La conquête de l’éducation numérique

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Le secteur est sous-évalué vis-à-vis du Nasdaq, estime Rahul Bhushan, cofondateur de Rize ETF.

Et si l’enseignement à domicile à n’importe quelle heure devenait possible? C’est le pari que l’éducation numérique tente de relever depuis que les vagues de confinement obligent les universités à basculer leurs cours en ligne. Rize ETF (l’ancienne équipe ETF de Legal and General Investment Managers), qui suit le thème depuis déjà un moment, s’intéresse aux entreprises technologiques qui formeront les prochaines générations de diplômés. «Le COVID-19 a servi de catalyseur, mais cette tendance existait déjà. Des licornes telles que l’américaine Coursera ou l’indienne ByJu’s sont prometteuses», estime Rahul Bhushan, cofondateur de Rize ETF. Entretien.

Pourquoi lancer un ETF sur l’éducation numérique?

Les dépenses dans le secteur de l’éducation - qu’elles proviennent des gouvernements, des parents, des individus ou des entreprises - atteindront 10 trillions de dollars d’ici 2030. Dans cinq ans, il y aura un demi-milliard de diplômés universitaires ou de hautes écoles de plus. Mais d’ici 2050, ils seront deux milliards de plus. Cette croissance exponentielle est guidée principalement par la croissance démographique des pays en développement. L’offre actuelle ne pourra pas répondre à cette demande, c’est pourquoi la technologie et l’éducation devront ensemble relever ce défi.

Pourquoi le secteur est-il sous-évalué vis-à-vis des entreprises technologiques du Nasdaq qui se traitent à plus de 30 fois les bénéfices?

Même s’il croît très rapidement, il reste sous-évalué car les systèmes éducatifs n’ont pas encore pleinement expérimenté la digitalisation. Les titres s’échangent à un P/E (Price Earning) autour de 23, ce qui correspond à une sous-évaluation de 30%. Par ailleurs, on ne commence à en parler sérieusement que depuis peu de temps; Barclays a nommé une nouvelle équipe de recherche dédiée à la thématique seulement l'an dernier. Pourtant, le grand nombre de licornes qui attendent leur IPO prouve qu’il y a vraiment un haut potentiel.

Dans les zones rurales en Inde et en Chine, le taux
de pénétration de l’éducation numérique est déjà de 5%.
Le secteur manquerait-t-il de capitaux?

L’éducation numérique reçoit moins de capitaux que les autres secteurs. Il représente une capitalisation boursière globale de seulement 150 milliards: un montant sous-dimensionné par rapport à la santé par exemple. Or, l’innovation nécessaire pour relever les les défis de l’éducation en ligne requiert des capitaux.

Pourtant, le confinement a clairement démontré l’utilité de l’éducation numérique…

Oui, mais elle est encore sous-numérisé avec moins de 3% des dépenses totales de l’éducation en technologie. En réalité, elle est à la traîne; ce qui à notre avis offre un potentiel de croissance pour les valeurs listées vu que les universités et autres hautes écoles doivent toutes adapter leur offre à la nouvelle demande en ligne et s’associent davantage avec des entreprises technologiques comme 2U ou Grand Canyon Education. De surcroît, les applications des technologies de pointe commenceront à prendre leur essor en 2023 avec l’intégration croissante de l’intelligence artificielle dans l’enseignement de base et les procédés d’apprentissage.

Cette année, le capital-risque a-t-il dynamisé la croissance du secteur?

Oui, et il devrait bénéficier d’ici les prochains mois de plus de 10 milliards de dollars de soutien additionnel. Les trois premiers trimestres ont déjà vu un investissement record de 8,3 milliards de dollars, la Chine restant en tête pour l’instant. Grâce à ByJu's, la plus grande IPO qui a combiné deux cotes en Inde et aux Etats-Unis. Sur le plan des marchés, l'Inde prend la deuxième suivie par les États-Unis. Ces trois marchés représentent à eux seuls 90 % du total des investissements mondiaux pour cette année dans le secteur des technologies de l'information et de la communication. Nous avons aussi eu Vitru Education au Brésil récemment et Docebu au Canada peu avant.

Quels sont les IPOs dans le pipeline?

L’IPO de Coursera, chiffrée à 2,5 milliards de dollars, sera  vraisemblablement effectuée au cours du premier semestre de l’année prochaine, tout comme celle d’Udemy.

Pourquoi les entreprises émergentes sont-elles très représentées et comment votre ETF est-il exposé?

Les entreprises émergentes y sont très présentes car le défi de l’accès à l’éducation est très marqué dans leurs régions. Dans les zones rurales en Inde et en Chine, le taux de pénétration de l’éducation numérique est déjà de 5%. La société australienne Holon IQ spécialisée dans ce domaine nous fournit les scores des entreprises de monde entier et la moitié de l’exposition de notre ETF comprend des moyennes capitalisations boursières américaines.