Intégrer la dynamique du changement

Yves Hulmann

3 minutes de lecture

Pour Geraldine Sundstrom de PIMCO, des secteurs aussi divers que l’énergie et la santé connaissent de profondes mutations en un temps record.

Mobilité, télétravail, technologies ou énergies renouvelables: dans toutes sortes de domaines, 2020 a assurément été une année marquée par d’importantes transformations. En tant qu’investisseur, comment faut-il justement appréhender le changement? Geraldine Sundstrom, responsable de l’allocation d’actifs pour la région Europe, Moyen-Orient et Afrique (EMEA) chez PIMCO, livre son appréciation de la situation sur le plan macroéconomique ainsi que sur la meilleure façon d’appréhender les mutations en cours.

Que faut-il attendre pour l’année en cours?

La grande majorité des participants au marché s'attendent actuellement à ce que l'économie retrouve une forte croissance en 2021 et au commencement d’un nouveau cycle économique. Durant la phase initiale d'un cycle économique, les risques sont généralement accrus dans les portefeuilles et les valeurs cycliques sont préférées aux actions défensives. Nous aussi, nous nous attendons à une reprise économique vigoureuse l'année prochaine, mais nous pensons aussi qu'il est important de prêter attention aux nuances qualitatives. En effet, des changements profonds attendus depuis longtemps se produisent maintenant - et ils surviennent plus rapidement que nous ne l'aurions supposé il y a quelques mois seulement. Ces changements sont induits par les gouvernements, ils sont alimentés par des réglementations concernant des émissions nettes zéro, d'énormes déficits budgétaires ainsi que par des plans de sauvetage qui devraient conduire à une nouvelle normalité. Alors que l'on croit généralement que les changements se produisent de manière linéaire sur la durée, nous connaissons actuellement une accélération fulgurante du changement.

Le secteur de la santé s'adapte également à une nouvelle
normalité avec le déploiement de réseaux et d'appareils 5G.
Dans quels domaines ces changements se produisent-ils?

Le changement ne se produira pas dans l'avenir mais il a lieu ici et maintenant. Pour ne citer que quelques exemples, la Commission européenne a récemment publié sa stratégie en matière d'énergies renouvelables en mer, qui devrait permettre de quintupler leur capacité d'ici à 2030. Autre exemple: avec 1,42 million de stations de recharge pour les voitures électriques, la Chine dispose de 65% des points de recharge publics et elle déploie actuellement un réseau intelligent unifié qui permettra aux voitures de s’approvisionner en courant électrique mais aussi d’en réinjecter dans le réseau pendant les périodes de pointe, créant ainsi des sortes de centrales électriques virtuelles. Le Japon adapte également ses lois pour créer des centrales électriques virtuelles utilisant des panneaux solaires et des batteries privés, et certains États américains ont aussi déjà adopté ce concept. La demande croissante pour disposer de batteries puissantes va modifier considérablement la demande mondiale de certaines matières premières en moins de dix ans. La demande de lithium devrait être multipliée par huit et celle de graphite par cinq.

Y a-t-il des changements majeurs dans d’autres domaines que les transports ou l’énergie?

Le secteur de la santé s'adapte également à une nouvelle normalité avec le déploiement de réseaux et d'appareils 5G, le diagnostic à distance, le traitement et la gestion des soins de santé, y compris le recours à des pharmacies virtuelles telles qu’elles sont déjà largement répandues en Chine. En tant qu’investisseur, il est important de garder tout cela à l'esprit. Notre positionnement global en matière de risque est en train de passer de la prudence à la circonspection, mais avec une attitude de plus en plus constructive. Les changements sont à la fois quantitatifs et qualitatifs. Par exemple, nous avons augmenté notre exposition au Japon, car nous pensons que le marché japonais des actions continue d'offrir les évaluations les moins chères parmi les pays industrialisés.

Comment évaluez-vous le potentiel des actions américaines?

Notre panier de valeurs technologiques américaines a également été ajusté –passant de moins d’«Internet et de logiciels» à plus de «hardware» comme les semi-conducteurs et les réseaux. En outre, nous surveillerons ces prochains temps l’évolution du climat des affaires et des investissements ainsi que la volatilité des marchés afin d'accroître potentiellement notre exposition à la robotique et à l'automatisation.

Nous ne comprenons pas l'optimisme qui prévaut sur le marché
lorsqu’il s’agit de considérer les perspectives à long terme.
Compte tenu du fort rebond des actions américaines durant la seconde moitié de l’année 2020 et au début de cette année, les marchés des actions aux Etats-Unis ne sont-ils pas déjà survalorisés?

Le marché des actions aux Etats-Unis intègre en effet déjà beaucoup d’optimisme dans ses prix – en regardant au-delà de la phase actuelle de difficultés et en se projetant sur le reste de l’année. Nous aussi, nous sommes pour l’essentiel optimistes quant au fait que la conjoncture américaine évoluera de manière très dynamique sous l’impulsion des politiques monétaire et budgétaire mises en place. Nous ne parlerions ainsi pas de surévaluation des marchés même si le potentiel de surprises négatives existe naturellement aussi.

Vous sous-pondérez les actions européennes, estimant notamment qu’il y a peu de chances de voir des valeurs européennes compter parmi les leaders dans des domaines tels que la robotisation, les semi-conducteurs, les énergies renouvelables et l’automation. N’y a-t-il vraiment pas d’opportunités d’investissements dans ces quelques domaines en Europe?

Il existe bien aussi certaines entreprises européennes qui sont actives dans les domaines cités. Toutefois, dans une perspective d’ensemble, nous trouvons de telles sociétés beaucoup plus fréquemment en Asie et aux Etats-Unis.

Beaucoup d’intervenants sur les marchés anticipent une rotation sectorielle. Que faut-il attendre des actions de style «value»?

S'il est clair qu'il y aura probablement d'importantes corrections à la hausse des prix dans certains secteurs traditionnels dits «de valeur» au fur et à mesure que la croissance économique reviendra après la pandémie, nous ne comprenons toutefois pas l'optimisme qui prévaut sur le marché lorsqu’il s’agit de considérer les perspectives à long terme de ces secteurs, leur capacité durable à générer des bénéfices ou leurs valorisations.