En matière de resserrement quantitatif, il n’y a pas de manuel à consulter

Yves Hulmann

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Pour Alessandro Tentori d’AXA IM, les banques centrales resteront prudentes dans la mise en œuvre du processus de réduction des liquidités.

Les marchés continuent d’osciller au gré de la publication des statistiques concernant l’évolution des prix et des données du marché du travail, influencés surtout par la situation aux Etats-Unis. Comment situer les annonces effectuées par les banques centrales en deuxième moitié du mois de septembre et que faut-il attendre en matière de politique monétaire au cours des prochains mois? Le point avec Alessandro Tentori, directeur des investissements (CIO) pour l’Europe du Sud chez AXA Investment Managers.

A la mi-septembre, la Banque centrale européenne (BCE) a relevé ses taux d’un quart de point, tandis que la Fed et la BNS ont préféré les laisser inchangés tout en signalant qu’elles se réservent la possibilité de procéder à un nouveau tour de vis d’ici à la fin de l’année. A-t-on désormais atteint le pic dans le cycle de hausse des taux d’intérêt chez les banques centrales?

Après ces différents tours de vis de 25 points de base, je m’attends effectivement à ce que les hausses des taux directeurs soient terminées pour les principales banques centrales dans le cycle actuel d’augmentation des taux d’intérêt, aussi bien du côté de la BCE que de la Fed. Les seules exceptions qui pourraient aller à l’encontre de ce scénario seraient les suivantes : une nouvelle accélération de l’inflation qui serait due soit aux effets de base servant de comparaison de l’an précédent, soit en raison de nouvelles hausses importantes des prix de certaines matières premières. Le principal risque est que plus longtemps une situation d’inflation persiste, plus il devient vraisemblable que les attentes concernant l’inflation future continuent d’augmenter.

«Il est vrai que les taux ont beaucoup augmenté depuis l’an dernier mais cela s’est produit à partir d’un contexte où la politique monétaire était vraiment très excessive.»
La remontée récente des cours du pétrole durant le mois de septembre pourrait-elle remettre en question les scénarios d’une baisse graduelle de l’inflation attendue pour les prochains mois en Europe et aux Etats-Unis?

Le fait que les prix du pétrole dépassent à nouveau les 90 dollars le baril n’est, à mon avis, pas le risque principal. Les problèmes se situent ailleurs. Le danger est plutôt qu’il y ait constamment un facteur susceptible de relancer l’inflation. D’abord, cela a été les prix de l’énergie en 2022 ; maintenant il s’agit plutôt des tensions au sujet des prix des produits alimentaires. Lorsque de tels développements se répètent, les risques d’effets de second tour de l’inflation tendent à augmenter.

La question de savoir si les taux directeurs ont atteint un plateau est une chose, celle de prévoir s’ils vont redescendre ensuite en est une autre. Anticipez-vous des baisses de taux dès l’an prochain aux Etats-Unis et Europe, comme le prévoient certains économistes?

Je suis plutôt prudent à ce sujet. A mon avis, aussi bien la BCE que la Fed vont maintenir les taux directeurs à des niveaux élevés pendant encore un moment – au moins jusqu’à ce que la situation macroéconomique se détériore significativement. Du côté de la Fed, l’opinion dominante est que tant que les consommateurs parviennent à supporter des taux de 5% ou plus, on peut laisser les taux à ce niveau. Ce n’est que lorsqu’une récession sera vraiment visible que la Réserve fédérale américaine va à nouveau abaisser ses taux directeurs, pas avant.

Malgré les hausses de taux successives réalisées par les banques centrales depuis 2022, vous estimez que la politique monétaire reste encore expansive, étant donné qu’il y a encore d’abondantes liquidités sur le marché. Pouvez-vous l’expliquer?

Il ne faut pas oublier la situation de départ qui prévalait avant que les banques centrales n’aient entamé le cycle de hausse des taux d’intérêt actuel : en 2022, ont partait d’une situation de liquidités très excessive sur les marchés. Il est certes vrai que les taux ont beaucoup augmenté depuis l’an dernier mais cela s’est produit à partir d’un contexte où la politique monétaire était vraiment très excessive.

Comment les banques centrales pourraient-elles réduire à terme le montant des actifs qu’elles ont accumulés tout au long des années de politique monétaire ultra expansive («quantitive easing», QE)?

En matière de resserrement quantitatif (QT), il n'y a pas de manuel que l’on peut consulter. Il s'agit plutôt d'un processus d’essai et d’erreur. C'est pourquoi les banques centrales sont très prudentes dans leur mise en œuvre du resserrement quantitatif, soucieuses de ne pas choquer des économies ou des secteurs de l'économie par un resserrement inutile. Bien entendu, l'excès de liquidités est en conflit avec des taux d'intérêt plus élevés. Ainsi, l'orientation générale de la politique monétaire pourrait être atténuée par rapport aux cycles de resserrement précédents.

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