Les infrastructures offrent une forte protection à la baisse

Yves Hulmann

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Visibilité à long terme et faible volatilité caractérisent le segment «infrastructure core», souligne Hélène Royoux d'Aberdeen Standard Investments.

Dans l’environnement actuel de taux d’intérêt toujours très bas, beaucoup d’investisseurs, notamment les institutionnels, sont à la recherche d’alternative aux placements obligataires. Dans ce contexte, ils se tournent notamment vers les infrastructures, un domaine qui se subdivise en de nombreux segments qui possèdent tous des caractéristiques propres. Explications avec Hélène Royoux, Investment manager, spécialiste des investissements en infrastructures chez Aberdeen Standard Investments (ASI) et qui est en charge du segment appelé «infrastructure core» chez le gérant britannique.

Les infrastructures sont une thématique d’investissement en vogue actuellement. Quelles sont les caractéristiques des placements que vous effectuez dans ce domaine?

La thématique des infrastructures continue effectivement de susciter un grand intérêt auprès des investisseurs. L’environnement actuel de taux d’intérêt toujours très bas oblige en effet les investisseurs à chercher des alternatives aux produits à revenu fixe. De ce point de vue, les investissements dans les infrastructures peuvent offrir des rendements plus attrayants que les obligations «investment grade».

Au sein de la thématique des infrastructures, il existe plusieurs segments différents. Chez Aberdeen Standard Investments, nous nous concentrons avant tout sur le segment dit «infrastructure core». Cette stratégie cible des actifs fournissant des services publics essentiels, avec un risque opérationnel limité et générant déjà des rendements stables à travers une base opérationnelle existante. Ces actifs bénéficient de plusieurs facteurs de soutien à travers des subventions publiques, des mécanismes de régulation pour les actifs en position de monopole naturel ou des contrats à long terme. Ces fortes protections réglementaires et, ou, contractuelles contribuent à réduire les risques encourus et donc à diminuer la volatilité pour les investisseurs. Rendement visible à long terme, protection à la baisse et une faible volatilité sont trois aspects clés qui contribuent à l’attrait de cette classe d’actifs. De plus, ces actifs bénéficient généralement d’une corrélation faible, voire négative avec les marchés publics ainsi que d’une forte protection contre l’inflation.

Les actifs de type «infrastructure core» fournissent généralement des services publics essentiels et bénéficient donc souvent de forts critères ESG.

En termes sectoriels, nous investissons dans l’énergie, les transports, les services publiques ainsi que les télécoms, pour ne citer que quelques exemples. D’un point de vue géographique, nous nous concentrons essentiellement sur l’Europe.

En quoi se distingue le segment appelé «infrastructure core mid-market» des autres placements consacrés aux infrastructures?

Il s’agit d’investissements consacrés à des projets de moyenne taille dont la valorisation est inférieure à un milliard d’euros avec des apports en capitaux propres de moins de 250 millions d’euros.

En raison des grandes quantités de capitaux affluant dans la catégorie d'actifs, nous avons assisté à une augmentation de la concurrence, en particulier pour les transactions de niveau «large cap», soit des valorisations de plus d’un milliard d’euros. Dans ce dernier segment, la forte demande des investisseurs pour des actifs «trophées», combinée à la disponibilité de financements bancaires à taux très faibles, a poussé les valorisations à la hausse et exerce ainsi une pression à la baisse sur les rendements obtenus.

En revanche, le marché «mid cap» offre, lui, toujours de nombreuses opportunités avec un niveau de concurrence plus faible et des opportunités de consolidation permettant aux investisseurs de déployer des capitaux à des prix plus attractifs. Dans le segment «mid market», dans lequel nous sommes spécialisés, il est essentiel de disposer de contacts sur le plan local afin de pouvoir accéder à des actifs en dehors des processus de vente compétitifs – ce qui prend du temps mais permet aussi d’obtenir des rendements plus attrayants.

Pouvez-vous citer des exemples d’investissements récemment réalisés?

Nous avons par exemple investi dans un projet de réseau de fibre-optique en milieu rural au Royaume-Uni bénéficiant de subventions du gouvernement britannique. Nous avons aussi récemment investi dans un réseau d’électricité et de chauffage urbain en Finlande en collaboration avec une municipalité locale finlandaise.

Investissez-vous d’après une allocation sectorielle définie d’avance?

Non, nous ne suivons pas une allocation sectorielle définie d’avance. Nous n’avons pas une approche prescriptive mais plutôt circonstancielle. Nous avons développé une expertise approfondie dans certains secteurs d’une classe d’actifs – entre autres dans le chauffage urbain, les énergies renouvelables (solaire, hydroélectrique), les réseaux régulés de distribution d’électricité et le leasing de matériels roulants («rolling stock»). Cette expertise nous permet de continuer à générer de nombreuses opportunités dans nos secteurs de prédilection tout en diversifiant nos portefeuilles d’actifs à travers des investissements dans de nouveaux secteurs tels que les télécoms.

Il est possible pour une caisse de pension d’investir jusqu’à 10% de son capital dans les infrastructures.

De plus, il arrive souvent qu’une vague de privatisations survienne dans un pays donné, ce qui crée ensuite plusieurs opportunités d’investissement et de consolidation en lien avec un même domaine.

Les aspects de durabilité sont-ils aussi pris en compte dans les investissements en infrastructures?

Absolument, les actifs de type «infrastructure core» fournissent généralement des services publics essentiels et bénéficient donc souvent de forts critères ESG. Plus généralement, il y a une tendance croissante à la prise en compte des critères ESG dans le domaine des infrastructures. Chez Aberdeen Standard Investments, nous intégrons une approche ESG systématique pour chacun de nos investissements à la fois lors de la phase d’investissement et lors de la gestion des actifs post-acquisition. Nous privilégions les actifs bénéficiant de critères ESG inhérents – comme les énergies renouvelables – ou démontrant de fortes possibilités d’investissements sur le court ou moyen terme, comme par exemple le leasing de matériel roulant, le chauffage urbain, la distribution et le stockage ou les télécoms.

Qui investit typiquement dans les infrastructures?

Les investisseurs institutionnels au sens large. Il peut s’agir à la fois de caisses de pension, de fondations, de compagnies d’assurance ou de municipalités.

Quel est l’horizon d’investissement dont il faut tenir compte?

Chez Aberdeen Standard Investments nous avons vocation à conserver nos investissements sur un terme long, en ligne avec leur nature «core». Nos fonds existants ont une durée de 12 ans, à quoi s’ajoutent des options de prolongation par tranches de cinq ans. Cet horizon d’investissement de long terme nous permet de mettre en œuvre une stratégie ESG concentrée sur de la création de valeur pour chacun de nos actifs et est en parfaite adéquation avec les considérations et défis liés aux changements climatiques et à la transition énergétique.

Est-il aussi possible de sortir plus tôt?

Oui, il existe aussi un marché secondaire très actif. On n’observe toutefois très peu de sorties avant l’échéance au sein de nos fonds.

Pour la plupart des investisseurs dans nos fonds, les placements en infrastructures réunissent plusieurs avantages: il s’agit d’investissements de longue durée, offrant des rendements élevés et qui sont caractérisés par une grande stabilité. C’est typiquement ce que recherchent beaucoup d’investisseurs institutionnels.

Quelle est la situation en Suisse pour les investisseurs institutionnels concernant les placements en infrastructures?

Sur le plan réglementaire, un changement législatif récent a accru les possibilités d’investissement dans ce domaine pour les caisses de pension. Avant, les infrastructures entraient dans la part maximale du patrimoine qui pouvait être consacrée aux placements alternatifs, plafonnée à 15% au maximum. Désormais, il est possible pour une caisse de pension d’investir jusqu’à 10% de son capital dans les infrastructures, indépendamment de la part qui a déjà été allouée aux placements alternatifs.

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