Les bureaux du futur devront être plus attrayants

Yves Hulmann

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Pour Sebastian Feix d’AFIAA, investir dans l’immobilier à l’étranger permet de mieux diversifier les risques tout en améliorant les rendements.

En Suisse, la plupart des placements immobiliers sont effectués sur le marché intérieur. Si le marché immobilier de bureau en Suisse a l’avantage de présenter une plus grande stabilité tout au long des cycles conjoncturels, les opportunités d’investissement y sont aussi plus restreintes. Quel est l’attrait d’investir dans des placements immobiliers hors de nos frontières? Entretien avec Sebastian Feix, Head of Transactions International, auprès de la Fondation d’investissement AFIAA.

AFIAA se définit comme un centre de compétences pour les placements immobiliers à l’étranger, qui s’adresse notamment aux institutions de prévoyance suisses. Quelles principales différences y a-t-il lorsque l’on investit dans des placements immobiliers à l’étranger comparé à ceux effectués en Suisse?

Les facteurs qui influencent la valeur sont en grande partie similaires. Que l’on investisse dans de l’immobilier à l’étranger ou en Suisse, l’emplacement est toujours un critère primordial. Un objet bien situé permet de générer des revenus de location plus élevés et une stabilité des loyers sur la durée. Que l’on soit à Rio, à Sydney, à Londres ou à Zurich, l’objectif est toujours d’obtenir de ses biens immobiliers des revenus réguliers sur la durée.

«Le marché immobilier suisse a l’avantage d’être stable mais il est aussi peu
liquide; les possibilités d’investissement y sont relativement restreintes.»
La pandémie de COVID-19 a-t-elle eu jusqu’ici un impact différent en fonction des endroits où vous investissez? 

Si la survenance de la pandémie a été parfois décalée en fonction des continents et des régions, les différences n’ont pas été si grandes en fin de compte. L’impact a certes été plus fort dans les marchés qui sont caractérisés par une plus forte volatilité. A New York ou à Londres par exemple, les fluctuations ont été beaucoup plus marquées que dans les grandes villes en Suisse où le secteur de l’immobilier est traditionnellement plus stable.

Les cycles sont-ils très différents selon les régions – y a-t-il des endroits où l’on peut anticiper une reprise plus rapide de la demande qu’ailleurs?

Après une crise, la reprise varie en fonction de la manière avec laquelle une ville fonctionne et comment elle est organisée. A New York, par exemple, environ 80% des travailleurs se rendent à leur bureau avec les transports publics. Dans un contexte de crise sanitaire, cela rendra la reprise plus difficile. A cela s’ajoute la hauteur des immeubles: à New York, il n’est pas rare pour un employé de devoir monter 50, 60, voire 80 étages pour se rendre à son poste de travail ou à son lieu de réunion! Cela crée de très longues files d’attentes.

C’est très différent des 7 à 8 étages que comptent la plupart des immeubles de bureau dans des villes comme Genève ou Zurich ou dans un grand nombre de villes allemandes. C’est pourquoi il sera, à mon avis, plus difficile de faire revenir les gens à leur bureau à New York ou Londres qu’en Allemagne ou en Suisse. Quand on investit dans des objets immobiliers à l’étranger, il faut tenir compte de tous ces paramètres.

«Je ne crois pas que le ‘home office’ remplacera le bureau. Beaucoup de gens
accordent de l’importance aux échanges réguliers avec leurs collègues.»
Qui sont les investisseurs suisses qui s’intéressent à diversifier leurs placements dans de l’immobilier à l’étranger et quelles sont leurs raisons?

Il y a d’abord l’aspect des opportunités d’investissement disponibles. Le marché immobilier suisse a l’avantage d’être stable mais il est aussi peu liquide; les possibilités d’investissement y sont relativement restreintes. La situation est très différente dans des villes comme Londres, Paris ou Francfort où il y a constamment des objets qui changent de main.

Outre l’aspect de la liquidité, il faut bien sûr aussi considérer la question des prix. La Suisse est souvent considérée comme une valeur refuge mais cela signifie aussi que les points d’entrée intéressants sont relativement rares pour les investisseurs.

Les rendements attendus sur le marché de l’immobilier sont-ils très différents entre la Suisse et l’étranger?

En schématisant, on peut espérer obtenir des rendements des investissements immobiliers à l’étranger de 3 à 4% à l’étranger, contre environ 2 à 3% en Suisse. Il s’agit d’estimations d’ensemble – cela ne dit pas encore si tel ou tel objet sera effectivement aussi rentable. Ce n’est pas tant au niveau de l’amélioration des rendements mais plutôt à celui de la diversification des risques que les investissements immobiliers à l’étranger sont intéressants pour un investisseur suisse.

Qu’en est-il des risques liés aux fluctuations des devises?

On observe deux attitudes chez les investisseurs suisses à ce sujet: d’un côté, il y a ceux qui choisissent de se protéger contre les risques de change, en acceptant aussi les coûts qui s’y rapportent. De l’autre, il y a également des investisseurs qui acceptent consciemment d’encourir les risques liés aux fluctuations des devises. En général, les grandes caisses de pension ont leur propre gestionnaire «overlay» qui s'occupe de la couverture des risques de change. Pour les petits investisseurs qui n'en ont pas, nous proposons des produits de couverture de ces risques.

Quels critères considérez-vous en premier lieu lorsque vous choisissez d’investir dans des objets immobiliers à l’étranger?

Tout d’abord, nous n’investissons que dans des marchés qui présentent une stabilité juridique et où les droits de propriétés sont garantis. Nous pouvons investir en Inde, mais pas encore en Afrique par exemple. S’y ajoutent d’autres critères comme la capacité d’innovation, la qualité des infrastructures dans une ville ou une région donnée, la présence d’universités et bien sûr les prix.

«Les bureaux du futur comprendront davantage d’espaces de rencontre.
Les entreprises devront offrir un cadre plus attrayant à cet égard.»
Quels sont les exemples d’endroits qui réunissent tout ou une partie de ces conditions?

Aux Etats-Unis, l’exemple de Austin, Texas est intéressant. Cette ville a attiré des entreprises comme Amazon, Facebook ou Tesla qui y sont désormais présents. Autre exemple: Boston - Cambridge. Entre les universités du MIT et de Harvard, un cluster bioscience très intéressant s’est développé dans la région reliant ces deux pôles. A Londres, nous avons investi dans le bâtiment 45 Gresham Street à Saint-Paul’s qui a été entièrement restauré de 2018 à 2020. En Australie, nous avons rénové un bâtiment à Sidney de 2017 à 2019. Celui-ci a été complété par de nouveaux équipements (locaux pour vélos, douches, etc.) et ses locaux se présentent sous une forme beaucoup plus espacée et aérée, incluant davantage d’espaces de rencontre notamment.

Il y a actuellement beaucoup de spéculations à propos de ce à quoi ressemblera le bureau du futur à l’ère post-COVID et quant à savoir si le «home office» s’ancrera durablement dans les habitudes du personnel et des entreprises. Quelles sont vos attentes à ce sujet?

On observe certains signaux concernant l’évolution des comportements mais il ne s’agit pas encore de tendances univoques. Les bureaux du futur comprendront certainement davantage d’espaces de rencontre. Les entreprises devront offrir un cadre plus attrayant à cet égard: quand un employé veut être au calme, il préfère travailler à domicile s’il en a la possibilité; pour le travail qui nécessite en revanche plus d’échanges, il faudra que les employeurs conçoivent des espaces attrayants ou le personnel peut se rencontrer. Personnellement, je ne crois pas que le «home office» remplacera le bureau. Beaucoup de gens accordent de l’importance aux échanges réguliers avec leurs collègues.

Par ailleurs, l’accent sera moins placé sur la densification du nombre de postes de travail. Jusqu’au début des années 2000, la moyenne des surfaces mises à disposition se situait aux environs de 20 m2 par collaborateur, une moyenne qui a diminué jusqu’à seulement 8 m2 en 2019 avant la pandémie. La tendance à vouloir concentrer toujours plus de collaborateurs dans toujours moins d’espace est certainement déjà arrivée à son terme.

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