Les beaux jours ne sont pas révolus

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

«Nous pensons pouvoir jouer un rôle positif dans la consolidation du secteur de la gestion à Genève» affirme Steve Smith de CdR.

Quand Steve Smith et Omar Ayache ont fondé CdR Capital en 2012, c’était avec la ferme conviction que les beaux jours de la gestion de fortune suisse étaient loin d’être révolus. Venus de la même Alma Mater (Cambridge) mais de formations bien différentes, les deux associés combinent expertise juridique et ingénierie. Ils ont aussi en commun leurs années passées chez SBC-O’Connor et une volonté d’allier le meilleur des techniques bancaires anglo-saxonnes aux qualités de la banque privée suisse. Entretien avec Steve Smith. 

Pourquoi avoir ouvert CdR et pourquoi en Suisse?

L’idée nous en est venue en 2008 lorsque les investisseurs ont exprimé de plus en plus fréquemment une volonté de s’adresser à des conseillers indépendants pour éviter les conflits d’intérêt. Aujourd’hui, les individus fortunés ont, certes, plusieurs banques mais également, au minimum, un expert affranchi de l’obédience au milieu bancaire traditionnel. Mon associé et moi-même venions l’un et l’autre de la gestion du risque à l’anglo-saxonne mais sentions qu’il y avait réellement une place pour associer notre expérience avec une approche plus traditionnelle de la banque privée suisse. C’est ainsi que nous avons ouvert CdR en 2012, à une époque où un certain nombre de banques anglaises ou américaines ont fermé leurs antennes ici, ce qui nous a permis de recruter énormément de talents. 

«Diversifier la clientèle représente un coût mais nous l’avons
largement amorti en investissant dans les process et l’exécution.»
Où estimez-vous que sont vos points les plus forts?

En raison de notre historique, notre domaine d’expertise est, en premier lieu, la construction de portefeuilles, avec un talent particulier pour la gestion de la volatilité. La plupart d’entre nous vient du trading et de la gestion d’actifs et nous possédons de solides compétences dans les hedge funds et le private equity. 

Comment votre clientèle est-elle composée?

Au départ, nous servions des clients institutionnels et de grosses fortunes familiales. Mais la concentration de nos encours dans quelques mains, notamment au Moyen-Orient, nous préoccupait et nous nous sommes appliqués à diversifier notre base, essentiellement vers une clientèle d’entrepreneurs et de professionnels de la finance. Partis d’une dizaine de clients, nous en comptons aujourd’hui plus de 120 pour un total d’encours gérés de l’ordre de 2 milliards de dollars. Certes, diversifier la clientèle représente un coût mais nous l’avons largement amorti en investissant dans les process et l’exécution. N’oubliez pas que la finance est largement de nos jours un métier de tech qui permet d’importantes économies d’échelle. Dans un sens, entre la gestion quantitative faite à Londres et l’automatisation des processus de HR, d’exécution, de garde et de consolidation des comptes, nous sommes une société hybride, entre la tech et la finance – sans toutefois être une fintech car l’humain reste au cœur de notre activité. 

Comment opérez-vous?

Au total, nous comptons une quarantaine de collaborateurs répartis entre Genève, Londres, Dubaï et Miami, pour 120 clients dont une moitié en gestion discrétionnaire et l’autre en advisory. Notre équipe d’investissement compte quatre personnes à Genève et à Londres, notre équipe technique une demi-douzaine. Les opérations gèrent aussi le reporting et la compliance.  Le reste d’entre nous s’occupe directement des clients auprès desquels nous jouons un rôle différent selon la typologie. Asset manager pour certains, family office pour d’autres, bâtisseurs de solutions ad-hoc pour tous. Comme dans le cas d’un client qui nous a demandé de construire un portefeuille d'investissement en accord avec les règles islamiques. Nous collaborons également avec un réseau externe de partenaires bancaires – comme Julius Baer – ou juridiques – comme FBT Avocats. 

«Un nombre de plus en plus important de familles
veulent ramener leurs placements en Suisse.»
Structurez-vous vos propres produits?

Oui, notre Asset Management construit des portefeuilles spécifiques pour chaque mandat institutionnel, avec 2 ou 3 produits particuliers qui offrent des synergies significatives avec la gestion de fortune. Pour reprendre l’exemple que j’évoquais plus haut, c’est notre équipe de Londres qui a articulé le portefeuille de finance islamique au bénéfice d’un client de Genève. 

Quel est votre modèle d’affaires?

Assez classiquement nous chargeons un mix de commissions – points de base sur encours – mais nous prenons parfois aussi des commissions de performance ou même des honoraires de conseil. 

Etes-vous toujours aussi enthousiaste à propos de Genève qu’à vos débuts?

Sans aucun doute. Enthousiaste à propos de Genève, et de la Suisse en général, où un nombre de plus en plus important de familles veulent ramener leurs placements. 

Et prêts à consolider avec d’autres sociétés, malgré les querelles d’ego?

Egalement. Dans le présent contexte de charges réglementaires, nous pensons pouvoir jouer un rôle positif dans la consolidation du secteur: notre bilan est solide, nous sommes en excellents termes avec la concurrence et nos expertises – en private equity, sur les marchés cotés, sur l’immobilier – sont reconnues. De plus, nous avons déjà réussi à consolider, avec Nicolas Salloum il y a six ans, ou en adoptant une équipe venue de Morgan Stanley. L’ego n’est pas une difficulté. Ce qui peut poser problème, c’est la compatibilité des valeurs. Nous sommes très ouverts à toute opportunité qui fait sens mais n’en n’avons pas besoin. Notre croissance organique peut nous permettre de doubler nos actifs sans difficulté.

Comment vous différenciez-vous vis-à-vis de vos concurrents?

Les clients qui s’adressent aux banques n’ont jamais en face d’eux le même niveau d’interlocuteur que ce qu’ils auront chez nous. Et puis notre taille et notre diversité nous permettent d’identifier et de corriger très rapidement les «lacunes» de gestion des portefeuilles qui nous parviennent.

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