Vers une désinflation en douceur: la Fed peut-elle ouvrir la voie?

Seema Shah, Principal Asset Management

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Le nombre très limité d’atterrissages de la désinflation couronnés de succès montre qu’il est dangereux d’attendre trop longtemps avant de réduire les taux.

Si la désinflation mondiale avance à grands pas, en grande partie sans pertes d’emplois, certains signes semblent indiquer un certain essoufflement du processus. La dernière ligne droite vers les objectifs des banques centrales en matière d’inflation s’avère difficile à franchir. Les marchés de l’emploi pourraient avoir à subir quelques secousses pour atteindre la ligne d’arrivée.

Le dilemme de la Fed

La Banque centrale européenne (BCE) et la Banque d’Angleterre (BoE) sont aux prises avec des économies faibles et doivent davantage assouplir leur politique monétaire que la Réserve fédérale. A cet égard, elles attendent d’avoir suffisamment confiance en une désinflation durable avant d’agir et de réduire leurs taux.

En tant que première économie mondiale, les Etats-Unis donnent généralement le ton de la politique monétaire des économies avancées. Les banques centrales mondiales attendent ainsi un signal de la Fed avant d’entamer leurs cycles d’assouplissement. En devançant la Fed, ces dernières risquent d’exercer une pression haussière sur leurs monnaies et, par conséquent, de peser sur l’économie.

La Réserve fédérale continue d’anticiper 75 points de base de baisse cette année.

Dans ce contexte, la volatilité des prévisions de la Fed au cours des derniers mois a été mal accueillie. Pas plus tard qu’en février, les marchés financiers étaient convaincus que la Fed réduirait ses taux directeurs au moins six fois cette année. Néanmoins, les surprises en matière d’inflation ont entraîné d’importantes révisions. Les marchés ne prévoient plus que deux hausses en 2024, à partir de septembre, tout en se demandant si la vigueur de l’économie permettrait éventuellement à la Fed de procéder à une réduction cette année.

Pourtant, la Fed, et en particulier le président Powell, ont très clairement indiqué qu’ils souhaitaient réduire les taux dans le courant de la période. La Fed a non seulement minimisé l’importance des données récentes sur l’inflation, mais les révisions à la hausse de ses prévisions de croissance et d’inflation n’ont pas entraîné de changements dans les projections à court terme de la politique monétaire. La Fed continue d’anticiper 75 points de base de baisse cette année.

Cela étant, les investisseurs doivent savoir qu’une réduction des taux directeurs à un moment où l’économie est supérieure à la tendance, et où le taux de chômage est encore proche de son niveau le plus bas risque d’entraîner une nouvelle vague d’inflation. La conséquence étant que le cycle d’assouplissement de la Fed sera historiquement peu marqué, avec des taux finalement plus élevés sur une plus longue durée.

Les implications pour le Royaume-Uni et l’Europe

En tant que première économie mondiale, les Etats-Unis préparent généralement le terrain, et les banques centrales mondiales attendent un signal de la Fed avant d’entamer leurs cycles d’assouplissement. En devançant la Fed, ces dernières risquent d’exercer une pression haussière sur leurs monnaies locales et par conséquent, de peser sur leurs économies.

Pourtant, la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque d’Angleterre (BoE) sont aux prises avec des économies faibles et doivent davantage assouplir leur politique monétaire que la Réserve fédérale. Elles attendent elles aussi d’avoir suffisamment confiance en une désinflation durable avant de réduire leurs taux. Nous pensons que le cycle de réduction des taux de la BCE sera repoussé jusqu’en juin et, pour la BoE, potentiellement jusqu’à la fin de l’été. Les deux banques centrales ne seront toutefois pas disposées à entamer leur cycle de réduction plusieurs mois avant la Fed.

Leur politique relativement conservatrice maintiendra une pression à la hausse sur le dollar américain. Celui-ci devrait donc connaître une longue période de vigueur, à peine atténuée par l’évolution politique de la Banque du Japon vers un cadre plus restrictif.

Un atterrissage en douceur

L’histoire nous met clairement en garde contre une réduction des taux avant un retour durable de l’inflation à son niveau cible. Il existe des similitudes frappantes entre l’évolution actuelle de l’inflation aux Etats-Unis et celle du début des années 1970.

La Fed avait également réagi en augmentant fortement les taux d’intérêt au cours de cette période. Elle a ensuite voulu assouplir sa politique monétaire, en réduisant les taux d’intérêt avant une baisse de l’inflation à des niveaux compatibles avec la stabilité des prix. Il en a résulté une reprise des tensions sur ces derniers.

Le nombre très limité d’atterrissages de la désinflation couronnés de succès montre qu’il est dangereux d’attendre trop longtemps avant de réduire les taux.

Si la Fed devait maintenir ses taux directeurs à 5,5%, la baisse de l’inflation entraînerait une hausse du taux directeur réel et, par conséquent, un resserrement de la politique monétaire. Le maintien des taux pendant trop longtemps risque donc d’anéantir les perspectives d’un atterrissage en douceur, et la Fed doit faire preuve d’une grande prudence dans l’élaboration de sa politique.

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