Fausses montres: blockchain de la dernière chance

Stéphane Gachet, Watch Around

2 minutes de lecture

L’horlogerie cherche toujours la parade commune face à la contrefaçon. Le point avec Vincent Perriard d’Origyn.

Le succès a toujours son revers. Pour l’horlogerie suisse, ce revers se nomme contrefaçon. Ce mal est endémique. Et ce mal prend aujourd’hui une ampleur particulière avec l’apparition de super-contrefaçons, copies haut de gamme de montres de grand prestige.

Mais l’industrie horlogère – comme l’industrie du luxe en général – n’a jamais réussi à développer des moyens de lutte communs. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Depuis des décennies, toutes les technologies ont été développées, cartes, puces, code QR, diamants, ADN, etc., sans jamais avoir réussi à se déployer suffisamment pour devenir un standard. Les données sont sensibles et aucune marque ne veut prendre le risque d’ouvrir ses données à la concurrence.

C’est au tour de la technologie blockchain de tenter une percée. Nom du projet: Origyn, trois associés, deux bureaux, Neuchâtel et Palo Alto, six collaborateurs. Personne clé: Vincent Perriard, personnage multitâche bien connu dans le secteur horloger (ex- Audemars Piguet, ex-dirigeant des montres Concord, Technomarine et HYT, conseiller stratégique de plusieurs marques de prestige, etc.).

Vincent Perriard estime que les fausses montres représentent un manque à gagner de 224 millions de francs à l’horlogerie suisse et qu’il détient la solution capable de convaincre les grands fabricants et de fédérer les autres à leur suite.

Pourquoi croire que vous allez réussir là où tous les autres ont échoué?

Toutes les technologies précédentes étaient basées sur des éléments rapportés, cartes de garantie, puces, etc. Notre technologie n’est pas intrusive et elle permet de couvrir ce «dernier mile»: l’authentification est dans la montre et n’importe quelle montre peut être authentifiée avec un simple smartphone et une app.

Le challenge n’est pas technologique.
Le challenge est de convaincre.
En deux mots, comment cela fonctionne-t-il?

C’est un croisement de blockchain, de big data et de reconnaissance faciale appliquée à la montre. Chaque composant, chaque vis, de chaque montre produite est photographié en haute définition et constitue une signature unique (un clone numérique) et infalsifiable. Il suffit à l’utilisateur de photographier à son tour sa montre en haute définition (le système fonctionne dès 12 millions de pixels, soit dès l’IPhone 6, par exemple) pour activer le système d’identification. La mise en œuvre est très simple et va plus loin que la contrefaçon: nous amenons de la transparence.

Cette technologie s’applique donc uniquement aux montres qui seront produites, pas celles qui circulent déjà?

En effet, sauf si une marque décide de proposer ce service à ses clients existants. Et sans aller jusqu’à l’identification par les composants, il sera possible de reprendre les codes de base d’un fabricant — les longueurs d’aiguilles, par exemple — et d’identifier déjà une fausse montre. Le challenge n’est pas technologique. Le challenge est de convaincre.

Justement, toutes les technologies précédentes se sont heurtées à la résistance du secteur. Qu’est-ce qui vous fait penser que les marques vont accepter de vous livrer des données très sensibles?

La traçabilité est un argument incontournable aujourd’hui. C’est un service que les marques de haut de gamme doivent offrir à leur clientèle et cela fait partie de l’image de la marque.

Surtout, notre technologie permet de transformer un coût en opportunité de business: imaginons simplement que les marques proposent ce service d’identification à leurs clients existants pour 5 ou 10 francs… les montants sont tout de suite stratosphériques, en milliards de francs. Il est aussi possible de greffer d’autres services, un système d’assurance par exemple.

Personne n’est jamais venu avec une solution
totalement maîtrisée et non intrusive.
Certes, mais les fabricants doivent ouvrir leurs données. Ce qui pose la question cruciale de la gouvernance de votre entreprise. Comment allez-vous le gérer?

Premièrement, l’entreprise Origyn va être transformée dans les mois qui viennent en fondation à but non lucratif. Ensuite, il est prévu d’ouvrir la structure aux marques, afin qu’elles en aient le contrôle. Ceci dit nous restons humbles et conscients du challenge, même si nous sommes convaincus que notre technologie permet d’aborder le problème de la bonne manière et de transcender les sensibilités.

Alors quel intérêt pour vous? Vous resterez comme investisseur?

Oui. Sur le principe, l’entreprise est financée à travers des token et restera ouverte aux investisseurs. L’exit se fera simplement en revendant les token.

Mais il faudra commencer par convaincre quelques grandes marques, Patek Philippe, Audemars Piguet, Richard Mille… ou pourquoi pas Rolex. Où en êtes-vous?

Les horlogers sont soulagés lorsque nous leur montrons notre technologie. Personne n’est jamais venu avec une solution totalement maîtrisée et non intrusive. La meilleure preuve que l’intérêt est là est que nous sommes en contact avec le top management et les conseils d’administration.

Timing pour le lancement public?

Début 2021.