La fin des tabous

Salima Barragan

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Il est temps de mettre fin aux préjugés sur le genre dans la gestion alternative. Avec Dorothée Borca Dumortier d’IG Bank.

Si la diversité progresse, l’industrie des heldge funds a encore des progrès à réaliser. Selon la récente étude «Mind the Gap» réalisée par IG Group, les femmes représentent seulement 14,5 % des gestionnaires de fonds alternatifs, alors qu'il n'existe aucune corrélation entre les performances des portefeuilles selon les genres. Comment interpréter ce taux de participation féminine si faible? Les explications de Dorothée Borca Dumortier, directrice commerciale chez IG Bank.

Quel est le but de cette étude réalisée par vos soins?

Le résultat de l’enquête permet de clarifier une réalité clé: le pourcentage de managers féminins dans la gestion alternative est comparativement très bas sachant  qu’il n’y a aucune corrélation prouvée entre la performance des fonds dirigés par les femmes et par les hommes. Cet état de fait doit faire émerger une prise de conscience nécessaire afin que les lignes bougent enfin au sein de notre industrie.

Comment interprétez-vous le taux de participation dérisoire de 14,5%?

Ce résultat est probablement lié à un état d’esprit, à des biais conscients ou inconscients qui ont du mal à disparaitre  dans le monde des alternatifs et plus généralement dans le secteur financier. Pour mieux comprendre cet état de fait, cette étude a voulu prendre le pouls sur le terrain et interroger des expertes. Leurs réponses sont unanimes et appuyées par leurs expériences respectives et des faits avérés:  il n’y a absolument aucun désavantage à employer des femmes tant leurs compétences correspondent à celles de leurs pairs masculins. Il est donc essentiel de sensibiliser davantage le milieu afin de mettre fin à des préjugés selon lesquels le genre à un impact sur la performance.

Il existe aujourd’hui des réseaux par lesquels des gestionnaires de fonds féminins de premier plan partagent leur expérience et proposent des conseils aux jeunes femmes qui démarrent leur carrière.
Pourquoi la Suisse affiche-t-elle le taux le plus élevé de la fourchette, soit 16,2%?

La Suisse, et le Royaume-Uni, sont en tête parce qu'ils représentent les plus grands centres financiers d’Europe, selon le concept que plus l’écosystème est important, plus les opportunités y sont nombreuses. Mais la Suisse, qui reste un pays moins peuplé en comparaison, possède un large biais sur la gestion alternative avec 160 sociétés de hedge funds sur son territoire.

Quels sont les principaux obstacles auxquels la gent féminine interrogée dans le cadre de votre étude est confrontée?

Nous avons identifié une méfiance généralisée du secteur à l'égard des femmes gestionnaires et des dirigeantes de fonds, notamment lors des recrutements où elles doivent faire valoir des historiques de performance d’exception ainsi qu’une réputation irréprochable, alors que leurs concurrents masculins peuvent parfois être engagés avec moins d’expérience préalable. En outre, les dames proposent systématiquement des candidats de leurs réseaux féminins et masculins pour les postes de direction et de conseil d'administration, alors que les hommes ne proposent souvent que des postulants mâles du fait de leur réseau parfois moins diversifié.

Quel conseil de carrière donneriez-vous à ces futures gestionnaires féminines?

Il existe aujourd’hui des réseaux par lesquels des gestionnaires de fonds féminins de premier plan partagent leur expérience et proposent des conseils à de jeunes femmes qui démarrent leur carrière. Je ne peux que recommander de trouver un tel mentor dans le secteur, c’est-à-dire une personne qui saura les aider à découvrir leurs qualités clés et exploiter au mieux leur propre «boîte à outils» – des éléments fondamentaux dans la construction de leur parcours professionnel. Les opportunités ne manquent pas, mais les femmes ne sont pas toujours au fait des options qui s’offrent à elles parmi la multitude de filières qui existent dans le monde de la finance. À ce titre, l’association «100 Women in Finance» a récemment lancé le programme «Launch me» permettant de mettre une relation des professionnelles de la finance expérimentées avec des étudiantes du monde entier afin de créer des liens durables et de les supporter dans leurs premiers pas dans le secteur financier.

Un dernier mot pour la fin?

J’estime que l'on peut certainement faire encore mieux en Suisse. Du côté des banques, nous constatons que de plus en plus d’entre elles cherchent à recruter des femmes à des postes clés pour favoriser la diversité. Un pas positif qui devra s’inscrire sur le long terme pour enfin d’atteindre une parité plus que méritée.