Le come-back de l’Europe

Salima Barragan

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Un thème de rattrapage, selon Louise Bonzano de J.P. Morgan AM.

Depuis le début de l’année, les indices Value et Small Cap européens affichent des performances en-dessus de celles de leurs pairs américains et asiatiques, indépendamment de la 3ème vague de contaminations qui plane au-dessus du Vieux Continent. Il se trouve que ce marché cyclique est un grand bénéficiaire de la rotation sectorielle. Selon J.P. Morgan, tout est affaire de microéconomie et de sélection des titres. Lors d’une présentation en ligne, Louise Bonzano, spécialiste des actions européennes chez J.P. Morgan AM a partagé ses perspectives:  l’Europe est clairement de retour, dopée par la reprise mondiale. Les écarts de valorisation quasi historiques entre les actions de croissance et les titres value promettent de belles performances. Entretien.

Quelles sont les particularités actuelles du marché européen, largement dominé par des titres Value?

Le marché boursier européen est définitivement le marché cyclique et high bêta qui bénéficiera de la reprise économique en Europe et ailleurs dans le monde. Globalement, les fondamentaux des entreprises européennes Value ont amélioré et leur EPS ont été revus à la hausse, mais l’exposition des investisseurs reste bien en deçà du potentiel. Aujourd’hui, les valorisations entre les secteurs bon marché et onéreux et entre les constituants d’un même secteur sont dispersées; nous n’avions plus revu ça depuis dix ans. Par exemple, le secteur automobile qui est abordable avec une P/E moyen de 11x cache des disparités parmi ses constituants: Volkswagen s’échange à 7x les bénéfices contre 57x pour Ferrari. Pourtant, le groupe allemand qui s’est depuis peu complétement réinventé, fabriquera bientôt des millions de véhicules électriques, ce qui représente une production bien supérieure à celle de Tesla. D’ailleurs, le bond de 15% sur l’action du groupe allemand cette année reflète bien ses changements stratégiques. D’autres secteurs sont plus couteux comme les softwares avec un P/E moyen de 30x. Pourtant, Altos qui offre des services de cloud s’échange à 10x les bénéfices contre 35x pour Temenos, le concepteur de logiciels bancaires.  

Les taux d’intérêt français qui étaient passés en territoire positif
sont vite retombés en-dessous de zéro grâce à l’habilité de la BCE.
Vous semblez très optimistes quant à la reprise économique alors que certains pays européens s’attendent à une troisième vague de contaminations. Vous n’avez aucune crainte à ce sujet?

La 3e vague de contaminations et de restrictions pourrait mettre la reprise économique en danger sur le court terme, particulièrement en France où les cas s’amplifient, certainement dû à la lenteur de la vaccination dans l’Hexagone. Cependant, l’engagement des sociétés pharmaceutiques nous permet d’être optimistes sur la poursuite de la vaccination. L’impact des restrictions cette année n’est pas de même mesure que celui de 2020. Nous avons aussi toujours l’engagement sans faille de la BCE qui fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir le coût du financement au plus bas avec son programme de rachats obligataires. Les taux d’intérêt français qui étaient passés en territoire positif sont vite retombés en-dessous de zéro grâce à l’habilité de la BCE.

Quel autre thème identifiez-vous en Europe?

Le thème récurrent des petites capitalisations boursières est revenu en Europe et dans les autres marchés. Voyez-vous, la microéconomie a autant d’importance que la macroéconomie: les actions asiatiques soutenues par une conjoncture favorable n’ont pas affiché de meilleures performances que leurs pairs occidentaux. Vous serez aussi surpris d’apprendre que les petites capitalisations européennes ont enregistré depuis le début de l’année la même performance que leurs homologues américaines. Grace aux stimulus des banques centrales, les Small Cap n’ont pas sous-performé les grandes capitalisations durant la pandémie, comme elles l’on fait lors des précédentes crises. Nos spécialistes se concentrent tout particulièrement sur les leaders européens et les entreprises dont les modèles d’affaires sont agiles: ces sociétés profiteront du rebond économique des grands partenaires commerciaux, à savoir la Chine et les Etats-Unis dont les économies reprendront en V. L’Europe est un marché cyclique qui a beaucoup à gagner du rebond économique mondial.

L’Europe qui n’a pas de FANG listés dans ses cotes a été pénalisée l’année passée. Quelles sont vos perspectives sur son secteur technologique?

Effectivement, l’Europe n’a ni médias sociaux ni smartphones, mais elle est le leader incontesté des technologies Business To Business, tels que les semi-conducteurs, les services de paiement, les équipements télécom ainsi que les softwares pour les entreprises. Mais les dispersions extrêmes entre les valorisations européennes et américaines ont créé des sources d’inefficience d’alpha à exploiter. Autrement dit, les entreprises technologiques européennes se traitent avec une décote vis-à-vis de leurs paires cotées aux Nasdaq. A titre d’exemple, l’allemand Infineon, un leader des semi-conducteurs, se traite à 30x les bénéfices contre 38x pour Nvidia qui fabrique pourtant le même type de produit. Et le français Capgemini s’échange à 18x contre 30x pour Accenture dont le modèle d’affaire est assez similaire. Vous serez enfin très surpris d’apprendre qu’Amazon a en réalité perdu des parts de marché durant l’année passée, car un nombre incalculable de sociétés ont massivement investi dans leurs sites marchands.