L’IA accélèrera la demande d’électricité

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

«Les responsables des data centers réfléchissent déjà à la manière dont ils vont répondre à l’essor imminent de l’IA» explique Omar Moufti de BlackRock.

L’investissement thématique permet d’investir dans les mégatendances mondiales en analysant les changements structurels qui modifient les moteurs de bénéfice des entreprises. L’évolution du climat et son corollaire, la transition énergétique, est l’une de ces mégatendances. La plus importante sans aucun doute. Responsable de la stratégie sectorielle, thématique et énergétique de l’équipe iShares de BlackRock, Omar Moufti répond à quelques questions sur la sécurisation des ressources de la transition énergétique. 

Pouvez-vous nous brosser un tableau rapide des perspectives de la demande d’énergie et plus particulièrement de la demande d’électricité?

La demande d'énergie a relativement stagné au cours de la dernière décennie, en raison principalement d’une efficience énergétique en progrès constant. Par contre, la demande d'électricité n'a cessé d'augmenter avec une électrification progressive de l’activité industrielle, du chauffage et des transports, même s’il elle s’est ralentie au cours des derniers trimestres. Aujourd’hui, avec la popularisation de l’usage de l’intelligence artificielle et sa diffusion dans des domaines d’activité de plus en plus divers, nous nous attendons à un essor des centres de données pour une adoption technologique à grande échelle. Ce qui implique forcément une recrudescence de la demande d’électricité. Nous n'en sommes encore qu’au début du processus, mais cette électricité devra être produite de manière durable et les responsables de data centers réfléchissent déjà à la manière dont ils vont répondre à l’essor imminent de l’IA.

L’urgence n’est-elle pas de remplacer la production d’électricité à base de charbon par une électricité à base de gaz? En Inde par exemple?

Pour s’assurer d’un approvisionnement suffisant, l'Inde pourrait passer du charbon au gaz mais aussi au solaire ou à l'éolien. Les émissions de CO2 du charbon sont plus élevées que celles du gaz mais ces dernières restent supérieures à celles des énergies renouvelables. Il y aura donc des étapes dans la transition de l’Inde mais la tendance générale reste à l’orientation vers les énergies renouvelables. 

Energie solaire, éoliennes, hydrogène, hydraulique, nucléaire. Quels sont les meilleurs choix?

Tout dépend du contexte et de la capacité à stocker l’électricité. Le problème de l’électricité produite à base d’énergies renouvelables reste sa disponibilité tout au long de la journée, d'où la nécessité d'une capacité de base à laquelle le nucléaire peut faire face. Les centrales nucléaires sont certes propres en termes d’émission de CO2 mais le problème de la gestion de leurs déchets continue de se poser. Reste donc encore à résoudre de manière satisfaisante la problématique du stockage de l'électricité associée à l’intermittence de la production par renouvelables : transfert par pompage, stockage par air comprimé, batteries à lithium, «power to gas», les solutions existent mais l'ampleur de l'infrastructure à construire, y compris le réseau électrique, est souvent sous-estimée.

Ce qui nous amène à vous demander si les matières premières indispensables à la transition, du cuivre aux terres rares, sont suffisamment disponibles?

Les matériaux critiques - cuivre, , nickel, terres rares - sont très largement sous-investis. La construction d’infrastructures étant à l’ordre du jour politique, pour extraire, traiter et fabriquer les éléments nécessaires aux technologies propres, il sera nécessaire d’implémenter davantage d'incitations et de subventions et d’alléger la bureaucratie et les freins au partage de l’électricité. Je pense en particulier aux droits de passage sur les réseaux électriques. En tout état de cause, on peut envisager une hausse sensible des prix des matériaux critiques qui incitera les investisseurs à se positionner sur les dépenses en capital correspondantes. La réglementation contribuera également à soutenir le secteur.

Quel rôle joue l’efficience énergétique?

Un rôle absolument clé. Tout particulièrement en Europe où la réglementation et les incitations sont fortes que ce soit dans l’industrie, dans les transports ou dans la construction. Cette efficience joue à plusieurs niveaux : dans la conservation de l’énergie mais aussi dans l’amélioration des productions à base de renouvelables. Notamment le rendement des panneaux solaires s’est sensiblement amélioré au cours des dernières années. 

De quelle manière les grands programmes nationaux ou régionaux visent-ils à faciliter la transition?

L’Inflation Reduction Act (IRA) de 2022 fixe la feuille de route des Etats-Unis en matière de réduction des émissions de carbone. C’est l’un des plus grands efforts politiques des dernières années. Le gouvernement américain entend s’appuyer sur l’exploitation minière nationale – un montage difficile dans une économie mondialisée -, pour prendre la tête de la lutte mondiale contre le changement climatique. Le législateur a accordé 369 milliards de dollars sous forme d’incitations fiscales (subventions et crédits d’impôts) pour soutenir l’industrie verte. En 2022 également, à travers son «Ajustement à l’objectif 55», l’Union européenne a prévu de stimuler les énergies renouvelables avec pour objectif une part d’au moins 40% dans le bouquet énergétique européen d’ici 2030. Ces nouvelles règles porteront l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre au niveau de l'UE d'ici à 2030 de 29% à 40% par rapport à 2005. 

Comment vos portefeuilles tiennent-ils compte de cette mégatendance? 

Cela dépend du thème précis. Ils tentent en général de saisir les progrès à long terme de l'énergie propre et de l'accès aux métaux et aux minéraux mais certains recherchent plutôt une exposition unique au cuivre et d’autres à l'expansion des batteries au lithium. Le positionnement des titres est à chaque fois adapté au thème en utilisant nos données pour déterminer les entreprises les mieux placées.

A lire aussi...