Durabilité: en quête de normes globales

Yves Hulmann

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Pour Stefan Flückiger du SFI, la place financière suisse aura tout intérêt à s’aligner sur les standards internationaux lorsque ceux-ci seront définis.

© Keystone

Rendez phare de la finance durable cet été, le Zurich Forum for Sustainable Investment a réuni quelque 400 participants et une cinquantaine d’intervenants lundi à Zurich. Le point avec Stefan Flückiger, sous-secrétaire d’État aux questions financières internationales (SFI), qui a effectué une présentation consacré au thème du «Swiss Sustainable Finance Hub» dans le cadre de la conférence.

Qu’attendez-vous d’un événement tel que le Zurich Forum for Sustainable Investment et que peuvent apporter ce type de rencontres à l’ère du tout numérique?

Même à l’ère numérique, un tel événement permet de réunir des gens qui sont parfois issus d’horizons très différents et qui n’ont pas souvent l’occasion de se rencontrer dans le cadre de leurs activités professionnelles usuelles. La manifestation a réuni aussi bien des investisseurs, des chercheurs, des experts en placement, des personnes qui travaillent pour les autorités de régulation ou encore des spécialistes des sciences de l’environnement. Toutes ces personnes n’avaient pas forcément l’habitude de se côtoyer auparavant. Un autre aspect qui me réjouit est l’émergence d’une scène de start-ups fintech centrées sur l’investissement durable qui est très dynamique en Suisse.

Notre pays compte une scène fintech verte, ou «green fintech», très active dans le domaine de la durabilité.
Votre présentation portait sur le thème du Swiss Sustainable Finance Hub: la place financière suisse n’est pas la seule à avoir pris le virage de l’investissement durable. D’autres sites comme Londres, Francfort ou les pays nordiques sont aussi très avancés dans ce domaine. Quels sont les atouts spécifiques que la place financière suisse peut faire valoir dans ce domaine?

Un atout essentiel de la place financière suisse est la taille de son secteur de la gestion de fortune. La Suisse concentre toujours à elle seule un quart de la gestion de fortune transfrontalière mondiale. Les banques suisses comptent également parmi leurs client un grand nombre de personnes ultra-fortunées, ou «HNWI». C’est une clientèle qui veut aussi toujours davantage savoir comment son argent est investi et quel est l’impact de ses investissements sur l’environnement. S’y ajoute également un grand savoir-faire dans le domaine de la gestion institutionnelle. Enfin, comme je l’ai déjà évoquée précédemment, notre pays compte une scène fintech verte, ou «green fintech», très active dans le domaine de la durabilité. Elle développe non seulement des outils de gestion des portefeuilles qui tiennent compte de ces aspects mais elle peut aussi s’appuyer sur des outils d’évaluation des données environnementales des entreprises. Tous ces acteurs tirent aujourd’hui à la même corde. C’est une évolution qui me donne de grands espoirs quant aux chances de succès de la place financière suisse dans ce domaine.

Chaque fois que l’on parle de durabilité, la question de la définition de ce qui est durable ou non se pose. La place financière suisse ferait-elle mieux de s’aligner sur les normes internationales déjà existantes ou en cours d’élaboration, à l’exemple de la «taxonomie» de l’UE, ou alors miser sur ses propres standards?

Il faut être bien conscient que la question de la définition des normes en matière de durabilité ne se limite pas uniquement à la Suisse, ni même à l’UE, mais qu’elle se pose sur le plan global. Il y a actuellement une discussion très large au sein du G20 sur la question des normes s’appliquant à la finance durable. S’agissant des aspects liés à l’évolution du climat, des discussions ont lieu notamment dans le cadre de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), qui émane du Financial Stability Board. Le Conseil fédéral soutient ses recommandations et va proposer une application concrète, adaptée pour la Suisse. Si, à l’avenir, des standards globaux sont mis en place en matière de durabilité sur le plan international, alors la place financière suisse aurait bien sûr tout intérêt à s’y aligner et à développer des produits à haut gamme.

La définition des normes en matière de durabilité ne se limite pas uniquement à la Suisse, ni même à l’UE, mais elle se pose sur le plan global.
Une étude publiée la semaine dernière par Greenpeace a pointé du doigt des insuffisances dans le domaine du conseil fourni par les banques en matière de durabilité. La question de la qualité du conseil relève-t-elle de la seule compétence des banques ou l’Etat et les instances de régulation ont-ils aussi un rôle à jouer sur ce plan?

Le rapport publié par le Conseil fédéral au sujet de la finance durable a aussi abordé la question de la formation des conseillers. Maintenant, je pense que les acteurs de la branche, en particulier les banques, ont eux-mêmes tout intérêt à améliorer les compétences de leurs conseillers dans ce domaine. Le régulateur devrait lui plutôt définir le cadre général.

Beaucoup de fonds durables passifs sont désormais aussi proposés par différents prestataires, par exemple sous la forme d’ETFs. Peut-on étiqueter des fonds comme durables même lorsque ceux-ci répliquent essentiellement les grands indices?

Cela dépend en fin de compte beaucoup des attentes des investisseurs. C’est une question assez similaire à celle des approches basées sur l’engagement ou l’exclusion. Pour certains investisseurs, c’est déjà suffisant si un produit ou un fonds exclut les plus «mauvais élèves». Ces investisseurs n’auront pas de problème à investir dans un portefeuille constitué en grande partie de titres tels que Nestlé, Roche ou Novartis, dès lors que le fonds exclut des entreprises trop polluantes actives dans le charbon, les énergies fossiles, etc.
Pour d’autres investisseurs plus exigeants, cela ne suffira en revanche pas : ces derniers veulent détenir seulement les entreprises les plus à la pointe et les plus exemplaires d’après les critères ESG.

Dans le dernier rapport sur la durabilité publié en juin, le SFI souligne aussi le potentiel des acteurs qui exploitent toutes les possibilités de la digitalisation. Qu’elles sont-elles?

Je pense que la «green fintech» offre réellement un potentiel très intéressant dans le domaine de la durabilité. En effet, certaines start-up ont élaboré toutes sortes de nouveaux outils qui permettent, par exemple, d’évaluer et de comparer comment différentes entreprises sont proches ou non de respecter les objectifs fixés dans le cadre des conférences sur le climat COP. La numérisation contribue aussi à améliorer la transparence en matière de durabilité auprès des investisseurs.

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