Fed: «baisse des taux» le 12 juin confirmée!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Un FOMC plutôt dovish

Il y aura bien une «baisse de taux» en juin. Si certains investisseurs ne regardent que les fameux dot plots qui illustrent les mouvements de taux directeurs futurs, ils commettent une erreur majeure car la boîte à outils de la Fed ne contient pas uniquement la politique de taux. Une preuve supplémentaire a été apportée mercredi dernier puisque les décisions du FOMC ont rappelé que la gestion du Quantitative Tightening (QT) est également un outil indispensable permettant de conduire une politique efficace.

Certes, il va certainement falloir faire une croix sur trois baisses de taux en 2024 mais Jerome Powell a non seulement confirmé le tapering du QT mais son ampleur s’est révélée supérieure aux attentes, soit 35 milliards par mois au lieu des 30 attendus. Ainsi, la taille du bilan de la banque centrale va poursuivre son régime minceur (diminution de 60 milliards par mois au lieu de 95 jusqu’à présent) mais à un rythme beaucoup moins soutenu. A la fin de l’année cela fera une différence de 245 milliards et ce montant, tout sauf négligeable, s’apparente bien à une baisse de taux.

Dans le contexte actuel qui montre petit à petit des premiers signes d’essoufflement de l’économie, moins de baisses de taux en 2024 signifient plus de baisses de taux en 2025.

Si les annonces concernant le QT sont donc à nos yeux l’événement majeur de l’intervention de Jerome Powell, il faut également retenir quelques propos plutôt dovish. Si nous devions les résumer en un mot, ce serait «soulagement». La Fed admet que la trajectoire prise par l’inflation n’est pas celle qu’elle attendait mais nous demande un peu de patience et moins d’inquiétude. La décrue viendra et une baisse de taux est toujours au programme. Jay Powell a rajouté qu’en revanche, il n’est pas question d’envisager la moindre hausse de taux. Cette précision s’est révélée capitale à un moment où les marchés commençaient à se faire peur avec ce scénario «Wallerien». En résumé, les baisses de taux sont remises à un peu plus tard mais pas abandonnées. Nous rajouterons que, dans le contexte actuel qui montre petit à petit des premiers signes d’essoufflement de l’économie, moins de baisses de taux en 2024 signifient plus de baisses de taux en 2025.

Créations d’emplois décevantes

Après des indices PMI décevants et une croissance faiblarde au premier trimestre (due notamment au ralentissement de la consommation des ménages), c’est au tour des chiffres de l’emploi de nous envoyer des signes d’essoufflement. Nous nous étions habitués, malgré notre incrédulité, à des créations d’emplois mensuelles proches de 300'000. Cette fois-ci, elles n’ont pas dépassé 175'000, faisant remonter le taux de chômage à 3,9%. Les Average Hourly Earnings sont quant à eux passés (en YoY) de 4,1% à 3,9%.

Si dans l’absolu toutes ces statistiques restent très convenables et ne sont pas synonymes de ralentissement significatif à court terme, elles participent à un sentiment qui prend de l’ampleur depuis quelques jours. L’économie américaine a peut-être connu son apogée au cours du premier trimestre et amorce un essoufflement. Pour la troisième fois depuis le début de cette chronique, nous utilisons le terme d’essoufflement car il illustre parfaitement à nos yeux la trajectoire qu’est en train de prendre l’économie US. Loin de nous l’idée de jouer le Cassandre et de promettre une récession en fin d’année mais gardons tout de même ce scénario à l’esprit pour 2025, notamment dans le cas où les taux n’auraient pas baissé suffisamment au moment d’affronter le mur de la dette des CRE.

La Fed a visiblement considéré ces prémices de ralentissement et s’ils se rajoutent à sa conviction que tôt ou tard elle viendra à bout de l’inflation, elle envisagera une première baisse de taux à la rentrée. Selon la tournure que prennent les publications de statistiques macroéconomiques dans les prochaines semaines, tout n’est pas encore perdu pour le FOMC du 31 juillet. Une politique monétaire efficace et crédible s’accorde mal avec le «stop and go», si cher à la BoE à une époque désormais révolue. Les sages de la Fed savent pertinemment qu’une politique de petit pas, sans doute espacés dans le temps, sera sans doute plus judicieuse qu’un «wait and see» suivi de baisses de taux plus agressives car trop tardives.

Le 2 ans US est donc logiquement redescendu à 4,80% et nos envies de rajouter de la duration n’ont pas pu être mises en œuvre. On nous prédisait un 10 ans à 5% mais nous pensions en acheter dès 4,80% afin d’éviter d’être trop gourmands. Résultat, il est retombé à 4,5%. La pente 5-10 est flat (positive de 1bp pour être précis) et tous les petits signes qui nous indiquent que le marché attend de nouveau une Fed plus dovish se mettent gentiment en place. Nous allons donc rester optimistes tout en redoublant de prudence. En mai, fais ce qu’il te plait mais tout comme l’alcool, le risque de duration doit être consommé avec modération!

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