Vers une nouvelle fragmentation du monde

Communiqué, Saxo Bank

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Pour le CIO Steen Jakobsen, «cette crise bancaire ne concerne pas la solvabilité des banques, mais leur capacité à continuer d’être rentables lorsque les coûts de financement augmentent».

Saxo, spécialiste du trading et de l’investissement en ligne, a publié aujourd’hui son Quarterly Outlook T2 2023 pour les marchés mondiaux, ainsi que ses principales idées de trading concernant les actions, le marché des changes (FX), les devises, les matières premières, les obligations et une série de thèmes macroéconomiques centraux ayant un impact sur les portefeuilles des clients.

L’agitation récente dans le secteur bancaire n’a pas été sans répercussions sur les marchés financiers mondiaux. Les prévisions de Saxo Bank pour le deuxième trimestre s’intéressent aujourd’hui à l’impact de cette crise, dont les conséquences à court, moyen et long termes seront considérables à la fois pour le système bancaire et pour l’économie mondiale.

«La Silicon Valley Bank est devenue le nouveau symbole d’une panique pourtant très ancienne, celle qui lui a fait perdre la confiance de ses déposants, qui l’ont tous quittée au même moment», explique Steen Jakobsen, Chief Investment Officer de Saxo. Contrairement à la crise financière mondiale de 2008, «cette crise bancaire ne concerne pas la solvabilité des banques, mais leur capacité à continuer d’être rentables lorsque les coûts de financement augmentent.»

Steen Jakobsen aborde également la fragmentation des chaînes d’approvisionnement au moment où les nations du monde entier s’assurent de la disponibilité des ressources critiques sur leur territoire ou par l’intermédiaire d’un partenaire commercial. Les échanges, qui restent internationaux, se sont répartis en deux blocs et alliances à l’heure où le monde cherche un nouvel équilibre en tentant d’échapper à la domination occidentale. C’est ce que nous appelons la fragmentation.

Associée à l’impact actuel de la guerre en Ukraine, à la plus forte volatilité obligataire de l’histoire et aux décisions politiques des autorités monétaires en matière d’inflation, cette tendance va exiger des investisseurs qu’ils reconsidèrent l’ordre du monde et les conséquences de cette nouvelle configuration pour leurs investissements au cours des trimestres, des années et des décennies à venir.

Les actions et un monde d’inconnues

Peter Garnry, chef stratégiste en actions chez Saxo, déclare: «Ce début d’année en a fait voir de toutes les couleurs aux investisseurs.» La bonne tenue du marché des actions au cours des deux premiers mois a été soutenue par «des conditions financières encore trop lâches pour contenir l’inflation, et un hiver doux en Europe qui a évité une crise énergétique.»

Cela a «poussé notre modèle de valorisation du MSCI World largement au-dessus de sa moyenne historique, faisant reculer le futur taux de rendement réel attendu, ajoute-t-il. Nous vivons dans un monde de rendements attendus en baisse, en attendant que les classes d’actifs s’ajustent à la baisse des valorisations après avoir accepté la hausse structurelle de l’inflation.»

Comme pour la fragmentation, «il s’agit essentiellement d’une dynamique géopolitique stratégique visant pour chaque pays à s’assurer de disposer d’un bon accès à l’énergie, à la technologie et à la défense dans un contexte de concurrence entre grandes nations.» De plus, «la fragmentation de l’économie mondiale devrait venir renforcer le caractère structurel de l’inflation, entraînant une hausse du coût du capital qui va faire souffrir les entreprises endettées et de faible qualité.»

Faiblesse des marchés développés contre force des marchés émergents

«Les forts gains enregistrés par les matières premières clés comme le pétrole brut, le cuivre et le fer début 2023 reposaient sur l’espoir qu’une reprise post-pandémie en Chine, le plus grand consommateur mondial de matières premières, viendrait plus que compenser l’horizon inquiétant pesant sur les économies américaine et européenne», note Ole Hansen, responsable de la stratégie Commodity chez Saxo.

Mais la réouverture de la Chine n’a pas suffi à «contrebalancer l’impact négatif de la hausse des taux», notamment à la suite du positionnement de la Fed et de ce que les marchés ont pu percevoir comme «une récession à dessein, c’est-à-dire voulue par la Fed pour s’en prendre violemment à l’inflation, quel que soit l’impact économique, entraînant des hausses de taux pour une période bien plus longue que prévu précédemment.»

L’impact de la fragmentation se fait également sentir sur l’ensemble des marchés des matières premières, et notamment dans le secteur de l’énergie. Le cuivre en particulier est soutenu par «la hausse de la demande en véhicules électriques, en génération d’énergie renouvelable, et en stockage et transmission d’énergie.»

Que se passe-t-il lorsqu’un cycle de resserrement se termine avant que l’inflation ait été jugulée?

«Rétrospectivement, le cycle de resserrement qui s’est enclenché fin 2021, mais qui ne s’est accéléré que l’été dernier, s’est avéré trop brutal et trop rapide pour les maillons les plus faibles du système financier mondial», explique John Hardy, Responsable de la stratégie Forex chez Saxo.

Le cycle de taux d’intérêt s’est nettement inversé – le moment est venu d’envisager le prochain ralentissement. «Si les marchés obligataires sonnent l’alarme, les banques centrales devront passer à l’action et finiront par mettre en place un contrôle de la courbe des rendements (YCC) à la manière de la Banque du Japon. La manoeuvre ne sera peut-être pas explicite au début, mais elle le sera de facto. Cela signifie que nous entrons actuellement dans une nouvelle ère de perte d’indépendance des banques centrales.»

«Les investisseurs devront déterminer quelles devises sont susceptibles d’offrir les taux réels négatifs les moins défavorables, quels actifs peuvent maintenir les rendements réels les plus élevés (actifs durables et sociétés qui peuvent augmenter leurs prix au niveau de l’inflation ou davantage) et quelles économies offrent le plus de ces actifs dans un monde qui s’engage sur la voie de la fragmentation.»

Tout un monde de taux d’intérêt plus élevés

«Les décideurs ont réagi rapidement pour maîtriser les récentes tensions du marché», affirme Christopher Dembik, chef analyste en macroéconomie chez Saxo, en assurant l’accès aux prêts d’urgence et aux accords de swap en USD pour stimuler la liquidité du dollar. «Mais cette mesure favorisant la liquidité, qui n’est en rien comparable à l’assouplissement quantitatif, ne profitera pas à l’économie réelle. C’est ce qui devrait nous inquiéter.»

«Le niveau d’incertitude est inhabituellement élevé. Les participants au marché doivent prêter attention à l’impact du stress de marché qui pèse actuellement sur les conditions de prêt élargies et aux faiblesses structurelles plus profondes chez les petites banques, surtout en matière de propriété commerciale.» C’est une source d’inquiétude non seulement aux Etats-Unis, mais aussi en Europe et au Royaume-Uni, car «les hausses de taux d’intérêt et la baisse d’accessibilité dans le secteur immobilier déstabilisent également le paysage financier et macroéconomique.»

 

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