Compenswiss, l’organisme qui gère les fonds de compensation AVS/AI/APG, a terminé l’année 2024 avec une performance jugée réjouissante. Le rendement net obtenu sur la fortune de placement a atteint 7,33% à fin 2024, après s’être élevé à près de 5% durant l’exercice précédent. La fortune gérée par compenswiss s’élevait à fin 2024 à 46,1 milliards de francs, contre 40,6 milliards à la fin de l’an précédent. Une hausse essentiellement due au rendement des placements réalisé en 2024 ainsi qu’à l’augmentation de la TVA suite à la réforme AVS 21, a indiqué compenswiss à l’occasion de la publication de ses résultats de l’exercice 2024 présenté mardi à Berne. Les défis pour les prochaines années ne manquent pas, ont toutefois souligné ses cadres dirigeants à l’occasion d’une conférence de presse. A commencer par le financement de la 13e rente qui n’est pas encore financée. Le point sur la situation avec Eric Breval, directeur de compenswiss.
En 2024, le rendement net des placements réalisé par compenswiss, l’institution qui gère les Fonds de compensation AVS/AI/APG, a atteint 7,33%, après protection contre les variations de change. Une large part de cette performance, soit près de 3,7%, a été obtenue grâce à la contribution des actions qui représentent près de 29% de l’allocation du portefeuille de marché. Cette part est-elle suffisante – ou au contraire trop élevée si d’aventure une correction devait survenir sur les marchés des actions?
Cette question rejoint la discussion d’avoir une allocation différenciée pour les différents fonds. S’agissant des APG, cette part pourrait certainement être supérieure car l’horizon de placement s’y prête. Concernant l’AI, une part investie en actions pourrait être à l’inverse trop élevée compte tenu du résultat de répartition souvent négatif et de la dette de 10 milliards de francs que l’AI doit encore rembourser à l’AVS. Pour l’AVS, cela pourrait aussi être le cas dans quelques années si des mesures ne sont pas mises en place pour financer la 13e rente. En 2025, nous n’allons toutefois pas modifier cette allocation. A partir de 2026, nous pourrions avoir une allocation plus différenciée entre l’AVS, l’AI ou les APG.
L’année 2024 a été marquée notamment par un recul de l’inflation et une baisse des taux d’intérêt. Parmi les scénarios dont il faut tenir compte en 2025, compenswiss est d’avis qu’un retour aux taux négatifs devait être considéré comme une vraie possibilité. Pour quelles raisons?
Il ne s’agit pas d’un pronostic – nous n’avons pas de boule de crystal – ni d’un scénario basé sur des informations privilégiées dont nous disposerions. Nous n’avons aucune information d’insider à ce sujet. Compte tenu de l’évolution économique dans la zone euro, il est à mon avis tout à fait possible, au vu du ralentissement conjoncturel observé dans la zone euro et des baisses de taux attendues du côté de la BCE, que la BNS décide d’adopter à nouveau des taux négatifs en Suisse pour empêcher une trop grande appréciation du franc suisse.
«Compte tenu de l’évolution économique dans la zone euro, il est à mon avis tout à fait possible, au vu du ralentissement conjoncturel observé dans la zone euro et des baisses de taux attendues du côté de la BCE, que la BNS décide d’adopter à nouveau des taux négatifs.»
En ce qui concerne le dollar, la situation est très différente. L’économie américaine se porte bien et le dollar est fort par rapport aux autres monnaies – il n’y a donc pas besoin que la BNS fasse quoi que ce soit pour essayer d’empêcher une trop forte appréciation du franc par rapport au dollar. A l’inverse, la zone euro va mal et on ne peut pas exclure que la BNS abaisse davantage ses taux pour contrer une appréciation du franc par rapport à l’euro.
La question du choix de l’américain State Street comme banque en charge du Global Custody des fonds de compensation AVS/AI/APG a fait couler beaucoup d’encre l’an dernier. compenswiss a insisté mardi sur le fait que Global Custody ne gère pas les actifs, ni ne transfère la totalité des actifs vers le marché où se trouve son siège. Son rôle consiste notamment à assurer un reporting unifié et à calculer les performances. L’attribution de la fonction de Global Custody, ou de banque dépositaire globale, ne devrait-elle pas néanmoins être remise en jeu à intervalle régulier, par exemple tous les quatre ou cinq ans pour éviter une trop grande dépendance envers un seul prestataire? Et pourquoi une banque suisse ne pourrait-elle pas assurer cette fonction?
Les appels d’offres se font sur base régulière L’intérêt de nos assurés n’est toutefois pas que cette prestation soit assurée par une banque suisse ou une banque étrangère mais qu’il s’agit de la meilleure dans ce domaine. Notre approche en la matière est plutôt que ce soit «AVS first» plutôt que «Swiss bank first».
Vous estimez que si une banque suisse assurait ce rôle, cela ne ferait qu’augmenter la concentration des risques. Est-ce à cause du débat actuel au sujet d’UBS?
Deux aspects doivent être considérés à ce sujet. D’une part, si un pays compte plusieurs grandes banques, il s’agit d’une situation différente que si un pays, comme c’est le cas en Suisse, n’en compte qu’une seule. D’autre part, les grandes banques universelles comme UBS sont actives dans la banque d’investissement, alors que State Street ne l’est pas. Cette dernière n’a pratiquement que des activités de banque dépositaire. Le profil de State Street est moins risqué que celui d’UBS, et son rating est supérieur. State Street est un établissement moins risqué qu’UBS et que nombre d’autres établissements.
«Les grandes banques universelles comme UBS sont actives dans la banque d’investissement, alors que State Street ne l’est pas.»
Concernant le financement de la 13e rente AVS, compenswiss insiste sur le fait que plus on attendra pour trouver des fonds supplémentaires, plus cela coûtera cher. A partir de 2028, il faudra 5 milliards de plus par an; à compter de 2030, il faudrait 8 milliards supplémentaires. Pouvez-vous l’expliquer?
Pour prendre une image, c’est un peu comme si vous un trou de 10 centimètres s’élargit à un mètre, puis de plus en plus à 10 mètres. Avec le passage du temps, il faudra engager davantage de moyens pour combler ce trou.
Un calcul qui repose sur les perspectives de l’OFAS met en relation les revenus annuels supplémentaires nécessaires sur cinq ans pour assurer que le compte de capital soit égal aux dépenses après cinq ans. Or, on constate effectivement que cette somme augmente considérablement d’année en année. En 2030, il faudrait à peu près 8 milliards supplémentaires par année pour cinq ans – donc pas seulement pour l’année 2030 mais aussi pour les quatre années qui suivent, pour respecter les exigences légales en 2035. C’est considérable.
Cette simulation montre aussi que si rien n’est fait, le rapport entre le capital et les dépenses tomberait aux environs de 50% en 2034. N’est-ce pas une hypothèse purement théorique – des mesures seraient mises en place pour réagir avant cela?
Effectivement, il y aurait très probablement une réaction avant que l’on en arrive à ce stade. A très court terme, il semble y avoir l’impression que nous n’avons pas le couteau sous la gorge. Néanmoins, mieux vaut prendre des mesures suffisamment tôt plutôt que d’attendre.