tout au tout. Il ne faut donc pas en attendre un effet multiplicateur spectaculaire sur la croissance en Allemagne et en Europe.

«L’application de droits de douane implique une hausse de l’inflation à un moment donné mais pas nécessairement de façon continuelle sur la durée.»

Comment analysez-vous l’écart de performance très marqué entre les actions européennes, en nette progression entre janvier et début avril, et celle des bourses américaines en net repli au cours du premier trimestre?

Cet écart de performance contraste bien sûr avec l’opinion qui dominait en décembre dernier quant à une poursuite de la performance des actions aux Etats-Unis ou au sujet de l’exceptionnalisme américain. Peu de gens auraient osé parier sur les actions chinoises et européennes en fin d'année dernière. C’est pourtant ce qui s’est passé – et le rebond des marchés des actions en Europe devrait se poursuivre.

Quelles sont vos attentes concernant l’évolution des bénéfices des entreprises aux Etats-Unis et en Europe en 2025 et quel sera son impact sur les marchés?

Nous sommes actuellement neutres au sujet des actions mais restons constructifs sur le moyen terme. Dans l’ensemble, il faut garder à l’esprit que les perspectives de croissance des bénéfices restent positives pour 2025. Aux Etats-Unis, les bénéfices des entreprises devraient progresser de 16% en moyenne en 2025 comparé à 2024. En Europe, la croissance des bénéfices devrait atteindre environ 14% cette année par rapport à l’an passé. Aux Etats-Unis, les attentes concernant les bénéfices des entreprises ont été certes légèrement révisées à la baisse – en partant d'un haut niveau. En Europe, elles ont été à l’inverse légèrement révisées à la hausse – partant toutefois d’un niveau plus bas. Un taux de croissance situé dans la partie basse d’un nombre à un chiffre n’est pas si mal d’un point de vue historique. 

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